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Prêt du groupe UMP au parti : le jour où Christian Jacob a éteint l'incendie

Après la révélation d'un prêt de trois millions d'euros accordé par le groupe parlementaire UMP au parti, Christian Jacob est parvenu in extremis à calmer ses troupes.

Article rédigé par Yannick Sanchez
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Christian Jacob, tient, avec le député UMP Daniel Fasquelle, une conférence de presse à l'Assemblée nationale, à Paris, le 24 juin 2014.  (THOMAS SAMSON / AFP)
Le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Christian Jacob, tient, avec le député UMP Daniel Fasquelle, une conférence de presse à l'Assemblée nationale, à Paris, le 24 juin 2014.  (THOMAS SAMSON / AFP)

Christian Jacob a eu chaud. En prêtant, en 2012, en secret, trois millions d'euros du groupe parlementaire UMP, dont il est le président, au parti dirigé par Jean-François Copé, exsangue après la campagne présidentielle, le chef des députés UMP à l'Assemblée nationale a suscité l'exaspération d'une partie de sa famille politique. Il a cependant réussi à sauver son poste. Un nouveau rebondissement dans la série des malheurs de l'UMP.  

La réunion de groupe, mardi 24 juin, a été mouvementée. Christian Jacob a eu à s'expliquer face à des parlementaires remontés et venus en nombre, "près du double" de l'affluence ordinaire, selon Philippe Gosselin, député de la Manche. Soit près de 120 personnes, sur un total de 199 députés. Bernard Accoyer, notamment, prend la parole, et demande une séparation plus nette entre le groupe et le parti, égratignant Jean-François Copé au passage. Cependant, la confiance a beau en avoir pris un coup, elle est renouvelée à "l'unanimité", selon Bernard Deflesselles, député des Bouches-du-Rhône : "Sur une vingtaine de prises de parole, pas une n’a remis en cause le soutien et le travail qu’a fait le président du groupe.”

"L'intérêt général, c'est de sauver notre famille politique"

A l'issue de cette réunion, Christian Jacob passe son deuxième grand oral de la matinée, cette fois face à la presse, devant laquelle il se présente avec trois quarts d'heure de retard. "Nous sommes au lendemain des élections législatives de 2012, si le groupe n'intervient pas à ce moment-là, c'est la cessation de paiement de l'UMP." A la collégialité, Christian Jacob préfère la discrétion. Plutôt que de consulter les membres de son groupe, il prend seul la décision du prêt.

Au pied du mur, il enfile le costume du digne protecteur du parti, qui accepte "d'assumer seul la responsabilité" et de privilégier "l'intérêt général" pour "sauver notre famille politique". Quant à savoir pourquoi Chrisitian Jacob a tu jusqu'à aujourd'hui l'existence de ce prêt, qui représente environ la moitié de la réserve parlementaire du groupe, ce dernier jure que "c'était la seule manière de le faire (...). J'ai agi comme tout président de groupe. Si je le rendais public, ça faisait la démonstration que le parti était en cessation de paiement et, à ce moment-là, les banques se retiraient, et c'était l'effondrement." 

"On est quand même au bord du gouffre"

Au sortir de la conférence de presse, Christian Jacob, qui file déjeuner avec quelques députés, paraît reprendre des couleurs. En quelques heures seulement, il vient de sauver sa place à la tête du groupe. Non sans mal. 

Il a d'abord profité des circonstances. Si le chef du groupe s'en tire si bien, c'est surtout parce qu'à l'UMP, personne n'a intérêt à broncher. "On est quand même au bord du gouffre, affirme Philippe Gosselin. Le risque d'explosion est sérieux, certains ne veulent plus payer leurs cotisations." Certains députés sont effectivement amers. "Personnellement, j'ai un peu de mal" avec ce prêt secret, déclare Lionel Tardy, député de Haute-Savoie. "Quand vous faites ça dans une association, c'est de l'abus de confiance", assène-t-il. Sauf qu'ici, c'est différent : "C'est pour la bonne cause, c'est pour le parti. (...) Il n'y a rien d'illégal parce qu'il n'y a aucune règle sur le fonctionnement des groupes parlementaires."

"On ne peut pas accepter des infractions pénales"

Surtout, Christian Jacob a dû faire quelques concessions. Acculé par les membres de son groupe, qui ont appris l'existence du prêt dans la presse, il a annoncé la mise en place d'un audit financier. Le président de la commission des finances de l'Assemblée, l'UMP Gilles Carrez, en aura la tâche. L'audit ne concernera cependant que la présidence de Christian Jacob, depuis novembre 2010, et non celle de Jean-François Copé à la tête du groupe, de 2007 à 2010.

"J'obtiens satisfaction sur les revendications qui étaient les miennes", affirme Pierre Morel-A-L'Huissier, ancien avocat en droit public et député de Lozère , qui a porté plainte auprès du procureur de la République de Paris pour "avoir accès à l’intégralité du dossier". "J'irai au bout de ma plainte, ajoute-t-il, pour que je puisse me constituer partie civile si des montages et des systèmes d'enrichissement personnel ont été faits." "On peut accepter des difficultés dans un parti, mais on ne peut pas accepter des infractions pénales", affirme l'élu de Lozère.  

Et il n'est pas le seul à refuser d'enterrer l'affaire aussi vite. Certains députés UMP veulent aller plus loin et revisiter aussi la période pendant laquelle Copé était président du groupe. Celle-là même où, d'après Le Canard enchaîné, le groupe UMP a commencé à passer des contrats avec Bygmalion, dirigée par des proches de Jean-François Copé. Contrats qui auraient atteint 5,5 millions d'euros entre 2008 et 2013.

Aujourd'hui, Christian Jacob a affirmé que la situation du groupe était "parfaitement saine". Mais il n'explique cependant pas pourquoi le groupe parlementaire n'a, pendant toute cette période, eu aucun trésorier. Erreur réparée : ce sera Bernard Deflesselles. 

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