Édito
Soupçons de financement libyen : Ziad Takieddine emporte ses secrets, mais laisse Nicolas Sarkozy face au jugement

Ziad Takieddine, intermédiaire clé et accusateur de Nicolas Sarkozy dans l’affaire du financement libyen, est mort à 75 ans, deux jours avant le jugement de l’ancien président. Sa disparition n’affecte pas la décision à venir.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
L'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine à l'Office de police anti-corruption (OCLCIFF), à Nanterre, le 17 novembre 2016. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)
L'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine à l'Office de police anti-corruption (OCLCIFF), à Nanterre, le 17 novembre 2016. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

Ziad Takieddine est mort, mardi 23 septembre, à l’âge de 75 ans à Beyrouth, où il s’était enfui depuis plus de cinq ans après sa condamnation dans le volet financier de l’affaire Karachi. C'était l'un des principaux accusateurs de Nicolas Sarkozy dans l'affaire du présumé financement libyen de la campagne 2007 de l'ancien président, dont le jugement sera rendu jeudi 25 septembre. Le nom de ce sulfureux intermédiaire franco-libanais occupait la chronique politico-financière depuis une quinzaine d’années. Il avait affirmé avoir remis cinq millions d’euros provenant du colonel Kadhafi à Claude Guéant, alors directeur de cabinet du candidat Sarkozy, à quelques mois de la présidentielle de 2007. Cet homme à la langue bien pendue et aux versions changeantes disparaît avec ses secrets, deux jours avant la décision du tribunal. Les auteurs de polars les plus audacieux et les scénaristes de séries les plus imaginatifs n’auraient pas osé inventer pareil rebondissement. Cette stupéfiante coïncidence nourrira sans doute les fantasmes des complotistes de tous poils.

Cette disparition ne change rien à la décision concernant Nicolas Sarkozy. D’abord, parce que les magistrats l’ont rédigée depuis plusieurs semaines. Le seul changement touche le cas Takieddine lui-même. Également poursuivi, il encourait six ans de prison et trois millions d’euros d’amende. Son décès éteint l’action publique. Visé par un mandat d’arrêt, il ne s’était pas présenté à la barre lors des trois mois d’audience en début d’année 2025. Nicolas Sarkozy, lui, s’était défendu pied à pied, répétant qu’il n’existe aucune preuve de la présence d’"argent libyen" dans sa campagne présidentielle et dénonçant sur tous les tons un tissu de mensonges.

"Un pacte de corruption faustien"

L’ancien président joue très gros. Il risque sept ans de prison. Une lourde peine à la hauteur des charges, étayées par d’autres pièces, documents et témoignages que la seule parole de Takieddine. Les représentants du parquet national financier ont ainsi accusé Nicolas Sarkozy d’avoir conclu un "pacte de corruption faustien avec un des dictateurs les plus infréquentables de ces 30 dernières années".

L’alternative est simple : soit il est innocent, victime d’un complot plus machiavélique encore que l’affaire Clearstream il y a vingt ans, un infâme montage dont Ziad Takieddine aura été l’un des acteurs majeurs ; soit l’ex-chef de l’État est coupable d’avoir accédé à l’Élysée grâce au puissant soutien du régime libyen de Kadhafi, et nous sommes en présence du plus gros scandale de l’histoire de notre République. Un scandale qui, une fois les appels et recours épuisés, ferait sans doute de Nicolas Sarkozy le premier ancien président à passer par la case prison.

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