En Serbie, l’UE soutient un projet de mine de lithium géante très controversé
Alors que les pays européens essaient de renforcer leur autonomie stratégique dans le domaine énergétique, les projets, notamment de mine de lithium, se multiplient sur le continent. C’est le cas en France dans l’Allier, mais aussi en Serbie où la plus grande mine d’Europe pourrait voir le jour dès 2028.
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La plus grande mine de lithium d’Europe pourrait voir le jour dans la vallée du Jadar, dans l’ouest de la Serbie, tout proche de la Bosnie-Herzégovine. C’est sur les terres agricoles qui entourent la petite ville de Loznica que la multinationale Rio Tinto espère exploiter l’un des principaux gisements connus de lithium au monde. Le groupe minier anglo-australien compte y extraire plus de 58 000 tonnes de carbonate de lithium par an, un métal considéré comme crucial pour la décarbonation de l’économie et la transition électrique. Selon le groupe, cette mine serbe pourrait permettre d’équiper plus d'un million de véhicules électriques, soit 17% de la production européenne.
Le projet est d’une grande importance pour l’Union européenne qui a conclu en juillet 2024 un "partenariat stratégique sur les matières premières essentielles" avec la Serbie, le pays de six millions et demi d’habitants étant candidat à l’adhésion depuis 2012. Le protocole d’accord a été signé à Belgrade par le président serbe, Aleksandar Vucic, et Olaf Scholz. Le chancelier allemand de l’époque était, pour l’occasion, accompagné de nombreux dirigeants de l’industrie automobile, comme ceux de Mercedes ou de Stellantis.
Un projet loin de faire l'unanimité en Serbie
Ces dernières années, le projet Jadar de Rio Tinto a déclenché d’immenses vagues de protestation partout dans le pays. En 2022, des dizaines de milliers de Serbes ont manifesté pendant des semaines contre la multinationale, et ils avaient alors contraint le président serbe à suspendre ce projet de mine de lithium. Mais l’été dernier, la Cour suprême du pays a rendu un avis favorable, et Aleksandar Vucic a fait volte-face en décidant de le relancer, ce qui a suscité de nouvelles manifestations.
Si beaucoup de Serbes s’opposent à ce projet minier, c’est d’abord que le passé de Rio Tinto ne les rassure pas : certains des projets de la multinationale ont eu des graves conséquences environnementales ou sociales, notamment en Australie, à Madagascar ou en Papouasie-Nouvelle Guinée. Dans une Serbie qui est déjà l’un des pays les plus pollués d’Europe les opposants s’inquiètent notamment pour leurs ressources en eau. C'est le cas de Krizmanic Imre, professeur de biologie à la faculté de Belgrade.
"Avec ce projet, des millions de tonnes de déchets les plus toxiques vont être déposées dans des caisses de quelques millimètres d’épaisseur. De l'arsenic, du bore, des métaux lourds…"
Krizmanic Imre, professeur de biologie à la faculté de Belgradeà franceinfo
"Ces déchets vont rester ici pour toujours, pénétrer le sol et infiltrer nos cours d'eau, alerte le professeur. Et on se trouve dans une région qui est la plus grande réserve d'eau potable de l’ouest de la Serbie".
Les dirigeants du groupe minier et ceux de l’Union européenne assurent que la mine respectera des normes sociales et environnementales très strictes, mais beaucoup de Serbes restent sceptiques. Le projet reste largement rejeté par l’opinion, notamment parce qu’il prévoit l’implication directe du président serbe. Depuis novembre 2024, le régime mis en place par le président Vucic depuis son arrivée au pouvoir en 2012 fait face à une remise en cause inédite, avec des blocages quasi-quotidiens, et des manifestations gigantesques.
Cette mobilisation protéiforme est menée par les étudiants qui accusent Aleksandar Vucic et son parti d’avoir mis au pas les institutions et l’État de droit, et de mettre en danger la vie des citoyens serbes avec un système corrompu et clientéliste. Ce mouvement étudiant a reçu le soutien d’une partie importante de la population, et notamment des agriculteurs, opposés au projet de mine de lithium. Pour beaucoup de Serbes, le projet de Rio Tinto est ainsi devenu un symbole des projets opaques menés par un pouvoir en pleine dérive autocratique.
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