"Nous n'avons pas les mêmes façons d'exploiter les mines", explique Christel Bories, présidente du conseil d'administration d'Eramet

Christel Bories, présidente du conseil d'administration de l'entreprise minière Eramet présente "le savoir-faire français" et les nouvelles technologies minières.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Raymond
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Christel Bories, ancienne PDG d'Eramet depuis 2017, nouvelle présidente du conseil d'administration (FRANCEINFO)
Christel Bories, ancienne PDG d'Eramet depuis 2017, nouvelle présidente du conseil d'administration (FRANCEINFO)

Elle est essentielle à la fabrication des batteries des batteries de voitures électriques et des téléphones portables, l'entreprise française Eramet exploite à travers le monde les gisements de minerais, tel que du nickel, du lithium ou du manganèse.

Lors de son assemblée générale du mardi 26 mai, l'entreprise Eramet a scindé la fonction de PDG en deux. Christel Bories, ancienne PDG depuis 2017, est donc devenue la présidente du conseil d'administration, avec un directeur général, Paolo Castellari.

Franceinfo : En 8 ans, vous avez transformé Eramet en passant de la métallurgie à la mine, pourquoi ce tournant alors que l'urgence de s'approprier des métaux critiques n'était pourtant pas la même à l'époque ?

Christel Bories : Alors effectivement, l'urgence n'était pas la même à l'époque, mais on commençait à anticiper le virage et c'est vrai qu'Eramet était surtout une entreprise française très focalisée sur la transformation des métaux. Elle avait cependant dans son portefeuille des gisements fabuleux de manganèse, de nickel, de lithium, pas ou peu exploités parce qu'elle était surtout focalisée sur la métallurgie alors que ces métaux sont les métaux critiques de la transition énergétique. Ma stratégie a donc été de céder les activités de transformation de métallurgie et de focaliser le développement de l'entreprise sur le développement de ces gisements qui sont de tout premier rang parmi les meilleurs au monde.

Aujourd'hui, Eramet exploite la plus grosse mine de manganèse au monde au Gabon et est partenaire de la plus grosse mine de nickel au monde en Indonésie. On vient également d'ouvrir un des plus gros gisements au monde de lithium en Argentine.

On peut donc dire que vous avez eu du nez, puisque les besoins en métaux critiques ont augmenté de façon considérable en même temps.

C'est vrai que quand j'ai rejoint Eramet, quand on parlait de sécurisation des métaux critiques en Europe, on nous regardait avec un drôle d'air. Aujourd'hui, évidemment, le regard est très différent. On a compris l'importance de ces chaînes de valeur et l'importance de la souveraineté en métaux critiques. Eramet a maintenant un rôle très stratégique à jouer pour l'alimentation des chaînes de valeur occidentales.

La Chine exploite presque la moitié des gisements de minerais dans le monde, vous exploitez un gisement de nickel en Indonésie avec un groupe chinois. Pourquoi s'être alliée à eux ?

En 2016, c'était encore une mine qui appartenait à 100 % à Eramet, l'entreprise a ensuite eu des problèmes financiers, elle a dû céder la majorité de cette mine à ce partenaire chinois. Nous l'avons effectivement ouverte et développée depuis. Mais, ce n'est pas quelque chose qu'on souhaiterait renouveler dans l'avenir.

Pourquoi ne pas souhaiter renouveler l'expérience, vous n'avez pas les mêmes manières d'exploiter les mines ?

Nous n'avons pas les mêmes façons d'exploiter les mines et notre vocation est d'être un opérateur minier. On préfère donc être majoritaires et pouvoir appliquer nos standards de la mine responsable parmi les plus exigeants au monde. C'est plus confortable quand on est aux manettes, c'est vrai.

Dans les projets à venir, il y a une mine de lithium au Chili. Il y a un savoir-faire français, vous êtes moins gourmand en eau notamment ?

La technologie habituelle utilise des grands bassins d'évaporation qui sont très consommateurs, non seulement en eau, mais en ressources, puisqu'en fait le rendement est bien inférieur. Il faut donc pomper deux fois plus de saumure pour avoir une quantité de lithium.

"Nous avons développé une technologie directe qui évite cela. Elle est à la fois économe en eau et a un très bon rendement."

Christel Bories

sur franceinfo

On pompe le juste nécessaire pour produire le lithium dont on a besoin. Cette technologie vient de rentrer en service dans cette nouvelle usine que nous avons développée en Argentine. C'est la technologie que l'on veut développer maintenant sur les nouveaux projets que nous aurons potentiellement au Chili.

L'Europe s'est fixé comme objectifs sur les matériaux critiques d'extraire de son sol 10 % des métaux consommés d'ici à 2030. Est-ce que c'est réalisable ?

C'est ambitieux, mais déjà, on voit que c'est que 10 % par an, ce qui correspond à peu près à la géologie. L'Europe n'est pas très riche dans ses matériaux. Nous n'avons plus vraiment de tradition minière en Europe. On a peu d'acteurs miniers au-delà d'Eramet, mais c'est vrai que l'acceptation sociale et sociétale de la mine traditionnelle en Europe est assez faible.

"On est sur un continent qui est très peuplé et c'est comme certaines énergies renouvelables tel que les éoliennes, tout le monde est pour, sauf qu'on ne veut pas les avoir à côté de chez soi."

Chriostel Bories

sur franceinfo

C'est pour cela que c'est compliqué de développer des mines traditionnelles en Europe.

Vous avez un projet de lithium géothermal en Alsace, comment cela se passe-t-il ?

Ce n'est pas une mine traditionnelle justement parce qu'on extrait de la saumure qui est déjà pompée actuellement dans le sous-sol pour faire de la géothermie. Donc tout se passe dans le sous-sol, il n'y a pas d'exploitation minière traditionnelle. On pompe cette saumure, on récupère la chaleur et on récupère le lithium qu'il y a dedans, on la réinjecte ensuite dans le sol. Il y a très peu d'emprise au sol. La technologie fonctionne. Les saumures ne sont pas à très forte teneur, donc il va falloir faire des investissements importants pour pouvoir avoir une production qui soit importante également. Mais l'empreinte environnementale et sociale est assez faible, cela fait partie des solutions que l'on peut avoir pour pouvoir atteindre ces 10 % des matériaux consommés sur le sol européen d'ici à 2030.

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