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Reportage
Déserts médicaux : la régulation de l’installation des médecins ne fait plus de miracle au Québec
Souvent cité en exemple dans la lutte contre les déserts médicaux, le Québec souffre aussi du phénomène malgré la régulation de l’installation des médecins, mise en place il y a une vingtaine d'années.
Faut-il obliger les jeunes médecins à s’installer dans les déserts médicaux ? La question va être à nouveau discutée en France : la proposition de loi du député Horizons de Seine-et-Marne, Frédéric Valletoux, sur le sujet est examinée à partir du lundi 12 juin à l'Assemblée nationale.
Au Québec, régulièrement cité en exemple dans la lutte contre les déserts médicaux, la régulation de l’installation des médecins existe depuis une vingtaine d'années. Si la mesure a bien fonctionné dans les premiers temps, cela n'a pas duré et de nombreuses régions sont de nouveau confrontées à une pénurie de médecins comme en Abitibi-Témiscamingue, à plus de sept heures de route au nord des grandes villes comme Montréal et Québec.
"L'imaginaire est très fort pour dire que c'est un endroit où il y a des moustiques, de la forêt et pas grand-chose d'autre", lance la Dr Chantal Charbonneau, pour décrire cette région méconnue et pas très populaire. Pourtant, c'est ici qu'elle a débarqué comme jeune médecin après que le gouvernement a mis en place un système de quotas par région pour les médecins débutants, dans les années 2000. Si le quota est dépassé, en général à Québec et Montréal, et qu'ils souhaitent quand même y exercer, ils s'exposent à des pénalités financières, en étant "payés à 70%", précise la médecin.
"Le bonheur !"
Il faut ajouter à cela 15 000 dollars de prime d’installation et 10 000 dollars par an pour les jeunes médecins qui partaient loin des grandes villes. Une aubaine qui a incité Marylène Lessard à quitter Québec pour devenir médecin en Abitibi-Témiscamingue. "C'est non négligeable ! On sort de l'université, on est un peu sous les dettes. Il a fallu que je m'organise pour payer mon logement et mes études donc j'avais quand même une certaine quantité de dettes, justifie-t-elle. Donc c'est intéressant d'aller dans une région éloignée. C'est comme ça qu'on s'est retrouvés en Abitibi-Témiscamingue même si c'était vraiment très loin", plaisante celle qui ne regrette aujourd'hui pas du tout son choix. "Si je n’étais pas heureuse ici, je serais repartie. Tout est à côté, on a accès à une grande épicerie. Il n'y a pas de poissonnerie avec des choses très fraîches, mais si on veut du poisson, on va aller le pêcher. Ce n'est pas du saumon, mais de la truite. C'est ça qui fait le bonheur !"
C'est ainsi qu'au début des années 2000, le Québec a réussi à répartir les médecins sur son territoire. Le nombre de généralistes dans les déserts médicaux a par exemple doublé. Ce fonctionnement-là, interdire aux médecins de s’installer dans des zones où il y a déjà suffisamment de praticiens, c’est précisément ce que réclament aujourd’hui 200 députés français.
Un succès éphémère
Mais l'effet n'a pas duré et pour s'en rendre compte, il suffit de demander aujourd’hui aux habitants de l'Abitibi-Témiscamingue quelle est la situation. "Le manque de médecin est là. Il y a aussi les gens qui perdent leur médecin de famille parce que les médecins qui partent à la retraite ne sont pas remplacés", affirme une jeune habitante. "On a moins de médecins qui veulent venir", concède un habitant tandis qu'une autre femme ajoute que son frère "n'a pas de médecin".
Il n'est pas le seul : 10% des Québecois n’ont pas de médecin traitant, comme en France. Ce système de quota, de pénalité et d’incitation financière ne fonctionne plus. "Les quotas ne sont pas remplis, il manque 1 500 médecins de famille", affirme Dr Jean-Yves Boutet, représentant des médecins de la région d'Abitibi-Témiscamingue, pour qui le phénomène touche aussi les grandes villes.
"On vit vraiment l'effet baby-boomer parce qu'au moment des retraites, on a beaucoup de patients orphelins, sans médecin. On a sous-estimé cet effet et là, on se retrouve avec une situation difficile."
Dr Jean-Yves Boutetà franceinfo
Opérations séduction
Comme en France, le Québec n’a pas formé assez de médecins. De nombreuses régions développent des programmes "La grande séduction", en référence à cette comédie québécoise de 2003, dans laquelle un village tentait par tous les moyens de convaincre un médecin de rester. En Abitibi, aujourd’hui, on déroule le tapis rouge pour les futurs médecins comme Isabelle Godbout, qui participe à un stage d’observation d’un mois tous frais payés pour découvrir les hôpitaux de la région. "Le stage, c'est pour découvrir la région, savoir ce qu'est la pratique en région éloignée, mais c'est aussi pour découvrir chaque spécialité. J'ai vu de l'orthopédie, de l'endocrinologie, quasiment l'ensemble des spécialités qui sont possibles", détaille-t-elle.
Ce stage permet la découverte de l'hôpital mais aussi de la région, raconte la Dr Marie-Pier Nolet, qui coordonne ces stages. Kayak, visite des mines d’or et même festival de tribus amérindiennes sont au programme, avec des "chants et des danses traditionnels avec les costumes" ou encore "des kiosques de nourriture où on peut manger du castor et des viandes sauvages".
En résumé, au Québec, les quotas et les sanctions financières pour dissuader les jeunes médecins de s’installer en ville, là où ils sont déjà nombreux, ont fonctionné. Mais cela n'est plus efficace parce que comme en France, il n'y a pas assez de médecins formés. Aujourd’hui, comme en France, presque tout le territoire est devenu un désert médical.
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