"Il y a de plus en plus de femmes touchées par des pathologies cardiovasculaires", alerte Stéphane Manzo-Silberman, cardiologue à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière

En France, les maladies cardiovasculaires sont responsables de la mort de 200 femmes chaque jour, soit une femme toutes les sept minutes. Le docteur Stéphane Manzo-Silberman fait le point sur ces maladies, leurs symptômes, les facteurs génétiques impliqués et les moyens de prévention.

Article rédigé par franceinfo, Catherine Pottier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Douleur dans la poitrine, gêne dans l'épaule, sueurs, nausées, fatigue inhabituelle, tout symptôme durant plus de 15 min doit conduire à un appel au 15. Photo d'illustration. (OLGA PANKOVA / MOMENT RF / GETTY)
Douleur dans la poitrine, gêne dans l'épaule, sueurs, nausées, fatigue inhabituelle, tout symptôme durant plus de 15 min doit conduire à un appel au 15. Photo d'illustration. (OLGA PANKOVA / MOMENT RF / GETTY)

Les maladies cardiovasculaires sont la deuxième cause de décès chez les femmes en France. Si les hommes restent majoritairement touchés par l'infarctus, de plus en plus de femmes sont concernées et à un âge de plus en plus jeune. Dans "C'est ma santé conseils" sur franceinfo, Stéphane Manzo-Silberman, cardiologue à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, évoque les symptômes, les facteurs génétiques et les moyens de prévention pour lutter contre ces maladies cardiovasculaires. Un rendez-vous proposé en association avec l'AP-HP (Assistance publique - Hôpitaux de Paris).

franceinfo : Les maladies cardiovasculaires sont-elles les premières causes de décès chez les femmes ?

Stéphane Manzo-Silberman : À présent, elles ont reculé chez les hommes comme chez les femmes. C'est devenu la deuxième cause de décès en France, d'après le dernier bulletin épidémiologique en Europe. Elles restent, cependant, la première cause de décès, hommes et femmes réunies.

Les femmes, sont-elles plus touchées que les hommes par les maladies cardiovasculaires ?

En nombre absolu, il y a une prédominance masculine. Il y a plus d'infarctus chez les hommes. Cependant, il y a de plus en plus de femmes touchées par ces pathologies cardiovasculaires, notamment par l'infarctus du myocarde. L'âge tend à diminuer chez les femmes, contrairement aux hommes, où cela survient un peu plus tard ces dernières années.

A-t-on des explications sur cette évolution des chiffres ?

Il y a plusieurs pistes. Premièrement, on diagnostique peut-être mieux ces pathologies grâce aux biomarqueurs. Il y également la formation et la sensibilisation au fait que cela touche également des femmes.

"Longtemps, cette pathologie à prédominance masculine a été décrite sur le modèle uniquement masculin et considérée comme une pathologie masculine. Il y a donc une prise de conscience."

Stéphane Manzo-Silberman, cardiologue

à franceinfo

Deuxièmement, il y a une exposition des femmes à ces facteurs de risques qui vont favoriser la survenue de la pathologie. Elles sont plus nombreuses à être fumeuses : en France, depuis les années 80, le nombre de fumeuses a doublé alors que les fumeurs sont restés stables. Les femmes sont également plus impactées par ces facteurs de risque, pourtant partagés par les deux sexes : le tabac augmente par six le risque de faire un infarctus chez une femme par rapport à un homme. Le diabète, même s'il est moins fréquent chez les femmes, augmente le risque d'une complication cardiovasculaire par rapport aux hommes. Il y a donc ces facteurs de risque partagés qui sont plus prévalant qui vont augmenter l'incidence d'infarctus du myocarde et d'AVC.

Est-ce qu'il y a des facteurs génétiques ?

Les femmes ont cette particularité par rapport aux hommes d'avoir des taux œstrogènes qui sont protecteurs jusqu'à la ménopause. On observe moins d'infarctus chez les femmes, notamment avant la ménopause. Mais ce facteur génétique hormonal va avoir un effet double tranchant puisque, au moment de la chute des œstrogènes, les femmes vont voir augmenter leur risque cardiovasculaire avec l'augmentation également de l'incidence de l'hypertension et des troubles métaboliques. Dans la vie hormonale, on retrouve l'implication des pathologies gynécologiques : syndrome des ovaires polykystique, l'endométriose.

"Ce sont des marqueurs d'augmentation du risque de ces événements, comme le sont les complications de grossesse qui viennent augmenter la probabilité de survenue d'un infarctus ou d'un AVC."

Stéphane Manzo-Silberman, cardiologue

à franceinfo

Quels sont les symptômes qui doivent alerter ?

Il y a des symptômes qui sont plus évocateurs, et d'autres moins évocateurs. L'infarctus du myocarde va se manifester dans 70% des cas par une douleur dans la poitrine, chez les hommes comme chez les femmes. Chez les femmes jeunes, ce sont neuf femmes sur dix qui vont présenter cette douleur dans la poitrine. La particularité des femmes, c'est que, associée à ces douleurs, elles vont rapporter plus fréquemment un plus grand nombre de symptômes associés : une gêne dans l'épaule, des sueurs, des nausées, une fatigue inhabituelle.

Les symptômes de l'atteinte coronaire se manifestent par une gêne dans la poitrine, le plus souvent lors d'un effort. Lorsqu'il survient au repos, ça doit être un signe d'alerte et toute sensation inhabituelle qui va perdurer plus de quinze minutes doit conduire à un appel au service d'urgence. On ne se déplace pas, mais on appelle le 15 et c'est un médecin régulateur qui va prendre la patiente en charge.

Quels sont les moyens pour protéger sa santé cardiovasculaire et que faut-il éviter également ?

Il y a des moyens de se protéger : l'alimentation équilibrée, la qualité de sommeil, éviter le stress, contrôler le poids, avoir une activité physique adaptée et régulière, ne pas fumer. Finalement, connaître ses chiffres est également important : quelle est ma tension artérielle, mon niveau de cholestérol, mon niveau de glycémie ? S'il y a une anomalie, on a les moyens de la traiter, de ramener ces chiffres à des normes et des seuils qui ne seront pas délétères.

Est-ce qu'il faut que les médecins traitants soient plus vigilants sur la santé cardiovasculaire des femmes ?

Il y a un rôle majeur des différents acteurs de santé pour recueillir les facteurs de risques, de s'informer, notamment au moment de la prescription des contraceptions. Il est important de vérifier l'absence d'une contre-indication et de traiter une éventuelle hypertension artérielle ou une dyslipidémie. Le risque cardiovasculaire peut survenir à tout âge puisque l'infarctus peut être une grosse artère qui se bouche comme cela peut être des formes moins classiques sans obstruction et qui vont concerner plus fréquemment les femmes.

Il faut donc sensibiliser et en cas de facteur de risque, il faut accompagner et au besoin proposer une prise en charge multidisciplinaire avec le gynécologue et un cardiologue pour ajuster et évaluer ce risque cardiovasculaire. S'il y a des symptômes, proposer des examens adaptés.

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