Gendre de Donald Trump, homme d'affaires connecté, négociateur discret... Comment Jared Kushner a fait son grand retour en marge de l'accord de cessez-le-feu à Gaza

L'époux d'Ivanka Trump, la fille aînée du président américain, a été appelé en renfort pour décoincer les négociations entre le Hamas et Israël. Un retour au premier plan qui représente de multiples enjeux pour ce diplomate branché business.

Article rédigé par Pierre-Louis Caron
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
L'homme d'affaires Jared Kushner et sa femme, Ivanka Trump (à droite), lors de l'investiture présidentielle de Donald Trump à Washington (Etats-Unis), le 20 janvier 2025. (SHAWN THEW / AFP)
L'homme d'affaires Jared Kushner et sa femme, Ivanka Trump (à droite), lors de l'investiture présidentielle de Donald Trump à Washington (Etats-Unis), le 20 janvier 2025. (SHAWN THEW / AFP)

Un "come-back" comme seule la famille Trump en a le secret. Très discret sur la scène politique depuis l'investiture de Donald Trump fin janvier, Jared Kushner, gendre du président américain, a créé la surprise en s'envolant mercredi 8 octobre pour Charm el-Cheikh (Egypte), afin de participer aux négociations indirectes entre Israël et le Hamas sur la guerre à Gaza. Avec ce déplacement scruté de près, qui a débouché sur l'annonce d'un cessez-le-feu dans la nuit de mercredi à jeudi, l'homme d'affaires de 44 ans a signé un retour très médiatique aux côtés d'un autre milliardaire apprenti diplomate, l'émissaire présidentiel Steve Witkoff

Déjà chargé du conflit israélo-palestinien lors du précédent mandat de Donald Trump (2016-2020), parmi ses multiples dossiers en tant que conseiller présidentiel, Jared Kushner avait ensuite annoncé son retrait de la vie publique pour se concentrer sur la finance. Et c'est précisément grâce à ses relations d'affaires qu'il était bien placé, selon Washington, pour faire avancer les négociations sur Gaza. Sans oublier de protéger, au passage, ses intérêts personnels.

Aussi proche d'Israël que des pays du Golfe

Pour négocier au Moyen-Orient, Jared Kushner peut compter sur son réseau solide. Marié à Ivanka Trump depuis 2009, l'investisseur est le fils du promoteur immobilier Charles Kushner, que Donald Trump a d'ailleurs récemment nommé ambassadeur des Etats-Unis en France. Issu d'une famille juive de New York, Jared Kushner est aussi réputé proche du Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, comme le rappelle France 24. Son père entretient des relations amicales de longue date avec le chef du gouvernement israélien.

Fin 2020, Jared Kushner s'était illustré comme négociateur en participant aux discussions préalables à la signature des accords d'Abraham, qui avait apaisé les relations entre Israël, les Emirats arabes unis et Bahreïn. Mais il n'était pas parvenu à faire accepter le plan de paix que Donald Trump baptisait à l'époque le "deal du siècle", lequel consistait en une série de mesures économiques et politiques, dont une aide de 50 milliards de dollars afin de consolider un Etat palestinien, sans remettre en cause les colonies israéliennes en Cisjordanie. 

A la fin du premier mandat de son beau-père, Jared Kushner s'était détourné de l'immobilier, qui a fait la fortune du clan Trump, pour se concentrer sur son nouveau fonds d'investissement, Affinity Partners. Pour l'homme d'affaires passé par les sphères diplomatiques, le mélange des genres s'est avéré payant : des financiers originaires du Qatar, des Emirats arabes unis, tout comme le fonds souverain d'Arabie saoudite, ont placé plusieurs milliards de dollars entre les mains de sa firme. 

Jared Kushner et sa femme, Ivanka Trump, lors d'une visite officielle au Palais royal de Riyad (Arabie saoudite), le 20 mai 2017. (BANDAR AL-JALOUD / SAUDI ROYAL PALACE)
Jared Kushner et sa femme, Ivanka Trump, lors d'une visite officielle au Palais royal de Riyad (Arabie saoudite), le 20 mai 2017. (BANDAR AL-JALOUD / SAUDI ROYAL PALACE)

Dans son répertoire, Jared Kushner a d'ailleurs une ligne directe pour joindre le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, dont il chante régulièrement les louanges. "Je pense que c'est un dirigeant visionnaire. Ce qu'il a fait dans la région est extraordinaire", déclarait-il notamment en février 2024 lors d'une conférence à Miami (Etats-Unis), comme l'a rapporté la BBC. Une proximité renouvelée fin septembre, lors du rachat du géant des jeux vidéo Electronic Arts par un consortium mêlant les pétrodollars saoudiens, le fonds de Jared Kushner et d'autres investisseurs américains.

Une diplomatie mêlée d'intérêts économiques

Fidèle à la stratégie du "deal" impulsée par son beau-père dans tous les domaines, y compris la diplomatie, Jared Kushner ne cherchait-il pas aussi à protéger ses propres intérêts en allant négocier en Egypte ? L'homme d'affaires "a été convaincu de prendre un rôle plus visible dans les négociations de paix après la tentative israélienne d'assassinat des négociateurs du Hamas au Qatar" survenue le 9 septembre, selon Scott Lucas, professeur de relations internationales à l'université de Birmingham, cité par France 24. Pour le spécialiste, les craintes causées par cette opération ont ainsi poussé Jared Kushner à faire pression sur Benyamin Nétanyahou, par l'intermédiaire de Donald Trump, pour relancer les négociations de paix. 

En plus de préserver un climat d'affaires favorable avec ses partenaires du Golfe, la fin des combats dans la bande de Gaza pourrait, pour le quadragénaire, ouvrir de nouvelles perspectives d'investissements. Jared Kushner est en effet un promoteur énergique de la vision de Donald Trump pour l'enclave dévastée, à savoir sa transformation en destination touristique de luxe bordée par la Méditerranée. En février 2024, quelques mois après les attentats du 7-Octobre et le lancement de l'offensive israélienne sur Gaza, le gendre du président américain proposait de "nettoyer" ce territoire en envoyant les Palestiniens vers l'Egypte ou le désert du Néguev (sud d'Israël). "Le front de mer de Gaza pourrait avoir beaucoup de valeur", déclarait-il alors, comme l'a rapporté le Guardian.

L'un des visuels du plan "Great" présenté à Donald Trump et révélé par le "Washington Post" fin août 2025, censé montrer la bande de Gaza après la guerre. (FRANCEINFO)
L'un des visuels du plan "Great" présenté à Donald Trump et révélé par le "Washington Post" fin août 2025, censé montrer la bande de Gaza après la guerre. (FRANCEINFO)

Fin août, le Washington Post révélait que Jared Kushner était loin d'avoir lâché cette idée, et qu'il a même été l'un des concepteurs du plan "Great" présenté à Donald Trump pour "réimaginer Gaza". Au menu de ce document : la création d'une "zone économique spéciale" pour développer "10 méga-projets" sous l'égide des Etats-Unis. Une liste de mesures qui font la part belle aux amis du clan Trump et de Jared Kushner, comme la construction d'une autoroute et d'un tramway nommé en l'honneur des dirigeants saoudiens, une zone industrielle "Elon Musk"... Sans oublier un complexe hôtelier "Trump" implanté sur la côte de l'enclave et sur des îles artificielles, "similaires à Dubaï".

Reste à savoir si cette approche résolument économique pèsera ou non dans la poursuite des négociations pour une paix durable dans la bande de Gaza, où la situation humanitaire catastrophique, la présence du Hamas ou encore la volonté de consolider un Etat palestinien sont autant de sujets éminemment politiques. 

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