"On est en plein cœur d'un lotissement" : les sangliers de plus en plus proches des villes et de zones "difficiles" pour la chasse
Les chasseurs ramènent de plus en plus de sangliers car ils prospèrent sur le territoire français. Mais ces bêtes s'approchent aussi des agglomérations où les chasseurs peuvent difficilement les traquer. C'est le cas près de Lyon.
Ils sont un million de chasseurs en France. Dans le Rhône, ils pourront sillonner les chemins du département à la recherche du gibier du dimanche 14 septembre jusqu'à fin mars. Dans cette zone, les chasseurs ont tué plus de 2 000 sangliers la saison dernière, dont 16 dans la petite commune de la Tour de Salvagny, située dans la métropole de Lyon.
Ces bêtes y sont de plus en plus présentes et s'aventurent parfois dans les jardins. "Voilà ce que ça a donné", constate le président de la société de chasse locale Claude Darçay, planté devant la pelouse d'une zone pavillonnaire, labourée par les défenses.
C'est le maire, alerté par un habitant, qui lui a transmis la photo des dégâts. "On est sous des pommiers, donc ils cherchent à manger et puis ils grattent. Avec les pluies qu'on a eu, les vers de terre sont remontés et ils viennent les manger", remarque le chasseur. Et ce phénomène n'est pas rare dans le secteur : "Les sangliers viennent par le vallon en dessous qui rejoint les bois de la Tour. En traversant la gare, tout ça. Et puis la nuit ils font ces dégâts."
"Ils font des sacrés trous !"
Problème pour les chasseurs : les sangliers circulent dans "des endroits périphériques" où il est presque impossible de chasser pour préserver les maisons et leurs habitants, explique Claude Darçay. "On est vraiment en plein dans le cœur d'un lotissement contre les balançoires, contre les routes et là, c'est difficile de pouvoir chasser, admet Antoine Hermann, qui dirige la Fédération départementale de chasse. D'année en année, on constate effectivement une présence de sangliers bien plus importante sur ces zones périurbaines, même urbaines."
"La ville de Lyon et sa proche périphérique a gagné sur un territoire plutôt agricole au départ et donc avec ce phénomène d'espaces semi-naturels qui sont exploités au cœur des villes."
Antoine Hermann, directeur de la Fédération des chasseurs du Rhôneà franceinfo
Les sangliers circulent également de l'autre côté de la métropole lyonnaise, dans l'Est. Sur sa parcelle de légumes bio, à Décines, Gérard Essayan voit régulièrement des "sangliers, des chevreuils, des lièvres... Il y a beaucoup d'animaux. C'est joli, c'est la nature". Le maraîcher explique croiser toute l'année ces habitants de la forêt : "On les voit, on les entend ou on voit les traces le matin, soit des pattes dans les cultures, soit des trous. Ils font des sacrés trous, c'est impressionnant ! Autant que nous avec les machines".
Pour lui, ces animaux ont appris à cohabiter avec les humains et leurs activités : "Je vois des sangliers parfois sur la bretelle d'autoroute, ils sont dans la flotte. Il y a un fossé où il y a de l'eau, ils sont bien. Et puis on en a qui passent en ville aussi, ça arrive". Il reconnaît toutefois qu'"il n'y a pas vraiment de solution idéale". "Après c'est la nature, ça marche comme ça, mais il y a des coins où c'est encore plus problématique", souligne l'agriculteur.
Arrêter l'égrainage en forêt ?
Vu la quantité de sangliers les chasseurs ont l'autorisation d'en tuer toute l'année dans le Rhône : la période légale de chasse ne s'applique pas pour cette espèce. Antoine Hermann explique que les chasseurs doivent simplement respecter un "dispositif de marquage" : "Les chasseurs payent les dégâts que commet le grand gibier aux productions agricoles. Donc chaque sanglier tué, on lui impose un bracelet qui est payé par les chasseurs auprès de la Fédération des chasseurs pour abonder ce fonds d'indemnisation des dégâts."
C'est pourquoi la Fédération nationale de chasse souhaiterait aujourd'hui que ces coûts d'indemnisation soient partagés avec l'État et les agriculteurs. Mais pour l'écologiste Pierre Athanaze, à la Métropole de Lyon, c'est loin d'être une solution. Il estime que le monde de la chasse est dépassé par le nombre de sangliers et qu'il faudrait notamment interdire l'égrainage. "Les chasseurs sont autorisés à épandre, explique l'élu. C'est principalement du maïs qui est utilisé, avec l'alibi de dire que si les sangliers sont nourris et restent en forêt, ils y font moins de dégâts que dans les cultures." Sauf que cette stratégie maintient un niveau de population ""très élevé", déplore-t-il.
Il y a une quinzaine d'années, une expérience de la Meuse a bien fonctionné se rappelle Pierre Athanaze : "La préfète avait interdit l'égrainage pendant trois ans et au bout de trois ans, il y avait 30 % de sangliers en moins uniquement par cette mesure". Il conclut : "S'il y avait une volonté de l'État d'agir sur le sanglier, c'est bien évidemment en tout premier lieu sur l'égrainage qu'il faudrait agir". En France, selon le CNRS, qui se base sur les tableaux de chasse, il y a plus d'un million de sangliers, une population qui s'est multipliée par 20 en trente ans.
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