Bébés Reborn, Insta Mom : quand la maternité devient une mise en scène de performance
Acheter des vêtements pour un bébé en silicone et filmer sa promenade, mettre en scène sa journée de maman autour des tâches ménagères, ces vidéos sont virales sur TikTok ou Instagram. Que nous disent ces images de l'idée qu'on se fait de la maternité aujourd'hui ?
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Smartphone en main, une influenceuse sur TikTok filme son "bébé" installé dans un siège auto, nœud dans les cheveux, lunettes miniatures. Tout semble prêt pour une virée shopping mère-enfant. Sauf que ce nourrisson ne respire pas. C’est un Reborn : une poupée conçue pour imiter un nouveau-né, avec un réalisme tel qu’à l’œil nu, la confusion est fréquente.
Ces poupées sont apparues aux États-Unis dans les années 1990, d’abord comme un hobby artistique. Leur fabrication est minutieuse : peau peinte en couches successives, veines, cheveux implantés un par un, corps lesté pour reproduire le poids d’un bébé. Certaines sont même équipées de simulateurs de respiration. Les modèles se vendent aujourd’hui plusieurs centaines d’euros, parfois jusqu’à 2 000 dollars pour les plus sophistiqués.
Sur TikTok, le hashtag #reborn rassemble déjà plus d’un million de publications. On y voit des "mamans Reborn" donner le biberon, changer leur poupée, ou encore les habiller pour l’été. Pour certaines, il s’agit d’un simple loisir. Pour d’autres, ces Reborn ont une valeur thérapeutique : aider à traverser un deuil périnatal, apaiser la solitude ou combler un désir de maternité inassouvi.
Une polémique virale
Si le phénomène fascine, il inquiète aussi. En juin 2025, une vidéo a déclenché une vague de réactions. Une créatrice de contenu raconte sa mésaventure dans un centre commercial : venue changer son (vrai) fils, elle patiente devant la salle à langer occupée par deux mères. Quand celles-ci ressortent enfin, elle découvre que leurs nourrissons fraîchement changés ne sont pas réels, mais des Reborns. Sa vidéo cumule plus de six millions de vues.
Depuis, les témoignages se multiplient. Certaines internautes vont jusqu'à raconter avoir croisé des "mamans reborn" chez le pédiatre ou avoir vu des places de crèche "réservées" à ces poupées. De quoi déclencher un flot d'hilarité, de moqueries, mais aussi de malaise. Où s’arrête le jeu, où commence l’illusion ?
La maternité comme performance
Au-delà des polémiques, les Reborn cristallisent une interrogation plus large : notre rapport à la maternité à l’ère des réseaux sociaux. Posséder un Reborn, c’est pouvoir "jouer à la maman parfaite".
Instagram, TikTok : mises en scène de biberons, poussettes dernier cri, garde-robe assortie… Ces poupées deviennent un accessoire de performance sociale.
Les sociologues anglo-saxons parlent de maternité intensive : l’idée qu’une "bonne mère" doit consacrer tout son temps et son énergie à son enfant. Les "Insta Mom", ces mères stars d’Instagram, incarnent ce modèle : cuisines pastel, déjeuners équilibrés pour leurs enfants… Un idéal qui contraste avec la réalité de beaucoup de parents, bataillant pour faire avaler un simple haricot vert.
Dans ce contexte, le Reborn apparaît comme une caricature. Un bébé qui ne pleure pas, toujours photogénique, toujours prêt pour la photo. Une maternité de papier glacé, sans fatigue ni frustrations.
Un miroir de nouvelles injonctions sociales
Le marché du Reborn met en lumière une pression croissante qui pèse sur les mères adeptes des réseaux sociaux. Pour elles, être mère ne se limite plus à élever un enfant : il faut aussi le montrer, le styliser, l’exposer en ligne comme preuve de réussite personnelle. Dans ce miroir, le Reborn est troublant. Il pousse à l’extrême la logique consumériste : acheter vêtements, accessoires et poussettes pour un enfant qui n’existe pas.
En France, plusieurs communautés se sont constituées en ligne, certaines passionnées, d’autres critiques. Pour les unes, le Reborn est un objet d’art ou de réconfort. Pour les autres, il incarne une dérive inquiétante, où la maternité se réduit à une mise en scène.
Au fond, ces bébés en silicone ne sont peut-être pas si étranges : ils sont simplement la version artificielle d’une maternité déjà devenue, sur les réseaux sociaux, une performance à part entière.
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