"En ligne, c'est plus facile de ne pas se retenir" : pourquoi les Français se sentent-ils plus libres (et plus méchants) derrière leurs écrans ?
Plus de quatre internautes sur dix déclarent adopter une personnalité différente sur les réseaux sociaux, d'après une enquête de l'institut Flashs. Une tendance particulièrement marquée chez les plus jeunes.
Sommes-nous les mêmes en ligne que hors ligne ? Pas vraiment, selon l'étude intitulée "Les Français et leur vie en ligne" réalisée par l'institut Flashs pour le site Hostinger, jeudi 20 mars. Publier, liker, commenter ou simplement scroller, les réseaux sociaux se sont ancrés dans le quotidien des Français. "95% des personnes interrogées interagissent au moins une fois par mois et 67% le font tous les jours", précise Léa Paolacci, chargée d'études chez Flashs, à l'origine de l'enquête.
Mais, "plus de quatre internautes sur dix déclarent adopter une personnalité différente en ligne, une tendance particulièrement marquée chez les plus jeunes, ajoute-t-elle, et, honnêtement, on ne s'attendait pas à ce pourcentage-là." Les codes ne sont pas forcément les mêmes en ligne, où l'on se permet davantage de choses, quitte à être plus blessant mais aussi à le regretter parfois. Pour autant, "il y a vraiment une prise de conscience des effets du numérique qui pousse aussi les gens à mieux gérer leur usage", assure Léa Paolacci.
Quand les réseaux libèrent la colère
Anna, 43 ans, reconnaît parfois écrire en majuscule sur Facebook pour exprimer sa colère : "C'était plus facile de ne pas me retenir", admet-elle. Elle explique que ce sont des discussions sur Facebook "désagréables à lire" ou qui la mettent "mal à l'aise" qui la poussent à agir de la sorte. "En ligne, avec l'anonymat, c'est plus facile de ne pas vraiment penser aux gens comme des êtres humains et d'exprimer ses émotions d'une manière plus blessante."
"J'ai été plus colérique en ligne, un peu plus ouvertement."
Anna, utilisatrice de Facebookà franceinfo
Une tendance qu'Anna remarque aussi chez les autres : "C'est la même chose, je vois les gens un peu moins gentils." À l'inverse, Anna a également été la cible, plus jeune, de commentaires méchants : "J'ai été attaquée d'une manière très violente, très agressive par certaines personnes sur Facebook, je ne sais pas pourquoi." Comme Anna, 43% des Français adoptent une personnalité différente sur les réseaux sociaux, selon l'étude de Flashs.
Plus vulgaire mais aussi plus audacieux
D'après l'étude, 57% des répondants se sentent "plus libres" d’exprimer leur opinion en ligne, 55% se considèrent plus réfléchis, 48% s’expriment de façon plus directe, 38% se voient plus drôles et 14% reconnaissent être plus vulgaires. "Une certaine forme d'anonymat et la distance de l'écran permettent aux individus de jouer avec leur identité sans forcément devenir faux ou mentir. Mais on se permet plus de choses ou on agit différemment", avance Léa Paolacci de l'institut Flashs. "On peut tester différentes facettes de sa personnalité sans les contraintes du face-à-face, ajoute-t-elle. On a le temps de réfléchir avant de répondre quand on est derrière son écran. Et, plutôt que de se conformer à des attentes sociales figées, on adapte son image selon le contexte numérique, selon la plateforme."
"L'espace numérique peut être aussi un espace d'expérimentation en ligne."
Léa Paolacci, chargée d'études chez Flashsà franceinfo
Malgré tout, "les chiffres de l'étude ne révèlent pas vraiment des comportements déviants qui peuvent être rapportés au cyberharcèlement, assure Léa Paolacci, mais des comportements où on n'ose plus, qu'on soit plus audacieux, qu'on soit un peu plus vulgaire, ou alors qu'on soit aussi un peu plus réfléchi. Donc, il y a les deux versants."
Regrets, stress et crainte du jugement
Mais cette liberté en ligne comporte aussi ses revers. Anna dit ainsi regretter ses mots qui sont allés trop loin "parce qu'on sait tous que ce n’est pas bien de le faire, mais on le fait quand même". Les jeunes sont bien plus nombreux à déjà avoir regretté d'avoir publié un sentiment ou un contenu en ligne, ils sont 63% parmi les 18-24 ans, contre 28% chez les plus de 50 ans. "En tête des motifs, il y a le regard des autres, que ce soit les retours négatifs, les critiques, les mauvais commentaires, le manque de réaction, la crainte d'être jugé, explique Léa Paolacci. C'est assez fou finalement, parce que ça reflète une angoisse liée à l'univers numérique qu'on n'aurait pas forcément dans la vraie vie."
Face aux sentiments ambivalents créés par le numérique, une majorité de Français, 72%, souhaite réduire sa présence en ligne, selon l'étude Flashs. Et c'est le cas d'Élise, 23 ans, qui utilise exclusivement Instagram mais qui a mis en place un minuteur de 20 minutes par jour depuis près d'un an. "C'est vrai que ça peut être tentant de scroller mais ce timer me permet d'avoir cette limite, explique la jeune femme. Je préfère me concentrer sur ce qu'il y a à l'extérieur et vivre ma vie plutôt que d'être sur les réseaux."
D'après Léa Paolacci, il y a effectivement de plus en plus d'initiatives pour le bien-être numérique face à une certaine "saturation" liée à trop d'informations et d'interactions, qui peuvent être "épuisantes". "Masquer certains contenus ou limiter son exposition permet aussi de retrouver une forme de sérénité, développe-t-elle. Il y en a aussi qui privilégient la qualité des échanges à la quantité. Tout se fait dans l'équilibre", conclut la chargée d'étude.
Méthodologie :
Enquête réalisée par FLASHS pour Hostinger du 25 février au 1er mars 2025 par questionnaire autoadministré en ligne auprès d’un panel Selvitys de 1589 Français et Françaises âgé(e)s de 18 ans et plus, représentatif de la population française.
À regarder
-
Vagues, rafales : la tempête Benjamin a battu des records
-
Tempête Benjamin : sauvetage en pleine mer
-
Nouvelle-Calédonie : 50 détenus attaquent l'État en justice
-
Cancer : grains de beauté sous surveillance grâce à l'IA
-
La langue des signes est-elle en train de mourir ?
-
Un malade de Parkinson retrouve l'usage de ses jambes
-
Ils crient tous ensemble (et c'est ok)
-
Obligée de payer une pension à sa mère maltraitante
-
Maison Blanche : Donald Trump s'offre une salle de bal
-
Musée du Louvre : de nouvelles images du cambriolage
-
Traverser ou scroller, il faut choisir
-
Manuel Valls ne veut pas vivre avec des regrets
-
Nicolas Sarkozy : protégé par des policiers en prison
-
Piétons zombies : les dangers du téléphone
-
Tempête "Benjamin" : des annulations de trains en cascade
-
Femme séquestrée : enfermée 5 ans dans un garage
-
Vaccin anti-Covid et cancer, le retour des antivax
-
A 14 ans, il a créé son propre pays
-
Ils piratent Pronote et finissent en prison
-
Aéroports régionaux : argent public pour jets privés
-
Bali : des inondations liées au surtourisme
-
Cambriolage au Louvre : une nacelle au cœur de l'enquête
-
Alpinisme : exploit français dans l'Himalaya
-
Un objet percute un Boeing 737 et blesse un pilote
-
Cambriolage au Louvre : où en est l'enquête ?
-
Jean-Yves Le Drian défend l'image de la France
-
Chine : 16 000 drones dans le ciel, un nouveau record du monde
-
Donald Trump lance de (très) grands travaux à la Maison Blanche
-
Glissement de terrain : des appartements envahis par la boue
-
Emmanuel Macron sème la confusion sur la réforme des retraites
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter