Menaces d'Israël, rôle à venir du Hamas... Pourquoi la reconnaissance de l'Etat de Palestine n'est que le début d'un processus incertain

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un drapeau palestinien brandi lors d'une manifestation Place de la République, à Paris, le 21 septembre 2025. (JEROME GILLES / AFP)
Un drapeau palestinien brandi lors d'une manifestation Place de la République, à Paris, le 21 septembre 2025. (JEROME GILLES / AFP)

La décision de plusieurs pays dont l'Australie, le Royaume-Uni et la France de reconnaître cet Etat interroge sur la suite des négociations concernant la guerre à Gaza et sur la gestion des territoires palestiniens.

Un geste historique, aux conséquences encore floues. Lundi 22 septembre, le président français Emmanuel Macron a officiellement reconnu l'Etat de Palestine depuis le pupitre de l'Assemblée générale de l'ONU, emboîtant le pas aux dirigeants australien, britannique, canadien et portugais. Pour la première fois, des pays membres du G7 (qui regroupe sept des principales économies mondiales) – ici la France, le Canada et le Royaume-Uni – reconnaissent ainsi cet Etat. Mais que cela peut-il changer concrètement pour la Palestine ?

Plus de 150 pays sur les 193 membres des Nations unies reconnaissent désormais cet Etat, dont de grandes puissances, comme la Chine, l'Inde et la Russie (depuis 1988), mais aussi la quasi-totalité des pays africains et sud-américains, ainsi qu'un nombre croissant de pays en Europe. Pour les derniers Etats ayant rejoint la liste, cette décision vise surtout à relancer les efforts de paix. Sauf que dans le camp israélien, où se trouvent notamment les Etats-Unis, ces décisions sont vertement critiquées. Au point de laisser craindre un blocage des négociations, voire un regain de tensions autour des territoires palestiniens. Voici pourquoi.

Parce qu'il s'agit d'une décision essentiellement symbolique

A ce stade, les pays qui ont reconnu la Palestine ces derniers jours se limitent à la déclaration d'intention. Ni le Canada, ni le Royaume-Uni, ni même la France n'ont annoncé l'ouverture d'une ambassade ou encore la reconnaissance d'une capitale palestinienne par exemple. Les dirigeants de ces pays semblent d'abord vouloir afficher, de façon plus claire, leur soutien à une solution à deux Etats, "l'unique voie vers la paix et la sécurité durable pour les peuples palestiniens et israéliens", comme l'a présentée le Premier ministre australien Anthony Albanese.

L'idée derrière ces actes de reconnaissance est également de faire pression sur Israël, alors que la guerre dans la bande de Gaza dure depuis quasiment deux ans. Comme l'expliquait le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Christophe Lemoine, sur franceinfo à la fin du mois de juillet, la France entend "maintenir une pression sur Israël pour que cessent ces opérations [et] pour que l'aide humanitaire puisse à nouveau entrer librement" dans l'enclave palestinienne.

L'arrêt des combats dans la bande de Gaza est d'ailleurs mentionné dans chacun des discours de reconnaissance prononcés ces derniers jours. "La mort et la destruction nous horrifient tous. Cela doit cesser", a notamment réclamé le Premier ministre britannique Keir Starmer, déplorant "des dizaines de milliers de personnes tuées" par l'armée israélienne, y compris des civils palestiniens "qui tentaient de trouver de la nourriture ou de l'eau".

Malgré la reconnaissance comme Etat d'une majeure partie de la communauté internationale, la Palestine peine pour l'instant à réunir certaines "conditions de formation d'un Etat (population, territoire, autorité gouvernementale)", comme les liste le professeur en droit public Béligh Nabli, cité par Le Monde. Son territoire aux frontières de 1967 est en effet occupé militairement ou en guerre avec Israël, et l'Autorité palestinienne en charge de la Cisjordanie ne gouverne pas à Gaza.

Parce que le Hamas n'est pas désarmé dans la bande de Gaza

Dans leurs discours, les chefs d'Etat et de gouvernement qui se sont exprimés dimanche et lundi posent aussi une condition majeure dans leur reconnaissance de la Palestine : la neutralisation du Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007 et responsable des attaques terroristes du 7 octobre 2023 en Israël. L'organisation islamiste "ne peut avoir aucun avenir (...) aucun rôle au sein du gouvernement, aucun rôle dans la sécurité" de la Palestine, a réclamé Keir Starmer. "Le Hamas a volé le peuple palestinien, l'a privé de sa vie et de sa liberté et ne peut en aucun cas dicter son avenir", a déclaré pour sa part le Premier ministre canadien Mark Carney.

A la place, c'est l'Autorité palestinienne, au pouvoir en Cisjordanie occupée, qui est désignée par ces dirigeants comme l'interlocuteur à privilégier. Emmanuel Macron et Keir Starmer ont d'ailleurs récemment écrit une lettre chacun à son président, Mahmoud Abbas. Mais cette entité est appelée à réformer sa gouvernance, avec notamment "la tenue d'élections générales en 2026 auxquelles le Hamas ne pourra participer, et la démilitarisation de l'Etat palestinien", précise le Canada.

De son côté, la France suit cette ligne et explique par ailleurs qu'elle n'ouvrira pas d'ambassade en Palestine tant que les otages capturés lors du 7-Octobre ne sont pas libérés. "Cette condition est la première d'une série de préalables que nous allons défendre au sein du processus de paix", avait posé Emmanuel Macron dans un entretien diffusé dimanche par la chaîne américaine CBS.

Parce que le gouvernement israélien envisage des représailles

Réagissant aux déclarations de reconnaissance, Benyamin Nétanyahou a verrouillé sa position. "J'ai un message pour vous : il n'y aura pas d'Etat palestinien à l'ouest du Jourdain ! J'ai empêché pendant des années la création de cet Etat !" a lancé le Premier ministre israélien, dans une vidéo diffusée dimanche sur ses réseaux sociaux, désignant aussi bien la Cisjordanie que la bande de Gaza, à l'ouest du fleuve mentionné. Avant d'assurer qu'Israël va "continuer à implanter des colonies juives en Cisjordanie".

Deux de ses ministres d'extrême droite, Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich, ont même appelé à annexer la Cisjordanie occupée, expliquant à la presse israélienne qu'ils allaient soumettre ce projet dans la semaine. De quoi compliquer la reconnaissance de l'Etat de Palestine, tout du moins de son territoire, alors que près d'un demi-million de colons israéliens vivent déjà en Cisjordanie. Face à ces menaces, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé à "ne pas nous sentir intimidés par le risque de représailles, parce que, quoi que nous fassions, ces actions vont continuer".

Au niveau de l'ONU, le processus d'intégration de la Palestine comme Etat membre reste tout aussi incertain, malgré la reconnaissance officielle d'une majorité de pays. Seul un vote favorable du Conseil de sécurité peut offrir ce statut à la Palestine, qui est pays observateur non-membre depuis 2012. Mais comme le précisent les Nations unies sur leur site, au moins 9 des 15 membres de ce conseil doivent voter pour, "dont l'ensemble des cinq membres permanents". Parmi ces pays, tous reconnaissent l'Etat de Palestine, sauf un : les Etats-Unis, principal soutien militaire et politique du gouvernement de Benyamin Nétanyahou.

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