Politique migratoire : aux États-Unis, les centres de détention font l'objet de nombreuses controverses

Donald Trump promet des expulsions à grande échelle des immigrés sans-papiers, mais les infrastructures de détention risquent d’être insuffisantes. Aux États-Unis, la majorité des centres de rétention sont privés, une situation qui pose des enjeux logistiques et éthiques.

Article rédigé par Loïc Pialat
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Centre de détention CoreCivic Otay Mesa à San Diego, en Californie (États-Unis), le 7 février 2025. (CARLOS MORENO / ANADOLU via AFP)
Centre de détention CoreCivic Otay Mesa à San Diego, en Californie (États-Unis), le 7 février 2025. (CARLOS MORENO / ANADOLU via AFP)

Donald Trump a fait campagne sur des expulsions massives d’immigrés sans-papiers, pouvant atteindre jusqu’à un million de personnes par an. Pour détenir ces personnes avant leur expulsion, son administration a besoin d’infrastructures adaptées. Or, aux États-Unis, la majorité des centres de rétention administrative – appelés centres de détention – sont privés.

Il est important de rappeler que ces centres ne sont pas une invention de Donald Trump. Les démocrates les ont également utilisés sous Barack Obama et Joe Biden. D’ailleurs, sous Biden, 90 % des personnes détenues par ICE – l’agence en charge de retrouver et d’expulser les sans-papiers – attendaient leur expulsion dans un centre de détention privé. Cela représentait 10 % de plus que lors du premier mandat de Trump.

À la fin du mandat de Biden, marqué par une sévérité accrue en matière d’immigration, on comptait environ 39 000 personnes détenues chaque jour. Aujourd’hui, sous Trump, ce chiffre dépasse légèrement les 40 000, soit le nombre maximum de places disponibles dans la centaine de centres – privés ou non – du pays.

Des infrastructures insuffisantes et des alternatives contestées

Toutefois, ces capacités ne suffisent pas aux ambitions de Donald Trump. Sans-papiers ou non, les personnes interpellées disposent de droits et doivent voir leur dossier examiné par un juge, un processus qui peut prendre du temps. En attendant, elles restent sous la garde des autorités, dont les capacités sont limitées par le nombre de places disponibles.

Pour faire face à ce problème, CoreCivic, l’un des acteurs majeurs du secteur, prévoit d’ajouter des centaines de lits dans ses prisons du Mississippi, de l’Ohio, de l’Oklahoma et du Nevada. Mais ces aménagements prendront du temps. En parallèle, l’administration Trump négocie avec d’autres pays, comme le Costa Rica et le Panama, pour qu’ils accueillent temporairement ces sans-papiers en attendant leur expulsion.

Autre option plus radicale : invoquer une loi obscure de 1798 pour expulser en urgence les immigrés jugés dangereux. C’est précisément ce qu’il s’est passé ce week-end, avec quelque 250 Vénézuéliens, membres d’un gang selon Washington, envoyés vers le Salvador. La Maison Blanche a d’ailleurs ignoré la décision d’un juge qui s’opposait à l’utilisation de cette loi en temps de paix.

Des conditions de détention dénoncées

Les centres privés sont au cœur de nombreuses controverses. Le National Immigrant Justice Center dénonce des conditions inhumaines, des négligences médicales, l’abus de l’isolement et des actes de racisme. En 2021, un centre a été fermé après des révélations sur des hystérectomies pratiquées de manière abusive.

Dans un centre de GEO, autre acteur majeur du secteur, un homme est mort après avoir passé 811 jours en isolement. En 2024, dix personnes sont décédées dans ces centres, dont neuf dans des établissements privés. Dans la majorité des cas, ces décès auraient pu être évités.

Ces entreprises, dont l’objectif principal est le profit, bénéficient de contrats avec l’État qui représentaient 3 milliards de dollars en 2023. Le marché semble d’ailleurs réagir à la politique de l’administration Trump : après son élection, la valeur des actions de ces entreprises a grimpé, signe que le secteur pourrait profiter de l’intensification des expulsions.

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