Vote de confiance : "Je suis étonné, c'est une erreur de méthode", estime Gérard Larcher, président du Sénat

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Article rédigé par France 2 - Édité par l'agence 6Medias
France Télévisions

Invité du "20 Heures" mardi 2 septembre, Gérard Larcher revient pour la première fois sur la décision de François Bayrou de solliciter un vote de confiance de l'Assemblée nationale. S'il partage ses "diagnostics", le président du Sénat déplore "une décision prise en solitaire".

En pleine crise politique, en amont d'un vote de confiance décidé par le Premier ministre et qui pourrait faire tomber son gouvernement le 8 septembre, les commentaires de la classe politique ont fusé ces derniers jours. Invité du "20 Heures" mardi 2 septembre, Gérard Larcher, président du Sénat et deuxième personnage de l'État, a réservé sa première réaction à France Télévisions. En exclusivité, celui qui est aussi membre des Républicains s'exprime face à Léa Salamé sur la situation.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.


Léa Salamé : Vous n'avez pas parlé depuis la décision de François Bayrou de demander un vote de confiance. François Bayrou, vous le connaissez bien, depuis longtemps, il vous a surpris ?

Gérard Larcher : D'abord, ce qu'il nous demande, c'est de voter sur une déclaration de politique générale, avec deux questions. Première question : est-ce qu'on est d'accord, est-ce qu'on partage le diagnostic inquiétant sur l'état de l'endettement de notre pays ? Tout le monde connaît les chiffres : plus de 3 300 milliards, et un déficit budgétaire cette année de 169 milliards. La réponse est oui, c'est évident. La deuxième question qu'il nous pose est : est-ce que la trajectoire budgétaire de cette année, qui va venir, 2026, ainsi que celle des années suivantes, jusqu'en 2029, doit être une trajectoire de réduction des dépenses publiques ? Il propose 44 milliards. On ne peut que répondre oui.

Vous lui dîtes oui à son plan d'économies, aux 44 milliards ?

Le Sénat, en 2022, avait proposé à la Première ministre de l'époque, au ministre de l'Économie et des Finances, une programmation de finances publiques de moins 37 milliards. Et c'est Emmanuel Macron qui a dit non à la proposition du Sénat.

"Je ne crois pas qu'on aura une clarification sur une nouvelle dissolution"

Gérard Larcher, on entend que vous dites, vous lui dites : 'Oui, je vous apporte ma confiance sans ciller...'

Non, je lui dis : 'Je partage le diagnostic que vous faites, car c'est un diagnostic que nous avons fait depuis longtemps'. Je suis étonné par sa méthode, une décision prise en solitaire, alors qu'on s'était vus le 7 juillet, que j'avais, avec les rapporteurs généraux et le président de la Commission des Affaires sociales, apporté les travaux que le Sénat avait conduits depuis le mois de mai... Et puis, dans la solitude. Il a pris cette décision, alors qu'un vote de confiance aurait pu avoir lieu au moment du débat budgétaire, après les échanges parlementaires. Parce qu'un budget, ce n'est pas uniquement le gouvernement, c'est un dialogue avec le Parlement.

C'est quoi, à votre avis ? Qu'est-ce qu'il s'est passé dans sa tête ? Il a eu tort ?

En tous les cas, il a eu le sentiment que sa pédagogie n'était pas partagée. Il a voulu peut-être créer un choc. Je pense que c'est une erreur de méthode.

Ce soir, Nicolas Sarkozy prend la parole, figure tutélaire de votre famille politique, et dit dans Le Figaro : 'Il n'y a pas d'autre solution que la dissolution'. Il va même plus loin, il pousse les députés LR à ne pas voter la confiance lundi prochain. Il a tort ?

Dissolution, pour quoi faire ? Une clarification ? On a vu le résultat de 2024, je reprends les mots mêmes du président de la République. Je ne crois pas qu'on aura une clarification sur une nouvelle dissolution. D'ailleurs, les analyses et les sondages nous démontrent qu'on aura encore une nouvelle complexification. Voilà pourquoi je ne suis pas favorable, a priori, à une dissolution. J'espère que le président de la République nous consultera, qu'il le fera un peu plus longuement que la fois dernière, parce qu'il a l'obligation constitutionnelle de consulter la présidente de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, mais je n'y suis pas favorable.

"Je ne demande pas la démission du Président"

On a du mal à comprendre ce qu'il se passe dans votre parti. Vous avez Nicolas Sarkozy ce soir qui dit : 'Il faut aller à la dissolution, il n'y a pas d'autre solution'. Vous, qui nous dites ce soir : 'Non, il faut voter la confiance', comme Bruno Retailleau. Xavier Bertrand dit : 'Non, moi, en l'État, je ne vote pas la confiance. Il y a un chef, il y a une ligne, un cap, chez LR ?

Il y a un président qui s'appelle Bruno Retailleau. Ce matin, nous avons eu une réunion de groupe au Sénat. Le sujet, ce n'est pas la confiance, nous partageons les diagnostics. Nous partageons une partie des solutions. Nous ne sommes d'ailleurs pas d'accord sur les propositions budgétaires, et nous avons d'autres propositions pour répondre à cette trajectoire budgétaire. Mais je le dis clairement : dissolution, ça veut dire clarification. Je ne suis pas certain qu'une nouvelle dissolution conduise à une clarification.

Toujours dans votre parti, on entend Jean-François Copé, on entend même Valérie Pécresse dire maintenant : 'Il n'y a plus de solution, le pays est bloqué, le pays est paralysé, il faut que le président démissionne, il faut des présidentielles anticipées'. Vous dites quoi ?

La même chose que Nicolas Sarkozy : attention à ne pas toucher aux institutions, à la fonction présidentielle. C'est au président de la République de décider s'il doit ou non tirer certaines conséquences, mais je ne demande pas sa démission. Je suis trop respectueux des institutions de la Ve République. Il y a eu des antécédents dans l'histoire du général de Gaulle et des partis, à un moment, sur sa propre décision. Je n'appelle rien de tout ça. Mais il y a une réalité : ça appartient au président de la République. Je pense qu'il n'est pas souhaitable d'affaiblir nos institutions.

S'il vous appelle demain, ou le 8 ou le 9, si François Bayrou tombe... Vous y allez, à Matignon ?

Je suis président du Sénat et j'entends le rester, parce que dans les circonstances actuelles, c'est sans doute au Sénat qu'on bâtira le budget, et c'est une responsabilité majeure. Il faut le faire avant le 31 décembre constitutionnellement, sinon il faudra une nouvelle loi spéciale. C'est le Sénat qui est le seul pôle de stabilité institutionnelle aujourd'hui, qui joue pleinement son rôle avec un seul objectif, l'intérêt du pays. C'est notre objectif.

"C'est au Parlement de proposer des réponses aux revendications du 10 septembre"

Les Français sont inquiets, vous le savez. Il y a une journée de mobilisation qui se prépare le 10 septembre prochain. 'Bloquons tout, bloquons le pays, rien ne va, c'est la paralysie'. Qu'est-ce que vous dites ? Vous êtes inquiets ? Vous voyez un début de mouvement comme les Gilets jaunes ?

D'abord, l'analyse du mouvement, c'est que ceux qui vont s'y associer sont assez différents de ceux qui étaient Gilets jaunes. Mais qu'est-ce qui va se passer ? Quelles sont les propositions derrière le 10 septembre ? Cette réalité-là, c'est aussi un message que nous devons entendre, parce que je peux comprendre un certain nombre de choses, mais, pardonnez-moi, c'est au Parlement, de proposer un certain nombre de réponses. C'est ce que nous entendons faire et ce que nous ferons.

Vit-on une crise politique, une crise de régime ?

Non, pas une crise de régime. Je pense que la Ve République a des institutions solides. Naturellement, c'est une crise politique. Et dans cette crise politique, le rôle du président de la République est un rôle tout à fait essentiel dans nos institutions. Le rôle des présidents d'Assemblée est aussi un rôle important. Voilà pourquoi je tiens tant à ce que le Sénat joue son rôle institutionnel.

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