Présidentielle en Corée du Sud : une campagne sous tension qui pousse à l’autocensure

Le pays est tellement divisé que les grandes entreprises et les stars du pays ont changé leurs habitudes pendant la campagne électorale, pour ne pas risquer d’être associées à l’un ou l’autre des candidats. Même l'enseigne de café Starbucks a dû mettre en place une censure interne.

Article rédigé par Yann Rousseau
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des banderoles montrent les candidats à l’élection présidentielle sud-coréenne, le favori Lee Jae-myung (en haut à droite) et son principal rival conservateur Kim Moon-soo (en haut à gauche), visibles derrière une enseigne Starbucks à Séoul, le 15 mai 2025. (ANTHONY WALLACE/ AFP)
Des banderoles montrent les candidats à l’élection présidentielle sud-coréenne, le favori Lee Jae-myung (en haut à droite) et son principal rival conservateur Kim Moon-soo (en haut à gauche), visibles derrière une enseigne Starbucks à Séoul, le 15 mai 2025. (ANTHONY WALLACE/ AFP)

À l’approche de l’élection présidentielle en Corée du Sud, le climat politique particulièrement tendu entraîne une prudence inhabituelle des milieux économiques et culturels. Grandes entreprises, plateformes numériques et célébrités redoublent de vigilance pour ne pas être perçues comme partisanes. 

Même Starbucks a dû modifier son fonctionnement pour éviter tout lien avec un candidat. Or les Sud-Coréens sont de grands consommateurs de café. Il y a des boutiques partout, plusieurs marques locales, mais aussi l’américain, très implanté avec un service que les Coréens utilisent beaucoup : la commande en ligne avec un café personnalisé à votre nom. Quand la boisson est prête, le serveur appelle le client à haute voix et son nom apparaît aussi sur un écran au-dessus des comptoirs. Le problème, c’est que ces derniers jours, des clients se sont servis de ce système pour faire passer des slogans politiques, du genre "voter pour untel" ou "untel est un espion" ou encore "tel candidat devrait aller en prison". Face à ces dérives, Starbucks a dû dresser, dans l’urgence, une liste des noms interdits à utiliser sur ce service, le temps de la campagne électorale.

Une élection anticipée dans un contexte explosif

La présidentielle sud-coréenne se déroule dans un contexte politique extrêmement polarisé. La campagne électorale a été très courte car elle a été lancée après la destitution du président conservateur Yoon Suk-yeol, arrêté à la suite d’une tentative de coup de force en décembre dernier. Il avait tenté d’imposer une loi martiale et de suspendre les libertés politiques, une manœuvre avortée qui a précipité son éviction.

Lancé dans l’urgence, le scrutin va opposer six candidats, même si la bataille principale se jouera entre un autre conservateur et le leader de la gauche, Lee Jae-myung. Ce dernier, en tête des sondages, reste une figure controversée, très appréciée par ses partisans, mais vivement rejetée par une partie de l’opinion publique.

Entreprises et célébrités marchent sur des œufs

Dans ce climat, il faut impérativement donner l’impression d’être neutre. Le portail internet Naver, équivalent local de Google, a suspendu temporairement ses fonctions de prédiction automatique sur les noms de candidats [quand on tape un mot et qu’automatiquement, des qualificatifs y sont associés], par crainte d’influencer involontairement le vote.

Même les acteurs et les chanteurs de K-Pop se censurent. Sur instagram ou TikTok, ils ne portent plus les couleurs bleu ou rouge des principaux partis, pour ne pas donner l’impression de soutenir un camp. Et même les gestes anodins, comme le signe V de la victoire sur une photo, sont bannis, car ils pourraient être interprétés comme le chiffre 2, et donc une référence au numéro d’un candidat sur les panneaux d’affichage. Beaucoup privilégient désormais les photos en noir et blanc, les mains dans les poches, en attendant mardi 3 juin, le jour du vote.

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