Décarbonation de l'industrie : "Les patrons portent fort ce message", affirme le directeur général d'Equans France
Pierre Hardouin, directeur général d'Equans France, évoque les résultats d'un sondage OpinionWay sur la décarbonation des PME et ETI industrielles. Si la prise de conscience est là, les freins financiers et normatifs restent majeurs pour passer à l'action.
Dans un contexte où l’urgence climatique devient chaque jour plus pressante, la décarbonation de l’industrie européenne s’impose comme un défi majeur. Selon un sondage récemment réalisé par OpinionWay pour Equans, 90% des dirigeants de PME et ETI industrielles européennes reconnaissent la nécessité de réduire leur empreinte carbone. Pourtant, malgré cette prise de conscience collective, les actions concrètes peinent à se déployer à grande échelle.
Pierre Hardouin est directeur général d'Equans France, une entreprise spécialisée dans l’énergie et les services, qui fait partie du groupe Bouygues, ancienne filiale d'Engie, rachetée il y a trois ans. Il revient jeudi 24 avril sur franceinfo sur les résultats de ce sondage et les obstacles qui freinent la transition écologique des industries. Il met en lumière les solutions et les leviers nécessaires pour accélérer ce processus, tout en soulignant le rôle clé du financement et de l’accompagnement.
Franceinfo : Ce sondage réalisé pour vous par OpinionWay, mené auprès de plus de 1 330 patrons européens, révèle que, pour 90% des décideurs de PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire) industrielles européennes, la décarbonation est une nécessité face à l'urgence climatique ?
Pierre Hardouin : C'est une excellente nouvelle ce sondage. Vous savez, pour nous Equans, nous sommes des spécialistes électriciens. Nous sommes en France dans plus de 800 endroits, nous avons les pieds dans ce monde industriel. Que les patrons portent fort ce message et qu'ils aient une conscience extrêmement aiguë de l'importance d'avancer et de décarboner l'industrie, c'est un des enseignements majeurs de ce sondage et c'est une très bonne nouvelle. La prise de conscience est là, le mouvement est en place. C'est très bon.
La prise de conscience est là. Mais si je continue de lire votre sondage, seulement 43% des petites industries européennes ont concrètement mis en place des actions de décarbonation. C'est quoi le problème ?
Il n'y a pas de problème. Il y a des hésitations, il y a des complexités. 43%, c'est ceux qui ont commencé. Mais quand vous prenez par exemple l'agro, qui a démarré plus en avant, ils sont à plus de 66% à avoir déjà implémenté une solution. Il n'y a pas de problème parce qu'en fait, 90% d'entre eux, c'est-à-dire neuf sur dix, disent connaître les solutions. Mais il y a des freins.
"Le premier des freins, c’est d'oser avancer parce qu'un patron industriel a deux objectifs. Le premier, c'est d'assurer la performance économique, la continuité de leur activité. Le deuxième, c'est de mettre en place cette solution."
Pierre Hardouin, directeur général d'Equans Franceà franceinfo
Donc, il faut qu'on les aide, qu'on les encourage, qu'on leur apporte du financement. En la matière, le plan de l'État qui est en train d'arriver sur France Industrie 2030 est une excellente nouvelle. 400 millions d'euros très ciblés sur des appels à projets pour justement les ETI industrielles.
Un frein : le financement. Quoi d’autres ?
Le deuxième frein : la complexité normative. Il faut simplifier nos processus pour avancer. Par exemple, la géothermie qui est un des principes importants pour nous permettre d'avoir de l'énergie verte, est encore trop complexe à mettre en place en France. Vous allez aux Pays-Bas, 96% des bâtiments que nous construisons aujourd'hui font appel à de la TES, donc du stockage et de la récupération d'énergie dans le sol. En France, 60% du territoire est éligible. Ça n'a pas encore commencé. Donc simplifier nos normes. Et puis troisième frein : les accompagner. Neuf sur dix ont compris qu'il y avait des solutions. Mais il faut trouver la bonne solution. Il faut la mettre en œuvre en préservant leur compétitivité économique et en les accompagnant sur des solutions.
Que pouvez-vous faire ?
Nous avons créé Carbon Shift. C’est 150 à 200 ingénieurs, thermiciens, électroniciens et spécialistes du numérique qui sont en capacité d'accompagner nos industriels, de faire un bilan de ce qu'ils font, de ce qu'ils consomment et de leur proposer des solutions, potentiellement d'amener des financements et de séquencer la mise en œuvre de ces solutions pour qu'ils soient en capacité de continuer leur production tout en se décarbonant. Et ils ont bien compris l'intérêt de la décarbonation.
Dans le sondage, il y a un autre chiffre : 52% des dirigeants français sondés, c'est un peu plus bas que la moyenne européenne qui est à 59%, considèrent que les discours politiques récents freinent leur transition. Si on traduit, ça veut dire quoi ?
Ça veut dire que nos industriels nous disent : "Arrêtons de parler de la décarbonation, faisons là". Des discours, qu'on peut imaginer de temps en temps freinant cette tendance, peuvent ralentir le mouvement. Au contraire, ils nous disent qu’ils sont convaincus. Neuf sur dix portent ce message.
"Continuons ensemble de pousser, c'est bon pour la souveraineté économique, c'est bon pour la compétitivité française, c'est bon pour l'énergie. Portons un message positif sur ce sujet."
Pierre Hardouin, directeur général d'Equans Franceà franceinfo
Vous avez l'impression qu'il y en a une volonté gouvernementale d'accompagner ces entreprises sur ces questions ?
Je pense que oui. Bercy a annoncé au début du mois ce plan d'appel à projets de 400 millions pour accompagner justement la mise en œuvre de projets dans l'industrie.
Que peut faire une PME pour décarboner ? Quels sont les leviers ? L'isolation, La rénovation thermique, les flottes de véhicules ? Quelles sont les options ?
Le premier sujet le plus classique qu'on voit beaucoup dans l'industrie aujourd'hui, c'est la récupération de chaleur fatale.
"C'est quoi la chaleur fatale ? C'est de la chaleur qu'on perd parce qu'on chauffe pour faire un processus, et puis la chaleur qui reste, elle s'en va. On va donc récupérer cette chaleur et on l'utilise. Ça permet de consommer moins."
Pierre Hardouin, directeur général d'Equans Franceà franceinfo
Très concrètement, je vais prendre, par exemple, un data center. Ça chauffe énormément. On récupère cette chaleur, on la met dans un réseau de chaleur et c'est capable de réchauffer le quartier d'habitation qui est autour. Je prends une confiserie du sud de la France qui crée du froid et quand on crée du froid, à côté, on crée du chaud. On le récupère ce chaud, on met une pompe à chaleur et ça alimente tout le système d'eau chaude de l'usine. Moralité de l'histoire : 50% d'économie. Je prends une industrie agroalimentaire qui va être en capacité sur son processus de récupérer la chaleur via une pompe à chaleur et d'alimenter son processus. La récupération de chaleur dans l'industrie a des dizaines de solutions qui permettent d'éliminer de la production de CO2 en supprimant de la chaleur faite par de l'énergie fossile, par de l'énergie renouvelable.
Si on continue à parler d'innovation, on a beaucoup parlé, il fut un temps, d'hydrogène vert. Où en sommes-nous de cette question ?
L'hydrogène aujourd'hui est une solution à long terme. L'application à très court terme dans l'industrie, commence seulement dans les très gros électro consommateurs, la sidérurgie par exemple. Dans le monde des ETI et des PME, l'important et la première source d'énergies renouvelables qu'ils sont en train de mettre en œuvre, ce sont les panneaux photovoltaïques, couplés à des bornes IRVE pour décarboner leur flotte de véhicules. Ce sont des approches qui sont implémentées, ce sont des solutions qui existent, qui marchent, qui sont accessibles et qui sont très solides, très résistantes.
Quand une entreprise veut se décarboner, il y a aussi la question de sa stratégie d'achat avec ses fournisseurs. Vous, par exemple, c'est quelque chose que vous surveillez chez Equans ?
Bien sûr. Il est essentiel d'associer nos fournisseurs aux Scop, c'est l'impact CO2 des composants que nous achetons, qui rentre dans notre processus de fabrication. Nous associons nos fournisseurs à nous proposer des solutions qui sont décarbonées ou qui ont un impact carboné très inférieur.
"Chez Equans, nous avons des solutions pour nos clients qui intègrent soit des composants classiques, soit des composants qui ont un impact sur le CO2 et les émissions de gaz à effet de serre réduits."
Pierre Hardouin, directeur général d'Equans Franceà franceinfo
C'est une approche essentielle pour donner le choix et montrer que des solutions décarbonées existent.
La décarbonation, c'est aussi un métier, plusieurs métiers même. Est-ce que vous arrivez à recruter ? Est-ce qu'il y a la main d'œuvre humaine là-dessus ?
Nos métiers sont des métiers d'hommes et de femmes de réalisation. Equans ça veut dire résoudre des équations. En France, nous sommes presque 35 000 sur le territoire, partout sur le territoire et nous recrutons énormément. Près de 6 000 recrutements ont été effectués l'an dernier. Nous formons et nous recrutons.
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