Emmanuel Macron giflé : "C'est une humiliation, une manière de dire 'je suis le peuple, je te rabaisse'," analyse un historien
Selon lui, c'est la légitimité même du président qui est remise en cause, liée à une "demande de démocratie directe".
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"La gifle, en France, ça se comprend bien, c'est une humiliation, c'est une manière de dire, 'je suis le peuple, je te rabaisse'. Il y a cette dimension symbolique là", a analysé mercredi 9 juin sur franceinfo Nicolas Lebourg, historien, spécialiste de l'extrême droite européenne et chercheur au centre d'études de l'Europe latine à l'université de Montpellier après la gifle assenée mardi à Emmanuel Macron lors d'un déplacement dans la Drôme. "On vit des temps d'une grande médiocrité intellectuelle", assène l'historien qui se dit peu "optimiste". Selon lui, "on part dans une campagne présidentielle qui va être très dure".
franceinfo : Que pensez-vous du profil de l'auteur de cette gifle ?
Nicolas Lebourg : Culturellement, il a l'air d'être orienté à droite. Avec son "Montjoie Saint Denis" et le thème du déclin évoqué, on n'est pas dans l'anarchisme. Les violences chez les militants de droite sont souvent des violences interpersonnelles. C'est beaucoup plus des agressions que des affrontements donc cela correspond. Même si, bien évidemment, il faut être extrêmement prudent et ne pas tirer de conclusions hâtives.
Qu'est-ce que ça nous dit du climat actuel, est-ce qu'il y a plus de violence, moins de respect de la fonction présidentielle ?
Il y a deux choses. D'abord, concernant la violence contre les élus, il y a une enquête faite auprès des maires par le ministère de l'Intérieur en 2020 qui montre que 92 % des maires ont été victimes de menaces ou d'intimidations physiques mais que "seulement" 14 % ont été victimes de violences physiques directes. Ces violences physiques se situent à plus de 80 % dans les toutes petites communes, des communes de moins de 3 500 habitants. Ce ne sont pas des choses liées à des dynamiques de radicalisation forte, mais plus des problèmes d'incivilités.
"Au niveau du président de la République, il y a une question qui est posée dorénavant systématiquement sur la légitimité. La demande de démocratie directe, c'est un rejet de plus en plus violent de présidents qui sont élus en leur reprochant le taux de vote qu'ils ont fait au premier tour."
Nicolas Lebourg, historien, spécialiste de l'extrême droiteà franceinfo
Souvenez-vous François Hollande le mois où il a été élu président, le slogan lancé par l'extrême droite c'était "pas mon président". C'est quelque chose d'assez récurrent qui aujourd'hui frappe Emmanuel Macron, et d'ailleurs on a vu les permanences de La République en marche être nettement frappées par des dégradations depuis le mouvement des "gilets jaunes".
Comment expliquer la viralité de cette scène filmée par plusieurs téléphones, qui fait instantanément le tour des réseaux sociaux ?
C'est quelque chose de viral en communication politique. À l'extrême droite, au début du vingtième siècle, il y a un militant d'Action Française qui a giflé le président du conseil. Durant la guerre d'Algérie, il y a des militants d'un mouvement néo-fasciste qui s'appelle Jeune Nation qui ont giflé des ministres. À chaque fois, ça a fait la une des médias parce que la gifle, en France, ça se comprend bien. On appelle ça une correction. C'est une humiliation.
"La gifle, ce n'est pas la même chose qu'un affrontement, ce n'est pas un coup de tête, ce n'est pas un coup de poing. C'est essayer d'humilier, de rabaisser."
Nicolas Lebourgà franceinfo
Et en l'occurrence, là, il s'agit du président. C'est une manière de dire, 'je suis le peuple, je te rabaisse'. Il y a cette dimension symbolique là. C'est de la communication.
Y-a-t-il selon vous, une responsabilité médiatique, une culture du buzz ?
Je ne sais pas si c'est une responsabilité médiatique. J'ai plutôt l'impression que c'est toute la société qui participe de ce phénomène. On vit des temps d'une grande médiocrité intellectuelle. Dimanche, nous polémiquions sur Mohammed Merah. Lundi, c'était une vidéo pour tuer des militants de gauche. Mardi, on gifle le président qui représente la démocratie. On vit un moment de détachement de l'État de droit de manière globale. On a d'ailleurs vu beaucoup de gens être incapables de comprendre le problème qu'il y avait à une tribune de militaires qui appelaient au coup d'État, même de la part de gens qui ne sont pas des extrémistes, qui ne votent pas forcément à l'extrême droite mais qui, tout simplement, considèrent être dans le domaine de la liberté d'expression. J'ai du mal à croire qu'on puisse sortir d'une telle situation culturelle avec une telle demande désordonnée d'autorité : que les autres soient mis au pas mais qu'on nous laisse toute liberté à nous-mêmes. On part dans une campagne présidentielle qui, à l'évidence, va être très dure avec des temps politiques qui sont devenus très incertains, très mouvants, qui fait que chacun se dit qu'il peut tenter son aventure. J'aimerai être optimisme mais il n'y a pas beaucoup d'indicateurs qui y poussent.
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