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Reportage
"Trump ne se rend pas compte de notre force" : le nouveau président américain a-t-il les moyens de ses ambitions en matière d'immigration ?
Alors que Donald Trump affirme sa volonté d'expulser massivement les immigrés clandestins, nombreux sont ceux qui estiment qu'il ne pourra pas tenir sa promesse.
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Donald Trump a promis d'expulser du sol américain "des millions" d'immigrés sans papiers. Pour l'instant, depuis son investiture, les Etats-Unis ont arrêté 538 migrants clandestins et en ont expulsé des "centaines" lors d'une opération de masse menée quelques jours après le début de la présidence Trump II, a annoncé la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt.
Au-delà de ces premières mesures très symboliques, pourra-t-il tenir sa promesse ? Les étrangers en situation irrégulière représentent environ 11 millions de personnes, 3,3% de la population aux Etats-Unis. Se débarrasser d'eux ne sera, sans doute, pas aussi facile que ce qu'imagine le président américain.
D'abord parce que les réseaux de soutien aux personnes en situation irrégulière sont très efficaces. À Chicago, par exemple, des dizaines d'organisations, d'églises, de fondations existent. Exemple dans le quartier Mexicain. À la maison Erie, José Luis Mosqueda accueille deux jeunes sans papiers : "Comment ça se passe ? Je peux vous aider ? (il regarde les papiers) Tu demandes l'asile ? Tu as déjà un avocat ?… Ok. Ton nom, ta signature et la date s'il te plaît…"
"Si on nous prenait en compte, l'Amérique serait encore plus grande"
Il y a un peu de paperasse, mais il faut rassurer. Ces informations sont confidentielles, précise l'un des formulaires."Cela veut dire qu'on ne les partage avec personne, absolument personne", souligne le responsable des programmes d'éducation pour adultes de la maison Erie. Un peu timide, Alejandro, 20 ans, est venu s'inscrire en cours d'anglais. Il ne pense pas au risque d'arrestation. Il a surtout hâte de commencer : "Moi, je suis arrivé il y a un an seulement… Je comprends quelques mots mais je ne peux pas vraiment tenir une conversation."
"Tu sais pourquoi c'est important pour toi, d'apprendre l'anglais ? C'est un outil puissant qui te donne du pouvoir, qui t'aide à te défendre, à dire ce que tu veux vraiment. Regarde Trump, il dit que nous, les Mexicains nous sommes des criminels et des violeurs. Si on parle au lieu de le laisser parler, c'est mieux."
José Luis Mosquedaà franceinfo
Au niveau national, d'autres organisations plus puissantes, comme l'ACLU (American Civil Liberties Union), l'Union américaine pour les libertés civiles, se chargent, elles, de contester devant la justice, les décisions de l'administration Trump. Plusieurs plaintes ont déjà été déposées contre les décrets signés le 20 janvier : "Trump ne se rend pas compte de notre force, assure José Luis Mosqueda. Il pense qu'avec son argent et ses amis riches, il nous domine, mais il ne sait pas : on dit qu'on est 11 millions, je pense que c'est encore plus… Et si on nous prenait en compte, l'Amérique serait encore plus grande !"
Pour l'instant, les irréguliers sont aussi protégés par les "villes sanctuaires" comme Chicago qui refusent de collaborer avec des services fédéraux de l'immigration.
"IIs devraient soutenir les personnes qui ne sont pas des criminels"
Ces 11 millions de personnes ont aussi un poids économique important. Aux Etats-Unis, les sans-papiers représentent environ 18 % des travailleurs agricoles, 13 % des ouvriers du bâtiment. Ils sont aussi très présents dans les restaurants. Les expulser entraînerait des pénuries de main-d’œuvre. D'autant que ces travailleurs paient des impôts, ils contribuent au système de sécurité sociale, souvent sans en bénéficier eux-mêmes.
Ce sont aussi des consommateurs. Et s'ils partent, Oralia dans le quartier mexicain, ne donne pas cher de la survie de son salon de coiffure : "Une semaine avant le début du mandat de Trump, les rues ont commencé à se vider. Par exemple, hier, j'ai eu deux clients. Les autres jours, il n'y a eu personne. Pourtant on est là, on paie les impôts, l'électricité, le gaz… Au bout du compte, c'est sur nous que ça va retomber. Alors qu'ils devraient soutenir les personnes qui ne sont pas des criminels, qui vivent, travaillent et paient leurs impôts ici depuis des années."
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En fait, plutôt que d'expulser les étrangers en situation irrégulière, dit Oralia, il serait plus logique de les intégrer. Certaines études suggèrent, d'ailleurs, que des régularisations importantes pourraient faire augmenter le PIB de 100 milliards de dollars chaque année.
"Je ne pense pas qu'ils aient assez d'agents"
Expulser plusieurs millions de personnes, ça poserait aussi des problèmes logistiques. Il faut organiser les transferts aériens, construire des centres de rétention... Or, rien n'est lancé. André Vasquez préside la commission des droits des immigrants et des réfugiés à la mairie de Chicago. Pour lui c'est simple, l'administration Trump n'a pas les moyens de ses ambitions : "Je ne pense pas qu'ils aient assez d'agents. Quand ils ont commencé à parler de Chicago, il y en avait 100 à 200… Ce n’est pas beaucoup pour toute une ville. Donc ils doivent d'abord renforcer les effectifs."
"Ils vont se heurter aux intérêts de tous ceux qui font du profit grâce aux immigrés…"
André Vasquezà franceinfo
Et le responsable de préciser : "Si les hôtels font moins de chiffre, si les restaurants perdent des clients, si l'agriculture ou l'industrie sont impactés, poursuit Andre Vasquez, c'est un problème pour tout un tas de personnes qui sont aussi des électeurs. Donc ça va les inciter à ralentir. En fait, ils vont continuer à faire la même chose que sous Biden sauf qu'ils vont en parler plus, pour mobiliser leur base électorale."
Pendant son premier mandat, Donald Trump avait beaucoup parlé immigration mais il avait expulsé moins de personnes que son prédécesseur, Barak Obama.
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