Une enquête en France et des soupçons au Danemark sur un navire attribué à la flotte fantôme russe

Immobilisé depuis dimanche au large de Saint-Nazaire, un navire soupçonné d'appartenir à la flotte fantôme russe fait l'objet d'une enquête en France, où deux membres d'équipage sont en garde à vue. Le cargo est aussi dans le viseur des autorités danoises, à la suite de survols de drone de plusieurs aéroports du pays ces derniers jours.

Article rédigé par Nicolas Teillard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Il change de nom comme de pavillon... Photo aérienne du tanker arraisonné au large de Saint-Nazaire, prise le 1er octobre 2025, soupçonné d'être l'un des navires "fantômes" de la Russie. (DAMIEN MEYER / AFP)
Il change de nom comme de pavillon... Photo aérienne du tanker arraisonné au large de Saint-Nazaire, prise le 1er octobre 2025, soupçonné d'être l'un des navires "fantômes" de la Russie. (DAMIEN MEYER / AFP)

Alors que la menace russe préoccupe de plus en plus les dirigeants européens, réunis en sommet à Copenhague, voilà une affaire qui intéresse autant les autorités danoises que les forces françaises, qui sont intervenues sur un navire soupçonné de faire partie de la flotte fantôme russe. Long de 245 mètres, le Boracay (ex-Pushpa), qui bat pavillon béninois, est actuellement immobilisé au large de Saint-Nazaire, où il a été arraisonné. Des militaires français ont patrouillé sur le pont, en treillis et cagoule. 

Un géant des mers dont deux membres d'équipages sont donc entre les mains des enquêteurs. D’après le procureur de Brest, les auditions concernent un homme qui se présente comme le commandant du navire, et l'autre comme son second. Et si cet équipage intéresse les autorités françaises, c'est parce que le parcours du navire intrigue.

"Boracay", "Pushpa" ou "Kiwala"...

Parti mi-septembre du port russe de Primorsk, au nord de Saint-Pétersbourg, le Boracay avait pour destination l'Inde, l'un des principaux acheteurs de pétrole russe. Le navire a contourné le Finistère, dimanche dernier. Des données maritimes le montrent dévier de sa route pour se rapprocher des côtes françaises. La marine nationale a fait un signalement, et une enquête est désormais ouverte pour "défaut de justification de la nationalité du navire" et "refus d’obtempérer".

Le Boracay est soupçonné de faire partie de la flotte fantôme russe, estimée à plusieurs centaines de bateaux, utilisés par Moscou pour écouler son pétrole, et passer ainsi entre les mailles des sanctions occidentales. Une flotte dite "fantôme" car ces navires n'hésitent pas à couper leurs données GPS, et à disparaître des radars pendant leur navigation. Pour la plupart, ce sont de vieux rafiots, rachetés par le Kremlin, qui est visiblement prêt à tout pour les faire circuler : des pavillons de complaisance, pas d'assurance, des propriétaires douteux, et des changements de noms fréquents. C’est le cas de ce tanker baptisé Boracay, mais déjà repéré en circulation sous d'autres noms, comme Pushpa ou Kiwala...

De l'espionnage ?

Un bateau qui figure sur la liste des cargos sanctionnés par l'UE, mais qui est donc aussi dans le collimateur des autorités danoises, qui estiment qu'il a pu servir de base arrière aux survols de drones qui ont provoqué la fermeture de l'aéroport de Copenhague, le 22 septembre dernier. Ce jour-là, le navire, qui s'apprête à quitter la Baltique pour rejoindre la mer du Nord, passe à moins de 100 km de la capitale danoise. Un passage qui coïncide avec celui des drones. Pour autant, d'autres navires sont aussi suspectés, dont l'un, en particulier, montre une étonnante trajectoire quelques heures seulement avant les opérations de survol.

Copenhague ou les dirigeants européens sont encore réunis jeudi 2 octobre, avec la menace russe dans tous les esprits. Au-delà des affaires pétrolières, les navires de la flotte fantôme russe sont soupçonnés d'être utilisés par Moscou pour des opérations de sabotage, régulièrement signalées en mer Baltique, mais dont le caractère intentionnel est difficile à prouver. Les dirigeants de l'UE redoutent aussi qu'ils servent à dissimuler des opérations de surveillance des installations militaires ou énergétiques, nombreuses en mer du Nord et en mer Baltique.

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