Édito
La proportionnelle peut-elle entraîner une crise gouvernementale ?

Alors que François Bayrou est favorable de très longue date à un scrutin proportionnel, la droite y a toujours été farouchement hostile. Et lors d'un entretien à Matignon lundi avec Bruno Retailleau, celui-ci a laissé planer la menace d'une démission en cas de réforme.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Bruno Retailleau et François Bayrou à l'Assemblée nationale française à Paris, le 27 mai 2025. (THOMAS PADILLA / MAXPPP)
Bruno Retailleau et François Bayrou à l'Assemblée nationale française à Paris, le 27 mai 2025. (THOMAS PADILLA / MAXPPP)

Bruno Retailleau a fait savoir, lundi 2 juin, qu'il refuserait de porter une réforme du scrutin proportionnel pour les élections législatives. Peut-il faire plier François Bayrou ? Alors que le Premier ministre a lancé une consultation sur le sujet depuis le 28 avril, il recevait ce jour-là à Matignon non pas son ministre de l’Intérieur, mais le nouveau président de LR - d'accord, c’est le même : Bruno Retailleau.

À la sortie, celui-ci a répété qu’il combattrait de toutes ses forces la proportionnelle et qu’il ne portera pas le projet de loi envisagé par François Bayrou pour l’automne. Or, le ministre en charge des élections est le ministre de l’Intérieur, encore Bruno Retailleau. Cela veut donc dire qu’il pourrait quitter le gouvernement...

Mais en fait, c’est du bluff. Il ne le fera pas, en tout cas pas maintenant. C’est son statut de ministre qui lui a valu d’être plébiscité à la tête de LR. Et il ne peut pas claquer la porte du gouvernement avant d’afficher des résultats probants : ce serait donner raison au RN qui l’accuse de beaucoup parler, mais d’agir peu. Et les violences de ce week-end viennent de lui rappeler que sa tache était encore loin d’être achevée.

Restent donc trois possibilités. Soit François Bayrou fait porter la réforme du mode de scrutin par un autre ministre, par exemple celui des relations avec le Parlement, le centriste Patrick Mignola. Soit il laisse l’initiative au MoDem, à travers une proposition de loi. Soit, il finit par renoncer, si le reste du bloc central, en l’occurrence les macronistes, assez réticents, finissent eux aussi par s'opposer à leur tour à cette réforme.

Quelle utilité d'une proportionnelle ?

Sur le fond, est-ce que la proportionnelle permettrait de surmonter le blocage politique actuel ? Non. François Bayrou, la gauche et le Rassemblement national la défendent au nom du respect du pluralisme politique, parce que c’est le scrutin qui assure la représentation la plus juste. Et c’est vrai.

LR, comme le groupe Horizons d’Édouard Philippe, s’y opposent, au nom de l’efficacité, parce que la proportionnelle empêche la constitution d’une majorité stable. Et c’est vrai aussi, même si l’Assemblée n’a déjà pas de majorité aujourd’hui.

En fait, la proportionnelle seule ne changerait rien. Pour contribuer à résoudre la crise démocratique que nous connaissons, le mode de scrutin n’est qu’un outil. Il doit s’inscrire dans un ensemble de réformes beaucoup plus vaste pour apaiser nos mœurs politiques, impulser une culture du débat et de la coalition. Et restaurer la confiance des citoyens dans une offre politique sans doute plus concrète et plus efficace. Bref, c'est un vaste chantier démocratique, très difficile à conduire dans le contexte actuel. Et qui ne peut sans doute être ouvert qu’au lendemain d’une nouvelle élection présidentielle.

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