Rencontre Trump-Zelensky à Washington : pourquoi l'Europe s'est invitée à la table des négociations
Plusieurs dirigeants européens de premier plan se rendent à Washington, alors que le président américain presse Kiev d'accepter des concessions après son sommet avec Vladimir Poutine en Alaska, vendredi.
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Une rencontre charnière pour l'Ukraine, mais aussi pour l'Europe. Trois jours après la rencontre entre le président américain Donald Trump et son homologue russe Vladimir Poutine, marquée par des échanges "constructifs" autour de la guerre en Ukraine, les Européens ont décidé de s'inviter dans la discussion entre Kiev et les Etats-Unis à la Maison Blanche, lundi 18 août.
Volodymyr Zelensky se présente ainsi à Washington accompagné d'une délégation européenne comprenant Emmanuel Macron, le chancelier allemand Friedrich Merz, le Premier ministre britannique Keir Starmer, la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, le président finlandais Alexander Stubb, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, et le secrétaire général de l'Otan Mark Rutte.
"J'espère que notre force conjointe avec l'Amérique [et] nos amis européens contraindra la Russie à une vraie paix", a souligné, lundi, Volodymyr Zelensky sur X. Si, en février, Donald Trump avait publiquement humilié le chef d'Etat ukrainien lors d'une rencontre à Washington, les Européens ont cette fois choisi de l'accompagner. "Leur présence vise à empêcher que [Volodymyr] Zelensky ne soit à nouveau isolé face au gouvernement américain et à montrer que l'Ukraine ne négocie pas seule", analyse David Teurtrie, spécialiste de la Russie et maître de conférences en géopolitique à l'Institut catholique d'études supérieures (Ices). Franceinfo vous explique pourquoi l'Europe tenait absolument à être représentée.
Parce qu'elle ne veut pas d'une paix imposée
Dans les capitales européennes, la ligne directrice est claire : Moscou et Washington ne doivent pas fixer seuls les conditions de la paix en Ukraine, explique David Teurtrie. "Ce qui est en jeu, c'est à la fois une question de principe et l'avenir du pays", ajoute le géopolitologue. Mais au-delà de la question ukrainienne, les Européens redoutent aussi une remise en cause durable du droit international. "Un compromis bâclé signifierait un retour à une ère dans laquelle l'on envahit son voisin, on lui ôte des territoires, et ensuite, on fait entériner ça par la diplomatie", souligne Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur associé à l'Institut Thomas More.
Ce principe est d'autant plus sensible que le président américain a relancé l'idée d'un échange de territoires en juillet, suggérant à Volodymyr Zelensky la cession du Donbass comme condition d'un accord, rappelle le chercheur. "Le président ukrainien peut mettre fin à la guerre avec la Russie presque immédiatement s'il le veut, ou il peut continuer à combattre", a à nouveau averti, dimanche, Donald Trump sur son réseau Truth Social, en appelant Kiev à renoncer à certaines exigences. Pour le président américain, il n'est "pas question" pour l'Ukraine de récupérer la Crimée annexée en 2014 ni d'entrer dans l'Otan.
Parce qu'elle entend peser sur les négociations
En se déplaçant à Washington, la délégation européenne entend également demander à Donald Trump "jusqu'à quel point" il compte se participer aux garanties de sécurité apportées à l'Ukraine, a précisé Emmanuel Macron. Les Européens souhaitent notamment "rappeler qu'il n'est pas souhaitable que les questions de sécurité en Europe soient négociées sans leur participation", souligne David Teurtrie. Selon le chercheur, leur présence vise à éviter la marginalisation du Vieux Continent, tant sur le plan militaire que diplomatique.
"C'est une manière de dire à Washington : 'Nous sommes là, nous ne serons pas mis de côté'", ajoute Oksana Mitrofanova, chercheuse senior à l'Institut d'histoire mondiale de l'académie nationale des sciences d'Ukraine et enseignante à l'université Jean-Moulin de Lyon. Pour Jean-Sylvestre Mongrenier, "si l'Europe accepte que la Russie dicte ses conditions en Ukraine, elle se condamne à une subordination stratégique pour des décennies".
En participant aux négociations depuis la Maison Blanche, les Européens souhaitent également rappeler leur engagement dans la guerre en Ukraine, explique l'enseignante-chercheuse. Depuis 2022, certains pays comme l'Allemagne, la Pologne ou la France, ont engagé des hausses inédites de leur budget de défense, rappelle une étude du Stockholm international peace research institute, spécialisé dans la recherche sur les conflits. "On a parfois tendance à sous-estimer ce que fait l'Europe, mais l'effort collectif est considérable", note David Teurtrie. "Si les Etats-Unis arrêtaient leur aide militaire, je ne suis pas sûre que les Européens aient la capacité de remplacer intégralement Washington", nuance toutefois Oksana Mitrofanova.
Parce qu'elle souhaite que Kiev obtienne des garanties de sécurité plus claires
Au cœur des discussions qui préoccupent les Européens figure aussi la question des garanties de sécurité pour Kiev. Donald Trump a évoqué la possibilité d'un dispositif inspiré de l'article 5 de l'Otan, selon lequel une attaque contre un membre équivaut à une attaque contre tous, rapporte Reuters. Mais le président américain a toujours exclu l'adhésion de l'Ukraine à l'alliance transatlantique, et aucune précision n'a été donnée sur la manière dont une telle protection pourrait s'appliquer. "Si ces promesses ne s'accompagnent pas de mécanismes clairs, elles risquent d'être illusoires", prévient Oksana Mitrofanova. Une inquiétude partagée par l'Europe, selon les chercheurs interrogés par franceinfo, qui rappellent que les menaces de Donald Trump à l'égard de Moscou ont rarement été mises en œuvre.
Pour l'enseignante-chercheuse, la délégation européenne craint notamment que Washington se contente d'"effets d'annonce" pour justifier un compromis déjà en cours de négociation avec Moscou. "On risque de se retrouver avec des garanties trop vagues, qui n'engageraient personne en cas d'agression", insiste-t-elle.
Ce besoin de garanties claires s'explique aussi par le souvenir douloureux du mémorandum de Budapest, signé en 1994, rappel Le Monde. L'Ukraine avait alors accepté d'abandonner l'arsenal nucléaire présent sur son territoire en échange d'une reconnaissance de sa souveraineté par la Russie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Un accord qui n'a pas empêché Moscou de lancer son offensive moins de vingt ans plus tard.
Pour David Teurtrie, la présence collective à Washington vise ainsi à "obtenir des détails précis" sur la nature des garanties américaines et à éviter qu'elles ne soient "qu'un habillage diplomatique destiné à faire accepter un compromis déséquilibré". "Tant que l'Europe ne sera pas capable de discuter directement avec les deux parties, elle restera dépendante des Etats-Unis" notamment pour obtenir certaines informations "cruciales" sur l'accord de paix, rappelle le maître de conférences à l'Ices.
Parce qu'elle désire mettre en scène son unité
La démonstration de force des Européens à Washington masque toutefois des divergences persistantes entre Etats membres. "Le Royaume-Uni et la Pologne poussent pour renforcer l'assistance [à Kiev], mais l'Italie ou la Hongrie freinent, redoutant l'escalade", analyse Oksana Mitrofanova. Pour Jean-Sylvestre Mongrenier, ces fractures fragilisent la crédibilité européenne : "Il existe une tension entre les Etats qui veulent contenir la Russie et ceux qui privilégient une forme d'accommodement. Tant que cette contradiction perdurera, l'Union apparaîtra comme un acteur divisé."
Ces divisions expliquent aujourd'hui le besoin pour les Européens d'afficher un front uni à Washington, alors que la Russie et les Etats-Unis jouent sur leur rapprochement. "Si l'Europe veut être crédible, elle doit dépasser ses contradictions internes", avertit David Teurtrie, jugeant également que "l'Europe restera en position de faiblesse" tant qu'elle sera incapable d'échanger aussi avec la Russie.
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