Réponse du Hamas, retrait militaire israélien, gouvernance… Pourquoi le plan de paix de Donald Trump à Gaza reste fragile

Le plan en 20 points, approuvé par le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et salué par la communauté internationale, est suspendu à la réponse du Hamas.

Article rédigé par Paolo Philippe
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Benyamin Nétanyahou et Donald Trump après l'annonce d'un plan pour la fin du conflit à Gaza, le 29 septembre 2025 à Washington (Etats-Unis). (ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP)
Benyamin Nétanyahou et Donald Trump après l'annonce d'un plan pour la fin du conflit à Gaza, le 29 septembre 2025 à Washington (Etats-Unis). (ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP)

Donald Trump va-t-il mettre fin à la guerre à Gaza ? Le président américain a présenté à Washington, lundi 29 septembre au soir, son plan pour mettre fin au conflit qui ravage l'enclave palestinienne. Ce projet, accepté par le Premier ministre Benyamin Nétanyahou et suspendu à la réponse officielle du Hamas, comporte 20 points.

Parmi les éléments majeurs de ce plan figurent la fin "immédiate" de la guerre dans la bande de Gaza, un retrait par étapes des forces israéliennes et le désarmement du mouvement islamiste palestinien, ainsi qu'une transition politique présidée par les Etats-Unis. Mais cet accord, salué par la communauté internationale, comporte néanmoins de nombreuses incertitudes. Franceinfo vous explique pourquoi, malgré les espoirs qu'il suscite, la prudence reste de mise.

Parce que le Hamas devrait accepter ce qu'il a toujours considéré comme une "reddition"

Le plan va-t-il être accepté par le Hamas ? Si le Qatar, médiateur très présent dans les négociations, a dit que le mouvement palestinien allait étudier ce plan "de manière responsable", le Hamas n'a pas encore donné de réponse officielle, alors que le projet prévoit un arrêt du conflit et son désarmement.

"Leur voie est très étroite, mais il est difficile d'imaginer le Hamas accepter le plan sans proposer certaines modifications", estime auprès de franceinfo Jean-Paul Chagnollaud, président de l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient (IReMMO). Selon le professeur émérite des universités, "accepter cet accord en rendant les armes et sans retrait de l'armée israélienne", ce qu'a toujours exigé le Hamas, serait pour lui synonyme de "reddition".

Les marges de négociations apparaissent néanmoins limitées pour le Hamas, rappelle à franceinfo David Rigoulet-Roze, chercheur à l'Institut français d'analyse stratégique. Le "blanc-seing de Donald Trump", pour qu'Israël "termine le travail" en cas de refus du Hamas, selon les mots de Benyamin Nétanyahou, "met une pression énorme sur le Hamas", estime-t-il. Les membres du Hamas, qui sera exclu de la gouvernance temporaire présidée par les Etats-Unis, pourront en revanche bénéficier d'une amnistie s'ils rendent les armes et acceptent une "coexistence pacifique" avec Israël. Selon Jean-Paul Chagnollaud, cette proposition "constitue un point de discussion intéressant (…) même s'il est difficile d'imaginer un Hamas démilitarisé se retirer" avec l'amnistie.

Donald Trump a posé un ultimatum aux dirigeants de la formation islamiste, mardi après-midi. "Nous allons donner environ trois ou quatre jours. Nous verrons bien, a déclaré le président américain dans un court échange avec la presse à la Maison Blanche. Tous les pays arabes sont d'accord, les pays musulmans sont d'accord, Israël est d'accord. Nous n'attendons que le Hamas. Et le Hamas acceptera ou n'acceptera pas. Et s'il n'accepte pas, cela se finira de manière très triste." Il a assuré que le Hamas "expiera en enfer" s'il rejette son plan pour Gaza.

Parce que le retrait de l'armée israélienne ne sera pas total

Le point numéro 3 du plan prévoit "un retrait par étapes" de l'armée israélienne de la bande de Gaza. Le repli des militaires, qui contrôlent plus de 80% de l'enclave palestinienne, s'effectuerait en trois étapes, selon un document de la Maison Blanche transmis à des journalistes. L'Etat hébreu devra effectuer un premier retrait une fois que les otages auront été libérés (sous les soixante-douze heures suivant l'accord), avant un second plus prononcé lorsque la force de "stabilisation" internationale sera déployée à Gaza. Les forces israéliennes devront effectuer un dernier retrait dans un troisième temps, tout en gardant le contrôle des frontières de l'enclave, dont celle partagée entre le territoire palestinien et l'Egypte.

L'absence de calendrier, en plus du retrait partiel de l'armée israélienne, apparaît comme "une fragilité du plan", estime Jean-Paul Chagnollaud. En janvier, "le précédent accord de cessez-le-feu prévoyait plusieurs phases, tandis que ce plan ne dispose d'aucun calendrier, à l'exception des otages", note le président de IReMMO, qui y voit des conditions qui "servent les intérêts israéliens". David Rigoulet-Roze estime que cette absence de calendrier pourrait "complexifier" certaines clauses du plan, tout en jugeant que les "fragilités" de cet accord, "solide et crédible", "ne portent pas sur son fondement, mais sur les modalités de sa mise en œuvre".

Ce projet provoque par ailleurs des remous au sein même du gouvernement israélien. Le ministre d'extrême droite Bezalel Smotrich, un partenaire clé de la majorité du Premier ministre, l'a qualifié d'"échec diplomatique retentissant" pour Israël. "Ce plan, que Benyamin Nétanyahou a accepté, ne changera pas ses orientations stratégiques, prévient Jean-Paul Chagnollaud. Si le Hamas ne l'accepte pas ou impose trop de conditions, cela va faire son jeu et lui permettre de continuer la guerre." L'armée israélienne "restera dans la majeure partie de la bande de Gaza", a d'ores et déjà prévenu le Premier ministre israélien dans une vidéo publiée mardi matin sur son compte Telegram et rendant compte de sa visite à Washington.

Parce que de nombreux points restent encore flous

Qui dirigera la bande de Gaza et comment sera-t-elle sécurisée ? Difficile pour l'heure de répondre avec précision à ces deux questions. Le gouvernement temporaire prévu par la proposition américaine doit être placé sous la supervision d'un "comité de la paix". Celui-ci serait présidé par Donald Trump lui-même et l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair doit y jouer un rôle.

L'Autorité palestinienne, qui exerce actuellement une administration limitée sur certaines zones de Cisjordanie, devrait, elle, se mettre en retrait selon le plan de Donald Trump, mais pourrait jouer un rôle à plus long terme. Le Premier ministre israélien a prévenu qu'elle n'aurait "aucun rôle à jouer" à Gaza si elle n'entamait pas "par une transformation véritable et radicale", sans préciser le programme de réformes attendues.

Parmi les points clés du plan, les Etats-Unis travailleront avec des "partenaires arabes et internationaux pour mettre en place une Force internationale de stabilisation qui doit être immédiatement déployée à Gaza". Mais la composition de cette force n'a pas encore été dévoilée, tout comme ses moyens d'action.

Le plan stipule également qu'à terme, "les conditions pourraient enfin être réunies pour ouvrir une voie crédible vers l'autodétermination et la création d'un Etat palestinien". Sur ce point encore, Benyamin Nétanyahou a douché les espoirs, en réponse à la question de savoir s'il avait "accepté un Etat palestinien". "Pas du tout, et ce n'est pas écrit dans l'accord", a lâché le chef du gouvernement israélien, "mais une chose a été clairement dite [au cours des discussions avec Donald Trump] : nous nous opposerons fermement à un Etat palestinien".

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