Nommer un Premier ministre de gauche, reconduire Sébastien Lecornu, un gouvernement technique... Que va décider Emmanuel Macron ?
/2025/09/05/daic-template-live-68baadad16e59550656736.png)
/2025/10/09/080-hl-xbouzas-2911811-68e7c8c9290a9909142768.jpg)
Le président de la République doit faire connaître son choix pour Matignon dans la journée de vendredi.
Emmanuel Macron une nouvelle fois à l'heure des choix. Le chef de l'Etat devrait révéler le nom du futur Premier ministre vendredi 10 octobre, comme s'y est engagé l'Elysée après l'interview de Sébastien Lecornu sur France 2 mercredi soir. "Le président de la République a pris connaissance des conclusions de ce dernier : majorité de députés contre la dissolution, existence d'une plateforme de stabilité, chemin possible pour adopter un budget d'ici le 31 décembre", a détaillé le palais présidentiel mercredi soir. Malgré la cérémonie en hommage à Robert Badinter qu'il a présidée jeudi au Panthéon, et des réceptions diplomatiques, le locataire de l'Elysée a choisi de prendre du temps pour soupeser tous les scénarios et trouver la solution qui permettra à la France de se doter d'un budget pour 2026. Quels sont les choix qui s'offrent à lui ?
Un Premier ministre issu de la gauche
Trois forces de gauche – le PS, Les Ecologistes et le Parti communiste – revendiquent Matignon et proposent un gouvernement de cohabitation. Emmanuel Macron peut-il accéder à leur demande ? "J' y crois toujours parce j'ai le sentiment que la tonalité du débat global c'est que c'est la seule manière d'arracher une stabilité pour doter la France d'un budget", confie Pierre Jouvet, n°2 du PS, à franceinfo. "On sent que ca ne viendra pas. On n'a pas de contact du tout avec Emmanuel Macron", estime, plus pessimiste, un autre cadre du parti à la rose.
Un Premier ministre de gauche permettrait-il d'assurer l'objectif fixé par Sébastien Lecornu, à savoir doter la France d'un budget ? Cela implique pour un gouvernement de ne pas être censuré. En excluant toute alliance avec La France insoumise et en promettant de ne pas recourir au 49-3, la direction du PS espère pouvoir bénéficier de la neutralité des députés macronistes. En pariant sur le fait que ceux-ci n'ont aucun intêret à une dissolution et à de nouvelles élections législatives, lors desquelles une très lourde défaite leur est promise par les sondages.
"On a essayé la droite, on a essayé le centre, alors pourquoi ne pas essayer la gauche ?" a répété Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique démissionnaire, sur l'antenne de Ici Nord (ancien France Bleu Nord), et rare rescapée de l'aile gauche de la macronie au sein de l'exécutif. Mais cette position n'est pas partagée par l'ensemble du groupe Renaissance, qui s'est divisé entre macronistes de gauche et macronistes de droite en réaction à la proposition d'Elisabeth Borne de suspendre la réforme des retraites.
En comité stratégique, les LR ont décidé de leur côté que dans l'hypothèse d'un tel scénario, ce serait "une censure totale et automatique", selon un participant. Un gouvernement de gauche, même sans les insoumis, n'a donc pas l'assurance totale de ne pas être renversé.
Un Premier ministre issu de la "plateforme de stabilité"
Le socle commun est mort, vive la "plateforme de stabilité". C'est l'expression qu'a utilisée Sébastien Lecornu pour évoquer les 207 députés qui constituaient l'ancien bloc central. Celui-ci peut-il être relancé sous ce nouveau nom, malgré ses échecs successifs avec Michel Barnier, François Bayrou et Sébastien Lecornu ? "Le socle commun, fracturé de partout, n'a plus de réalité. Mais sur le papier, il peut exister deux mois pour avoir un budget", témoigne une parlementaire LR.
Néanmoins conscients de la fragilité déja éprouvée de cette alliance entre macronistes, certains soulignent la nécessité d'englober le PS dans cette démarche. "Ce qu'on pourrait tenter, c'est de regarder si avec la gauche et la droite républicaine, il y a une plateforme commune possible pour s'entendre sur un budget", a déclaré Marc Fesneau, patron des députés MoDem, sur l'antenne de franceinfo.
Problème : ce n'est a priori pas le souhait des socialistes. "Nous réclamons une cohabitation, pas d'être dans un soutien sans participation, et encore moins d'être dans une coalition", a martelé le président du groupe PS au Sénat, Patrick Kanner, invité jeudi de la matinale de franceinfo.
En coulisses néanmoins, des élus socialistes concèdent qu'un accord de non-censure serait possible avec un locataire de Matignon issu de l'ancien bloc central. "Sur le terrain, dans ma circonscription, les gens nous demandent de nous entendre", confie une députée du groupe PS. A plusieurs conditions : pas de 49.3, une augmentation de la fiscalité pour les plus riches, une suspension de la réforme des retraites et pas de profils LR trop irritants au gouvernement comme Bruno Retailleau. Ça tombe bien : selon nos informations, le Vendéen a confié à ses troupes qu'il refuserait de réintégrer un gouvernement dans ces conditions.
De leur côté, les Républicains seraient prêts à faire des concessions sur la suspension de la réforme des retraites à condition d'avoir des "gains politiques" sur la sécurité ou l'immigration. "Le but est d'éviter la dissolution coûte que coûte", commente la parlementaire citée plus haut. "Si on met en avant nos concessions, ça nous différencie de l'irresponsabilité du RN qui veut à tout prix mettre le bordel", explique un député du groupe LR.
Mercredi soir, Sébastien Lecornu exprimait "son optimisme" sur la possibilité d'une non-censure par une majorité des députés "qui ne veulent pas d'une dissolution". Pourrait-il être reconduit dans cette fonction si cette perspective se dessine ? "J'aimerais bien. Il a été excellent au '20 Heures'", confie une députée EPR. Le principal intéressé a pris soin de préciser à Léa Salamé "que sa mission était terminée", répétant qu'il "ne cour[ait] pas après le job". A moins qu'il n'accepte de rempiler en tant que "moine soldat", comme il s'est lui-même défini.
Un Premier ministre issu de la société civile
Une personnalité hors du milieu politique : c'est peut-être le souhait de Sébastien Lecornu qu'il faut lire entre les lignes lors de son interview de mercredi soir sur France 2. "L'équipe qui devra prendre les responsabilités, quelle qu'elle soit, devra être complètement déconnectée des ambitions présidentielles pour 2027", a déclaré le Premier ministre démissionnaire. La piste d'un gouvernement technique "peut être une solution" parmi d'autres, a-t-il ajouté. On appelle ainsi un gouvernement composé non de figures politiques partisanes mais de hauts fonctionnaires, de diplomates, de professeurs ou de militaires, des experts du ministère auquel ils sont nommés.
Cette hypothèse d'un Premier ministre issu de la société civile semble avoir la préférence des Français dans les sondages. "A chaque fois, c'est l'option qui arrive en tête parmi les différentes formules testées", commente Emmanuel Rivière, consultant en stratégie d'opinion. Elle recueille 35% d'opinions favorables dans un sondage Toluna-Harris Interactive-RTL publié mardi, et est soutenue par environ un tiers des sympathisants LR, Ecologistes, Renaissance ou PS. "Là, on est dans un niveau de ressentiment assez élevé vis-à-vis des politiques. Il y a un constat d'échec. Pour les Français, ils n'y arrivent pas", commente Emmanuel Rivière. "Un Premier ministre ou des ministres techniques, ça ne marche jamais, et encore plus dans un moment hyper politique ou le pouvoir va être au Parlement", cingle en revanche le premier lieutenant d'Olivier Faure, Pierre Jouvet.
L'hypothèse Jean-Louis Borloo
Une personnalité ayant une expérience politique mais n'étant pas associée au personnel contemporain pourrait-elle être un compromis acceptable pour les Français et pour Emmanuel Macron ? Le nom de celui qui fut tour à tour ministre de la Ville, de l'Emploi, de l'Economie et de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, revient avec insistance depuis quelques jours. "Mouais, son nom est évoqué à chaque fois qu'il est question d'un nouveau gouvernement", tempère un député du camp présidentiel. Issu du centre-droit, l'ancien maire de Valenciennes (Nord), âgé de 74 ans, peut discuter avec la gauche. "Chiche", s'est exclamé le socialiste du Nord Patrick Kanner sur franceinfo, avant de rétropédaler en parlant "d'une boutade".
"Jean-Louis Borloo, il a le talent et la créativité", estime un vieux compagnon de route du centre qui le connaît bien. "Mais l'expérience Michel Barnier montre qu'il faut quelqu'un dans le jeu, qui connaît les gens de l'Assemblée, et qui est dans son époque", ajoute-t-il. Jean-Louis Borloo n'est pas proche d'Emmanuel Macron et pourra affirmer son autonomie. Il avait même été blessé par le peu de considération reçue à l'égard du plan banlieues que le chef de l'Etat lui avait pourtant commandé en 2018. "Il y a trop de contentieux entre les deux. Ça ne serait pas bon d'avoir cette seule grille de lecture pour d'éventuelles relations", juge un député Horizons. La rumeur a été balayée par Jean-Louis Borloo lui-même : "J'ignore absolument tout", a-t-il affirmé jeudi auprès de l'AFP, assurant n'avoir "aucun" contact avec l'entourage du président.
À regarder
-
Avion low cost : payer pour incliner son siège
-
Otages français en Iran : l'appel de détresse de leurs familles
-
Cédric Jubillar : ses défenseurs passent à l'attaque
-
Salomé Zourabichvili : "La Russie utilise la Géorgie comme test"
-
Se faire recruter dans l’armée par tirage au sort ?
-
La détresse de Cécile Kohler et Jacques Paris, otages en Iran
-
Le fléau des courses-poursuites à Los Angeles
-
Se soigner risque-t-il de coûter plus cher ?
-
Bac sans calculette : les conseils de Lucas Maths
-
Menace des drones : la France déploie ses armes
-
Un couple sauvé des eaux au Mexique
-
Ces méthodes spectaculaires contre les courses-poursuites
-
Opération anti-drogue : 400 policiers mobilisés à Grenoble
-
En Turquie, une femme sauvée in extremis devant un tramway
-
14 milliards d'impôts en plus, qui va payer ?
-
Gaza : comment désarmer le Hamas ?
-
Menace sur les réseaux : 100 000 euros pour t*er un juge
-
Cédric Jubillar : 30 ans requis contre l'accusé
-
Impôts, retraites, que prévoit le budget 2026 ?
-
Rihanna, reine des streams sans rien faire
-
Que changera la suspension de la réforme des retraites si elle est votée ?
-
Salaire : êtes-vous prêts à jouer la transparence ?
-
Ici, des collégiens dorment à la rue
-
Nouvelle éruption d'un volcan dans l'est de l'Indonésie
-
Cœur artificiel : l'angoisse des greffés Carmat
-
Pourquoi le vote du budget peut te concerner
-
Le nouveau ministre du Travail rouvre les débats sur les retraites
-
Laurent Nuñez, nouveau ministère de l'Intérieur, se confie sur les attentats de 2015
-
Adèle Exarchopoulos : "Quand le monde se résigne à banaliser la violence... Ce qui reste, c'est le collectif"
-
Un mois après sa mort, le message de Charlie Kirk résonne encore
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter