Donetsk, le difficile retour des réfugiés
VIDÉO | Les Ukrainiens s’apprêtent dimanche à voter pour élire une nouvelle assemblée, en remplacement des députés élus en 2012 sous Viktor Ianoukovitch. Une page se tourne, mais personne n’ignore que 2,5 millions d’habitants seront privés de vote : dans les zones séparatistes de l’Est, les rebelles interdisent le scrutin. A Donetsk, 350.000 personnes avaient fui ; certains reviennent.
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La gare routière de Dniepropetrovsk, au lever du soleil. Déjà fatigués par un périple de deux jours en train, Elena, 39 ans, et Serguei, 45 ans, montent avec leurs deux enfants dans un bus bondé, pour un trajet de sept heures. Direction Donetsk, leur ville, qu’ils ont quittée il y a quatre mois. Ils avaient trouvé refuge chez leur famille, à 1.500 kilomètres, à Saint-Pétersbourg.
"On est parti pour fuir la violence. Mais jamais on n'aurait pensé que ça pouvait durer si longtemps. Pas de travail, plus d’argent ici, c’est pour ça qu’on est allés passer toutes ces semaines en Russie. On rentre maintenant parce que c’est la rentrée à la fac pour notre fille aînée. L’école a repris aussi pour notre garçon de 10 ans" , explique Elena. "On va essayer de reprendre une vie la plus normale possible, mais on est hantés par cette guerre qui nous fait souffrir. On verra bien la situation sur place. Et si ça redevient trop agité, alors on prendra toutes nos affaires, on abandonnera notre appartement et on repartira définitivement en Russie, et cette fois on emmènera les parents" , ajoute Serguei.
L'angoisse au passage des barrages
Sur les derniers kilomètres du trajet, petite montée d’angoisse pour la famille : il faut passer cinq barrages avant Donetsk, ceux de l’armée ukrainienne, puis ceux des séparatistes qui tiennent la ville. Arrivé enfin au pied de l’appartement familial, tout le monde relâche la pression. Il y a l’accueil des grands-parents, très émus. Il y a le chien, super excité. Julia, la fille aînée de 19 ans savoure ces retrouvailles. "Je suis très contente de revenir malgré les combats qui continuent. Je suis ravie de rentrer à la maison. C’est là que je suis née et j’ai le sentiment.que c’est là je dois vivre. J’ai de l’espoir. Je veux y croire. Il faut juste que l’armée ukrainienne cesse son offensive. Peut-être que si j’entends des explosions j’aurai peur, mais pour l’instant j’ai l’impression que c’est calme" , confie la jeune fille.
Un calme fragile. En montant dans l’escalier de l’immeuble, on découvre des vitres brisées, à cause de l’énorme explosion survenue lundi dans une usine de munitions. L’explosion a été ressentie plus de 20 kilomètres à la ronde. L’usine de meubles pour laquelle travaillait Serguei et Elena en tant qu’ouvrier et couturière a elle aussi été en partie détruite par les obus. Elena sait que la vie va être difficile.
Kiev a suspendu les allocations
"On va forcément moins sortir, être plus vigilants. On ne retournera pas à l’usine où on travaillait car elle est près de l’aéroport au milieu des combats. Ça nous fait trop peur. Pour ce qui est des dépenses, on se serre déjà la ceinture. On a utilisé nos dernières économies pour ce voyage, on a même dû emprunter. Pour la nourriture, on ne va pas priver nos enfants. C’est nous deux qui allons-nous priver. Par exemple on ne mangera plus de viande, seulement du corne- beef avec des pâtes" , dit Elena consciente que sa vie ici va être difficile au quotidien.
Pour ajouter aux difficultés, le pouvoir central, à Kiev, a depuis le mois de juillet cessé de verser leurs allocations aux habitants de Donetsk. L’aide médicale mensuelle de 100 euros que la famille touchait pour Slava, le fils handicapé, s’est donc envolée ! Envolées aussi : les pensions de retraite des grands-parents. Un coup dur que Ludmila la grand-mère a du mal à encaisser. "Heureusement qu’on a la distribution d’aide alimentaire tous les 15 jours organisée par Rinhat Akhmetov, l’oligarque local. Dedans, il y a notamment un kilo de riz, un kilo de sarrasin, un litre d’huile. Mais on ne la reçoit que parce qu’on a plus de 65 ans. Ceux qui n’ont pas 65 ans doivent survivre comme ils peuvent" , raconte la vieille dame.
"Ils sont tous coupables"
Dans la ville, la plupart des magasins restent fermés. Les clients font la queue devant les banques. Certains habitants ont des problèmes de chauffage, d’eau courante, alors qu’on enregistre cette semaine les premières températures négatives.
Elena et Serguei repensent à leur vie telle qu’elle était il y a un an à cette même époque, et cela les rend amers. "L’Ukraine unie n’existera plus jamais. On aimerait, mais c’est impossible de revenir en arrière. Aujourd’hui on nous traite de séparatistes, alors que dans ce conflit, on est pris en otage !", s’agace Elena. Encore un ton au-dessus, Serguei tempête : "On est fatigués des uns et des autres. Ils ont cassé en quelques mois tout ce qui avait été construit en 20 ans d’indépendance. Ils sont tous coupables. Les politiciens ukrainiens nous ont abandonnés et les Russes, eux, semblent incapables de nous soutenir !"
Echapper aux violences, survivre, envisager un nouvel exode : voilà les préoccupations d’Elena et Serguei. Quand on leur demande ce qu’ils pensent des législatives de dimanche prochain, cela leur paraît dérisoire. De toute façon, à Donetsk, les séparatistes interdisent la tenue du scrutin.
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