Édito
Budget 2026 : François Bayrou dramatise et cherche à gagner du temps face à la menace de censure

À ses yeux l’état de santé des finances et de l’économie françaises est très préoccupant. Lors de sa conférence de presse sur l'état des finances publiques, le Premier ministre a lâché des phrases sibyllines dans l'espoir de durer.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
François Bayrou, le Premier ministre, lors d'une conférence de presse sur l'état des finances publiques, le 15 avril 2025. (ALAIN JOCARD / AFP)
François Bayrou, le Premier ministre, lors d'une conférence de presse sur l'état des finances publiques, le 15 avril 2025. (ALAIN JOCARD / AFP)

Un niveau d’impôt "intenable", une France "qui ne produit et ne travaille pas assez", un pays "trop dépendant" sur les plans industriel et agricole et pour couronner le tout, de lourdes "pathologies budgétaires". Est-ce grave, docteur ? Non, c’est pire, répond François Bayrou, mardi 15 avril lors d'une conférence de presse sur l'état des finances publiques. Et ce sera sans doute pire encore demain à cause du "contexte international tourmenté" : les droits de douane de Donald Trump, la guerre en Ukraine qui continue, la menace russe et tout le reste.

La conférence de presse du Premier ministre ressemblait à une consultation de la dernière chance, quand votre médecin vous assène un diagnostic dramatique, avec des chances de survie extrêmement faibles. Forcément, vous en sortez un peu groggy. Surtout quand votre thérapeute n’avance aucun remède. Rien, pas de solution. François Bayrou avait prévenu qu’il n’annoncerait rien de neuf, il a tenu parole. Reste une question : pourquoi parler si tôt, quatre mois avant l’amorce du débat budgétaire, d’ordinaire à l’été, quand on n’a rien à dire ?

Susciter la peur, une bonne méthode ?

L’objectif revendiqué, c'est d'alerter les Français. Parce que "seule une prise de conscience de nos concitoyens peut soutenir une action déterminée", dit le Premier ministre. Ce qui conduit à une autre question : s’il y a des choix douloureux à faire, François Bayrou, qui bat déjà des records d’impopularité, peut-il vraiment espérer l’indulgence des Français ? Voire envisager de faire endosser, ou assumer, tout ou partie de ces décisions par ses opposants ? Peu probable à observer leurs réactions après la conférence de presse, unanimes pour fustiger une "opération de communication" et mettre en garde par avance contre des efforts qui pèseraient sur les Français. En fait, cerné de toutes parts, sans majorité à l’Assemblée, placé sous la surveillance de ses propres soutiens et la pression du patronat, François Bayrou cherche à gagner du temps. Quitte à noircir le tableau, par exemple en affirmant à tort que le taux d’emploi des jeunes est le plus bas d’Europe.

Depuis longtemps les spécialistes de l’éducation savent que la peur n’est pas une méthode d’apprentissage. Au contraire, l’angoisse peut susciter le rejet. Comme la colère, elle est mauvaise conseillère. "Le sang et les larmes" façon Churchill, ça marche en temps de guerre, face à l’envahisseur, pas pour faire des économies et combler des déficits. D’ailleurs, François Bayrou a préféré citer Lénine : "Seule la vérité est révolutionnaire". Mao ajoutait : "La Révolution n’est pas un dîner de gala". Ça tombe bien, le Premier ministre a annoncé la disette.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.