Succession du pape : ces luttes de pouvoir qui, depuis le Moyen Âge, ont fait le conclave

Au XIIIe siècle, l'élection du nouveau pape s'enlise. Pour accélerer les débats, les habitants de Viterbe, la cité papale, décident d'enfermer les cardinaux à clé, "cum clave" en latin : le "conclave" était né.

Article rédigé par Fabrice d'Almeida
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des cardinaux réunis dans la chapelle Sixtine avant le début du conclave au Vatican le 12 mars 2013. (OSSERVATORE ROMANO / AFP)
Des cardinaux réunis dans la chapelle Sixtine avant le début du conclave au Vatican le 12 mars 2013. (OSSERVATORE ROMANO / AFP)

Mercredi 7 mai débute le conclave pour l’élection du successeur du pape François. Et déjà, on constate des luttes d’influence. Une rumeur a même laissé entendre que la France jouait sa partie. Ces stratégies autour du choix du pape avant un conclave ne sont pas nouvelles. Le principe même des conclaves est né de ces influences contradictoires qui pesaient sur les cardinaux électeurs.

Cela remonte au Moyen Âge et à une élection qui est entrée dans l’histoire comme la plus longue. Elle illustre les jeux de pouvoir pour désigner le pape, c’est-à-dire l’évêque de Rome et successeur de saint Pierre. C’est d’ailleurs ce dernier qui avait désigné, avant sa mort, son premier successeur. Et longtemps, il n’y eut pas de procédure stricte. Le peuple de Rome donnait son avis, des évêques désignaient des candidats. C’est seulement au XIe siècle que commence à s’affirmer l’idée que les cardinaux sont les électeurs naturels du pape.

Des cardinaux enfermés, au pain et à l'eau

Deux siècles plus tard, le pape Clément IV, conseiller du roi Saint Louis, meurt à Viterbe, en Italie. Une cité qui est alors le siège de la papauté. On est en 1268, les cardinaux se retrouvent au palais pontifical, tout est prêt pour l'élection. Commence alors une lutte d’influence entre les partisans de Charles Ier d’Anjou, roi de Sicile, d’une part, et ceux de l’empereur romain germanique. Deux clans se forment parmi les cardinaux, sur fond de lutte d'influence entre prélats français et italiens.

Les habitants de Viterbe savent que la tenue de l'élection leur coûtera cher, puisqu'ils en financent l'organisation. Alors, au bout d'un an de débats stériles, ils mettent les cardinaux sous pression. Pour éviter les influences extérieures qui ralentissent tout, ils commencent par les enfermer à clé dans une salle palais pontifical (du latin cum clave, "avec une clé"). Le temps passe, les Viterbois mettent les cardinaux à la diète et limitent leur alimentation au pain et à l’eau. Enfin, ils enlèvent le toit de la salle où les cardinaux sont enfermés pour qu'ils soient soumis aux intempéries et accélérer le vote.

Le toit en moins se révèle assez efficace et après presque trois ans, les cardinaux se mettent finalement d’accord. Entre-temps, plusieurs sont morts, d’autres sont tombés malades. Et à la surprise générale, ils ne choisissent pas l’un des présents. Ils choisissent un certain Teobaldo Visconti qui avait servi comme légat du pape Clément IV. Teobaldo n’était ni prêtre ni cardinal mais déjà baptisé, ce qui reste encore aujourd’hui la seule condition indispensable pour la fonction. Et il accepte.

Le principe du conclave établi à Lyon

Teobaldo prend le nom de Grégoire X et l'une de ses premières mesures est la réforme de l'élection du pape. En 1274, il réunit un concile à Lyon, ville dont il fut chanoine. Un moyen, aussi, de se concilier les bonnes grâces du roi de France. Ce concile organise une réforme complète de l'élection du pape, qui devient systématique. C'est la première fois qu'est utilisée l'expression de conclave. Désormais, les électeurs seront enfermés jusqu'à l'élection du nouveau pape.

À l’époque de Grégoire X, l'élection n'est pas toujours un vote, plusieurs modes de désignation existent. Il peut y avoir une "élection par adoration". Les cardinaux sont alors frappés par l’évidence d'une candidature, l'un d'eux se prosterne soudain devant l'élu et le salue, comme en adoration. Sans cela, ils devaient voter.

C’est un autre Grégoire, le XVe, qui en 1623 décide que l’élection devait se faire lors d'un scrutin secret. Les bulletins de vote étaient ensuite brûlés et le nouvel élu se présentait au balcon de Saint-Pierre de Rome où il était acclamé. On peut voir dans cette première acclamation une forme d’écho des premiers temps de l’Église quand le peuple catholique de Rome choisissait celui qui allait monter sur le trône de saint Pierre. C’était encore l'Antiquité…

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.