Tensions communautaires et bombardements israéliens, la Syrie sous tension

Après des affrontements violents dans le sud du pays, et des bombardements israéliens qui ont touché la capitale, Damas, le président syrien a confirmé un accord de cessez-le-feu, et le retrait des troupes gouvernementales de la ville de Soueïda, épicentre des tensions des derniers jours. Une crise majeure dans le processus de transition du pays.

Article rédigé par Nicolas Teillard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Le siège de l'armée syrienne et du ministère de la Défense à Damas, ciblé par des frappes israéliennes, le 16 juillet 2025. (RAMI AL SAYED / AFP)
Le siège de l'armée syrienne et du ministère de la Défense à Damas, ciblé par des frappes israéliennes, le 16 juillet 2025. (RAMI AL SAYED / AFP)

L'imposant panache de fumée qui s'élevait du centre de Damas mercredi 16 juillet a traduit la violence de l'impact. Et le lieu ciblé par les frappes israéliennes illustre l'ampleur de l'avertissement envoyé par l'État hébreu au nouveau régime syrien. À quelques pas de la place des Omeyyades, des bombardements ont visé des installations du ministère de la Défense, et le quartier général de l'état-major de l'armée.

Trois fortes explosions ont retenti autour de ce lieu emblématique de la capitale syrienne, où des milliers d'habitants s'étaient réunis en décembre dernier pour célébrer la chute du régime. Le cœur du pouvoir syrien directement frappé par Israël, c'est du jamais-vu, même si les frappes menées par l'aviation israélienne se sont multipliées en Syrie depuis la chute de Bachar al- Assad.

Israël cherche "à démanteler la Syrie"

"Nous, les fils de Syrie, savons qui essaie de nous entraîner dans la guerre et la division. Depuis la chute du régime, Israël a cherché à démanteler la Syrie", a réagi le président, Ahmed al-Charaa, lors d'une allocution à la télévision, où il a confirmé un cessez-le-feu dans la ville de Soueïda, théâtre d'affrontements violents ces derniers jours. Des événements qui constituent une crise majeure pour le nouveau pouvoir syrien, la plus importante depuis les massacres d'Alaouites survenus au mois de mars, sur la côte Est du pays. Une crise qui met en lumière les tensions communautaires, principal défi du nouveau régime, et la menace du voisin israélien.

Officiellement, les bombardements menés par Israël, sur Damas et sur le sud du pays, interviennent en soutien à la communauté druze, une communauté religieuse, installée dans cette région du Sud, et considérée comme hérétique par les musulmans sunnites qui peuplent majoritairement la Syrie. Particularité de cette communauté arabe, estimée à environ un million de membres, elle est aussi installée dans le nord d'Israël, et très investie dans le fonctionnement de l'État hébreu, notamment dans l'armée. Israël s'est donc fait le protecteur des Druzes, par fidélité, mais aussi par opportunisme, l'épisode lui permettant de déstabiliser le régime syrien.

Voir un ancien chef jihadiste prendre les rênes du pays voisin suscite une profonde méfiance du côté israélien. Depuis la chute d'Assad, Israël a multiplié les frappes pour affaiblir l'armée syrienne, et joue un jeu ambigu, en entretenant un dialogue avec Damas, sous la pression américaine, sans manquer une occasion de nuire à la reconstruction et à l'unification du pays. Profitant de sa supériorité militaire pour intervenir, en toute impunité, dans un pays qui a longtemps servi de base arrière au Hezbollah et à l'Iran, Israël cherche à obtenir la démilitarisation complète du sud de la Syrie, et le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a estimé que l'intervention des forces syriennes a Soueïda était une menace.

Ahmed al-Charaa peine à discipliner les ex-jihadistes

Cette opération militaire syrienne dans le Sud visait à rétablir l'ordre dans la ville, capitale régionale des Druzes, où des combats ont fait au moins 350 morts ces derniers jours. Des violences déclenchées par un simple incident, une embuscade tendue par des groupes bédouins au conducteur druze d'un camion, mais qui ont dégénéré en affrontements interconfessionnels. L’intervention de l'armée syrienne a tourné au fiasco, avec des exactions commises par des militaires et des humiliations sur des habitants, se faisant, par exemple, raser la moustache, un signe distinctif de la communauté druze.

Dans ce tableau complexe, les derniers jours offrent un condensé des difficultés de la transition en cours en Syrie, avec une armée indisciplinée, composée d'anciens combattants jihadistes, dont certains commettent des violences sur fond de haine communautaire ou de ressentiment des années de guerre civile. Il en ressort une autorité du régime entachée et affaiblie, une profonde méfiance vis-à-vis du nouveau pouvoir chez les Druzes, et signe de la déroute de ses troupes, Ahmed al-Charaa a dû ordonner leur retrait de Soueïda, laissant à des groupes locaux la gestion de la sécurité.

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