Succession du pape : les attaques et manœuvres se multiplient avant le conclave

Les manœuvres d’influence se sont intensifiées à l'approche de l'élection du successeur au pape François. En toile de fond : pressions, soupçons d’ingérence politique et débats internes sur les scandales d'agressions qui menacent l’avenir de l’Église.

Article rédigé par Bruno Duvic
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des cardinaux assistent aux funérailles du pape François au Vatican, le 26 avril 2025. Photo d'illustration. (MASSIMO VALICCHIA / NURPHOTO / VIA AFP)
Des cardinaux assistent aux funérailles du pape François au Vatican, le 26 avril 2025. Photo d'illustration. (MASSIMO VALICCHIA / NURPHOTO / VIA AFP)

L’organisation pratique du conclave, qui débutera le 7 mai, est prête. La cheminée par où sortira la fumée, blanche si un successeur du pape François a été choisi, noire dans le cas contraire, est installée depuis vendredi 2 mai sur le toit de la chapelle Sixtine. Les cardinaux, eux, ont découvert leurs chambres à la résidence Sainte-Marthe. Pendant ce temps-là, les manœuvres pour influencer le conclave ont également commencé.

Le cardinal Parolin accusé de manque de transparence sur des agressions sexuelles

Le premier visé par les attaques est le cardinal Parolin. Il est l'un des cardinaux à ce stade les mieux placés. Un homme plutôt modéré, pas aussi réformateur que François, mais à qui les conservateurs reprochent l’accord avec la Chine pour la nomination en commun d’évêque entre Pékin et le Vatican. Le cardinal Parolin, qui était numéro 2 du Vatican pendant le pontificat de François, avait joué un rôle clé dans cet accord passé en 2018. Jeudi, un site conservateur américain a affirmé qu’il avait fait un malaise dû à une crise d’hypertension lors d’une des congrégations générales ces derniers jours. La salle de presse du Vatican a démenti vendredi matin.

Un autre tir est venu d’une ONG, Bishop Accountaibility, connue pour documenter scrupuleusement les cas d’abus sexuels au sein de l’Église. Vendredi matin, ses membres ont organisé une conférence de presse dans une toute petite salle d’un hôtel romain, à un jet de pierre du Vatican, pour accuser le cardinal Parolin de s’être opposé à la transparence promise par François sur les agressions sexuelles. Il n’aurait pas répondu aux demandes d’information de commissions officielles sur les cas de dizaines de prêtres et religieux en Australie, au Chili, en Pologne ou au Royaume-Uni.

Anne Barrett Doyle, la codirectrice de cette ONG américaine, Bishop Accountaibility, assume cette action de lobbying à cinq jours du conclave. "Le cardinal Parolin, comme secrétaire d'Etat, a dissimulé des documents officiels venus de plusieurs pays dans le monde, affirme-t-elle. Il a fait disparaître des informations à propos de crimes sexuels commis sur des enfants contre des membres du clergé. C'est sans doute le plus grand détenteur de secrets dans tout le Vatican."

L'ONG pointe aussi le cardinal Luis Antonio Tagle, l’un des favoris des progressistes, pour ne pas avoir suffisamment agi contre les abus dans son pays, les Philippines, et promettait d’égrener d’autres noms.

La question des violences pédocriminelles au menu des discussions pré-conclave

Lors des congrégations générales, ces réunions préparatoires qui se sont tenues quotidiennement jusqu'à la veille du conclave, la question des violences pédocriminelles a été mise au menu des discussions entre les cardinaux lors d’au moins deux réunions sur huit, sans qu’on ne connaisse cependant les détails des discussions. Mais cela signifie que le sujet est bel et bien identifié comme l’un de ceux qui engagent l’avenir de l'Église. Le rapport de la commission du Vatican sur ce sujet à la fin de l'année 2024 montrait que dans une série de pays, cette question est non seulement loin d’être réglée, mais à peine considérée comme importante. Il y a très probablement d’autres scandales à venir.

Pour ajouter au climat, un des cardinaux qui participent à ces réunions est lui-même accusé d’attouchements. Le Péruvien Juan Luis Cipriani, archevêque émérite de Lima, a été l’objet de mesures disciplinaires, réitérées en janvier. Après la révélation des faits, François lui avait notamment interdit de porter les vêtements de cardinaux. Il s’est pourtant recueilli devant son cercueil en calotte rouge avant de participer aux congrégations générales. Agé de 81 ans, il ne participera pas au conclave, réservé aux cardinaux de moins de 80 ans.

Emmanuel Macron accusé d’ingérence par la presse conservatrice italienne

La presse la plus à droite en Italie s’en prend à Emmanuel Macron, qu'elle déteste : "Macron veut aussi décider du Pape", titre La Verità. À l’origine, il s'agit d'un déjeuner du président de la République avec quatre des cinq cardinaux français à l’ambassade de France au Vatican, dans le nord de Rome. Un déjeuner médiatisé auquel a assisté un journaliste du Figaro.

En off, un diplomate français qui travaillait régulièrement avec le pape François soupire : "Notre président ne connaît pas les usages au Vatican, les cardinaux détestent les ingérences politiques, c’est mauvais pour l'image de la France." Un des participants à ce déjeuner essaye de minimiser : "Il n’a donné aucune consigne de vote. Il a posé des questions très générales et n'a pas cherché à savoir précisément ce qui se disait dans les congrégations générales. Mais il aurait pu éviter d’amener avec lui un journaliste du Figaro." On peut lire aussi cette offensive de cette partie de la presse italienne comme une façon de torpiller la candidature de Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, plutôt proche des idées du pape François.

Les débats de ces congrégations générales sont censés être confidentiels, mais il émerge que le courant le plus réformiste, environ un quart de l’électorat, a presque trop de candidats et doit se mettre d’accord sur un. Les plus conservateurs représentent un tiers, et doivent trouver un homme que puisse approuver la majorité modérée. Les noms n’ont pas bougé depuis une semaine parmi les papabili envisagé : le Philippin Luis Antonio Tagle, le Suédois Anders Arborelius, l’Américain Robert Francis Prevost, le Français Jean-Marc Aveline, les Italiens Matteo Maria Zuppi et Pierbattista Pizzaballa.

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