Édito
L'incarcération de Nicolas Sarkozy émeut-elle vraiment les Français ?

L’incarcération d’un ancien Président de la République, évènement inédit en France et même historique, est un tremblement de terre pour la vie politique du pays. C'est aussi un test pour les institutions de la Ve République, à la santé chancelante.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Nicolas Sarkozy après le verdict de son procès, jeudi 25 septembre 2025 à Paris. (AURELIEN MORISSARD / MAXPPP / MAXPPP)
Nicolas Sarkozy après le verdict de son procès, jeudi 25 septembre 2025 à Paris. (AURELIEN MORISSARD / MAXPPP / MAXPPP)

Le fait qu'Emmanuel Macron a reçu Nicolas Sarkozy à l'Élysée, vendredi 17 octobre, a défrayé la chronique. Une démarche "normale sur le plan humain" aux yeux de l'actuel locataire de l'Élysée, qui a tenu à rappeler qu'il était le garant de "l'indépendance de l'autorité judiciaire". Le garde des Sceaux, Gérald Darmanin a poussé la compassion jusqu'à annoncer qu'il rendrait visite en prison à son ex-mentor, ce qui a froissé les syndicats de magistrats.

Quoi que l'on pense de Nicolas Sarkozy et de la sanction qui lui est infligée, le fait d'envoyer un ancien chef d'État derrière les barreaux, même pour quelques semaines, est une première en Europe. Même l'ancien Président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, incarnation de l'affairisme en politique et multi-condamné, n'a pas fait un seul jour de prison. Les images de l'entrée de Nicolas Sarkozy à la prison de la Santé vont faire le tour du monde, et donner à notre démocratie un petit goût d'Amérique du Sud.

Conséquences politiques

L'institut Ipsos a publié lundi 20 octobre son enquête annuelle intitulée "Fractures françaises", qui révèle une défiance civique au plus haut degré. L'ensemble du personnel politique est profondément délégitimé. Deux tiers des Français considèrent que les responsables politiques sont corrompus, le plus haut niveau depuis 2017. Les partis n'inspirent plus confiance qu'à 10% des personnes interrogées. Même si l'incarcération de Nicolas Sarkozy montre qu'il n'est point d'impunité pour les puissants qui sont traités comme des justiciables ordinaires, elle ne va pas améliorer le tableau.

Mais c'est surtout la réaction corporatiste d'une bonne partie du monde politique qui risque de creuser un peu plus le fossé entre les Français et leurs élus. Les soutiens de Nicolas Sarkozy, comme ceux de Marine Le Pen, traitée de la même façon lors de sa condamnation à cinq ans d'inéligibilité, s'insurgent de l'exécution provisoire de leur peine. Nombre de politiques partagent leur indignation. Et du côté de l'Élysée, on juge le "débat" sur l'exécution "légitime" quand elle touche "à l'élection" ou à "la privation de liberté".

Pourtant, 25 000 détenus sont aujourd'hui emprisonnés dans l'attente de leur procès en appel, et donc toujours présumés innocents. Cela n'émeut guère les politiques. Ils vont avoir du mal à convaincre l'opinion que la justice serait tout à coup trop sévère, impitoyable, inhumaine à leur endroit, alors qu'ils s'indignent d'ordinaire de la non-exécution des peines et fustigent une justice trop permissive. Ils en ont même convaincu leurs concitoyens : dans les sondages, 80% des Français considèrent que les magistrats sont trop laxistes. Et c'est pour cela que les élus condamnés, Sarkozy, Le Pen, et les autres peinent à susciter la pitié de l'opinion au-delà du cercle étroit de leurs supporters.

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