Narcotrafic, prisons, blanchiment ... Le "8h30 franceinfo" de Bertrand Monnet

Bertrand Monnet, professeur à l’Edhec et spécialiste de l’économie du crime, était l'invité du "8h30 franceinfo"

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Bertrand Monnet ,professeur à l’Edhec et spécialiste de l’économie du crime, était l'invité du "8h30 franceinfo" (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Bertrand Monnet ,professeur à l’Edhec et spécialiste de l’économie du crime, était l'invité du "8h30 franceinfo" (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Bertrand Monnet, professeur à l’Edhec (École des hautes études commerciales) et spécialiste de l’économie du crime, était l'invité du "8h30 franceinfo". Narcotrafic, prisons, blanchiment...Il répondait aux questions de Salhia Brakhlia et Jérôme Chapuis.

"Il y a une vraie vague blanche"

Le texte de loi contre le narcotrafic doit être mis au vote à L'Assemblée nationale cette semaine. Cette proposition, via divers amendements, vise à lutter plus efficacement contre le trafic de drogue alors qu'il atteint des records en France. Pour Bertrand Monnet, "il y a une vraie vague blanche, pour ne parler que de la cocaïne, et pour le comprendre il faut aller en Colombie où la production explose." Il explique ce phénomène par le fait "que le gouvernement colombien a décidé de ne plus faire la guerre aux guérillas et ces mouvements armés locaux contrôlent des zones extensives, l'équivalent de plusieurs départements, sur lesquels ils font pousser de la coca et ils collaborent ensuite avec des narcotrafiquants." Le professeur à l’Edhec ajoute que "le marché principal, qui était jusque-là l'Amérique du Nord, commence à être saturé, donc tous les narcotrafiquants colombiens et mexicains aujourd'hui n'ont qu'un mot à la bouche : l'Europe."

Bertrand Monnet précise que "selon les routes" des pays producteurs de la cocaïne vers les pays consommateurs, le trafic "dégage des marges qui varient entre 3 000 et 6 000%". Selon lui, "aucun produit dans l'économie légale ne dégage des marges comme ça. Cela explique qu'il y aura toujours des trafiquants pour se lancer dans le business et on peut incarcérer autant de personnes que l'on veut", le trafic continuera, d'après lui. 

Certains narcotrafiquants "ont une emprise telle que certains d'entre eux garderont une influence"

Alors que deux prisons vont accueillir à partir de cet été les détenus les plus dangereux provenant de la criminalité organisée, dont des narcotrafiquants, Bertrand Monnet doute d'un tel dispositif. "Il y aura sans doute moins de liens avec les zones qu’ils contrôlent, mais il y aura une forme de rémanence de l'influence de ces gros bonnets -à où ils travaillaient", assure-t-il. "Je pense que certains d'entre eux garderont une influence".

"Il est prévu qu'il y ait très peu de contacts entre détenus, nous verrons. C'est une solution qui est de nature à les gêner, mais ce ne sera absolument pas la résolution du sujet à 100%", affirme ce spécialiste. Car "n'oublions pas que tous ces gens qui font les trafics, le font motivés par l'argent et donc si les principaux chefs sont arrêtés, immédiatement ce business-là sera repris par d'autres".

"Dès que l'on touche au bénéfice de leur crime, ça leur fait mal"

Malgré tout, ce professeur note que l'État français "essaye de se doter des moyens adéquats" pour essayer de lutter contre le narcotrafic. Il est donc faux pour Bertrand Monnet de parler de la France comme d'un "narco-État", comme l'a dit récemment Jordan Bardella, le président du Rassemblement national. "C'est totalement exagéré", affirme Bertrand Monnet.

Par exemple, la justice française a saisi le yacht Stefania, propriété d'un Biélorusse soupçonné d’avoir fait fortune dans le trafic de stupéfiants et d’armes, d’une valeur de 20 millions d’euros, qui sera vendu aux enchères jeudi 27 mars(Nouvelle fenêtre). Une vente au profit de l’État, avant même que son ancien propriétaire ne soit jugé dans une affaire de blanchiment international. Pour Bertrand Monnet, c'est une arme qui peut être efficace contre les trafiquants, dans leur dernière étape du blanchiment. "N'oublions pas qu'ils font tout ça pour l'argent et que dès que l'on touche au bénéfice de leur crime, ça leur fait mal." 

Le spécialiste ajoute qu'il faudrait "être efficace dans des phases en amont du blanchiment d'argent. Avant de pouvoir acheter un yacht, il faut transformer du cash qui sent très, très fort la drogue, en argent placé sur des comptes en banque." C'est pourquoi il appelle à ce que "des magistrats spécialisés travaillent sur ce sujet." Mais Bertrand Monnet s'inquiète, "si on ne prête pas attention, tout le travail qui est fait aujourd'hui sur le blanchiment, ne servira à rien dans quelques années. Parce que de plus en plus, les paiements reçus par les narco-organisations sud-américaines sont reçus en cryptomonnaies. Et une fois que vous avez vos cryptomonnaies, vous n'êtes pas intraçable, mais vous être très, très, très discret."


 

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