Édito
Quelles motivations derrière la pétition aux accents apocalyptiques de Philippe de Villiers ?

Philippe de Villiers relance la revendication d’un référendum sur l’immigration avec une pétition surfant sur la thèse du "grand remplacement". Derrière cette initiative, qui séduit une partie de la droite et sert de relais au RN, se profile aussi une opération commerciale orchestrée par le groupe Bolloré.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le politicien français d'extrême droite Philippe de Villiers à Cannes, le 22 janvier 2022. (BERTRAND GUAY / AFP)
Le politicien français d'extrême droite Philippe de Villiers à Cannes, le 22 janvier 2022. (BERTRAND GUAY / AFP)

L’extrême droite réclame de nouveau à Emmanuel Macron un référendum sur l’immigration. La revendication n’est pas neuve, mais elle est relancée par Philippe de Villiers, qui lance, mi-septembre, une pétition aux accents apocalyptiques. "Nous sommes en train de changer de peuplement, d’art de vivre et de civilisation. Si nous ne faisons rien, c’est la fin de la France", dit-il. À 76 ans, il récite cette partition depuis plus de deux décennies, mais cette fois-ci, à l’en croire, c’est la dernière chance, la "der des ders" : "Ce sont les Français qu’il faut sauver. Les derniers Français. Avant qu’il ne soit trop tard." Il fustige aussi la "complicité des politiciens" et la trahison "des élites qui oublient la France". Bref, une déclinaison de la fameuse thèse du "grand remplacement", selon laquelle un complot des puissants viserait à modifier la nature du peuple français.

Philippe de Villiers revendique plus d’un million de signatures ; il prétend s’inspirer du succès de la pétition contre la loi Duplomb. Sauf que celle-ci était hébergée par le site de l’Assemblée nationale et exigeait une identification via France Connect. Celle de Philippe de Villiers figure sur le site d’un particulier, et une même personne peut la signer avec plusieurs adresses mail non authentifiées.

Capitaliser sur la crainte

Cette initiative vise d’abord à surfer sur une inquiétude qui mobilise de larges pans de l’opinion en France et, au-delà, en Europe. On l’a vu samedi à Londres avec une manifestation initiée par un leader d’extrême droite radical, condamné et emprisonné à de nombreuses reprises, Tommy Robinson, qui a rassemblé plus de 100 000 personnes, dont un grand ami de Philippe de Villiers : Éric Zemmour. Ensuite, pour fédérer droite et extrême droite. Et ça mord : Laurent Wauquiez s’est précipité pour signer, histoire de mettre la pression sur Bruno Retailleau, qui exige, plus discrètement, un tel référendum depuis qu’il est ministre. Philippe de Villiers sert aussi de rabatteur au RN. Un référendum sur l’immigration serait aujourd’hui illégal. Si elle est élue en 2027, Marine Le Pen promet de modifier 18 articles de la Constitution et d’en ajouter 7 autres pour pouvoir en convoquer un. Enfin, l’initiative de Philippe de Villiers a une autre motivation, un peu moins avouable. C’est une opération commerciale du groupe Bolloré, rondement menée.

Chaque signataire est invité à communiquer ses coordonnées au Journal du dimanche et au JD News, deux titres du groupe Bolloré, lequel relaie abondamment la pétition sur ses antennes, Europe 1 et CNews, où officie Philippe de Villiers. Le 8 octobre, le même publie aux éditions Fayard, propriété du groupe Bolloré, un "livre-testament", dit-il, intitulé Populicide. L’histoire d’un peuple menacé de destruction… Bon, je pense que vous voyez le pitch. Il y a peut-être de grandes causes, mais il n’y a pas de petits profits.

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