Des colis piégés, la Russie accusée... Ce que l'on sait de l'enquête sur des projets d'attaques incendiaires en Allemagne

Trois hommes ont été arrêtés ces derniers jours. Ils sont suspectés d'avoir cherché à organiser des sabotages "probablement sur ordre des autorités russes".

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Les trois hommes suspectés de préparer des attentats aux colis piégés ont été arrêtés en Allemagne et en Suisse, les 9, 10 et 13 mai 2025. (DANIEL VOGL / DPA / AFP)
Les trois hommes suspectés de préparer des attentats aux colis piégés ont été arrêtés en Allemagne et en Suisse, les 9, 10 et 13 mai 2025. (DANIEL VOGL / DPA / AFP)

L'Allemagne en état d'alerte. Trois ressortissants ukrainiens ont été interpellés et placés en détention ces derniers jours outre-Rhin ainsi qu'en Suisse, dans le cadre d'une enquête sur des projets d'attentats contre des transports de marchandises, a fait savoir le parquet fédéral allemand mercredi 14 mai. Les trois suspects ont été recrutés par "une ou plusieurs personnes agissant probablement sur ordre des autorités russes", affirme le parquet, dans le but de "commettre des attaques incendiaires et à l'explosif" à travers l'Allemagne. Voici ce que l'on sait de cette affaire, qui ravive les craintes de sabotage commandité par Moscou après des actes similaires en 2024.

Un coup de filet en Allemagne et en Suisse

Comme le retrace le parquet fédéral sur son site, une première arrestation a eu lieu le 9 mai à Cologne, dans l'ouest de l'Allemagne. Celle-ci a été suivie par une autre interpellation le lendemain à Constance, ville du sud-ouest du pays, limitrophe avec la Suisse. "Les deux hommes ont déjà été présentés au juge d'instruction de la Cour fédérale de justice de Karlsruhe et sont en détention", relate le média public Deutsche Welle.

Un troisième suspect a ensuite été appréhendé en Suisse, le 13 mai, non loin de Constance, dans le canton de Thurgovie. L'identité complète des trois hommes n'a pas été communiquée par les autorités, qui les désignent simplement sous cette forme : Vladyslav T., Daniil B. et Yevhen B., tous de nationalité ukrainienne.

Ils sont désormais accusés "d'avoir agi en tant qu'agents dans le but de commettre un sabotage" et "d'avoir déclaré vouloir commettre un incendie criminel aggravé et de provoquer une explosion". L'enquête sur ces accusations relevant du terrorisme a été confiée à l'Office fédéral de la police criminelle, sous la houlette du parquet fédéral, "en raison de son importance particulière".

Un projet d'attentat en phase de test

Dans le détail, les trois hommes "ont déclaré leur volonté de commettre des incendies criminels et des attaques à l'explosif contre des transports de marchandises", poursuit le parquet, et d'avoir comploté en ce sens "au plus tard fin mars 2025" avec "une ou plusieurs personnes" agissant pour le compte de la Russie. Aucune explosion ou incendie criminel ne leur sont reprochés, leur projet étant encore en phase de test, comme l'a expliqué le bureau du procureur fédéral.

"Les accusés devaient envoyer des colis contenant des engins explosifs ou incendiaires d'Allemagne à des destinataires en Ukraine, qui s'enflammeraient pendant le transport", a déclaré le parquet. Pour mieux connaître le réseau de transport, Vladyslav T. aurait ainsi envoyé à la fin du mois de mars à Cologne "deux colis de test contenant, entre autres, des traceurs GPS". Yevhen B. est accusé d'avoir passé la commande en question, et d'avoir, avec l'aide de Daniil B., "fourni le contenu" des paquets suspects repérés par les enquêteurs.

La Russie déjà accusée d'actes similaires

Soutien de Kiev face à la guerre que mène la Russie en Ukraine, l'Allemagne reste très vigilante face aux opérations de "guerre hybride" que Moscou est accusée de mener à travers l'Europe. Fin avril, une enquête de médias allemands détaillait comment les services de renseignement militaire russes recrutaient sur les réseaux sociaux "des agents jetables" pour commettre "des actes de sabotage" dans l'Union européenne, notamment via des colis contenant des engins incendiaires.

Les arrestations annoncées mercredi par l'Allemagne rappellent le cas du colis qui avait pris feu dans un centre du transporteur DHL à Leipzig, dans l'est du pays, en juillet 2024. En octobre, le patron du renseignement intérieur allemand, Thomas Haldenwang, avait ouvertement accusé Moscou d'être à la manœuvre. Quelques mois plus tôt, il avait déclaré à la Deutsche Welle que l'Allemagne se trouvait dans "une situation de menace comme pendant la Guerre froide".

Un contexte très tendu en Europe

Pour son premier discours depuis sa prise de fonctions le 7 mai, le nouveau chancelier allemand, Friedrich Merz, n'a pas mentionné ces arrestations, mais a dénoncé les opérations de "déstabilisation" en Europe organisées par les "dirigeants russes et de leurs complices". "Regardez les attentats à l'arme chimique et les meurtres commis dans de nombreuses villes européennes, y compris dans notre capitale, regardez les cyberattaques contre nos infrastructures informatiques, regardez la destruction physique de nombreux câbles de données et sous-marins, regardez les actes d'espionnage et de sabotage et la désinformation systématique de notre population", a-t-il listé, promettant une réponse européenne "déterminée, unie, et surtout avec une préparation défensive".

D'autres pays de l'UE s'inquiètent de possibles attaques au colis piégé, après la vague d'explosions en juillet 2024 de paquets envoyés depuis la Lituanie, qui avaient détonné en Allemagne, mais aussi à Birmingham (Royaume-Uni), et près de Varsovie (Pologne). Ce dernier pays a par ailleurs annoncé lundi la fermeture du consulat de Russie à Cracovie sur son territoire, accusant Moscou d'avoir commandité l'incendie d'un centre commercial de la capitale polonaise en mai 2024.

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