Témoignages "Il m'avait demandé auparavant de quelle origine j'étais" : deux survivants de l'attentat raciste de Puget-sur-Argens racontent l'attaque

Article rédigé par Clémentine Sabrié
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Akif Badur, 35 ans, et Ibrahim Tepeli, 25 ans. (CLEMENTINE SABRIÉ / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Akif Badur, 35 ans, et Ibrahim Tepeli, 25 ans. (CLEMENTINE SABRIÉ / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Hichem Miraoui, 46 ans, a été assassiné dans la nuit du samedi 31 mai au dimanche 1er juin, à Puget-sur-Argens, dans le Var. Ce soir-là, Akif Badur et Ibrahim Tepeli ont également été visés.

Quelques jours après l'attaque raciste de Puget-sur-Argens qui a fait un mort, deux victimes prennent la parole. Il s'agit de deux cousins, militants kurdes, réfugiés en France : Akif Badur, 35 ans, et Ibrahim Tepeli, 25 ans. Eux et leur maison ont été pris pour cible par l'assaillant, un de leurs voisins. Akif Badur a reçu deux balles dans la main. Ibrahim Tepeli a réussi à s'enfuir. Ils sont encore sous le choc.

Akif Badur secoue de temps à autre sa main droite, entourée d'un bandage, comme pour chasser la douleur et les images violentes gravées dans sa mémoire. D'abord les trois balles tirées à travers la porte de son logement, puis son voisin qui le bloque avec sa voiture et lui tire dessus : "Juste avant de sortir, on a entendu le bruit de la voiture. Ibrahim m'a dit : 'On ne sort pas'. Mais on est quand même sorti. On est allé en face et on a vu la voiture qui était à gauche à 20 mètres. Moi, j'étais un peu en avant, contrairement à Ibrahim. Quand le voisin m'a aperçu, il a tout de suite roulé avec sa voiture vers moi. Il m'a coincé entre sa voiture et le mur. Ibrahim a pu s'enfuir, il s'est réfugié à l'intérieur."

"J'ai dit : 'Il y a un problème mon ami ?' J'ai mis mes mains devant mon visage et il a tiré."

Akif Badur

à franceinfo

"Il a tiré à nouveau quand j'ai essayé de m'enfuir. La balle a frôlé mon dos", poursuit Akif Badur. Désormais, quand il entend le bruit d'une voiture l'homme a peur. Son cousin Ibrahim, qui était là au moment des faits, est lui aussi très marqué : "Alors oui, en effet, physiquement, je n'ai peut-être rien, mais psychologiquement, je ne vais pas bien. C'est-à-dire que c'est un choc pour moi. Je me demande encore ce qu'il s'est passé."

"Pourquoi cible-t-il directement des étrangers ?"

Comme lui, Akif Badur n'aurait jamais pensé que leur voisin qui leur disait juste bonjour, bonsoir, commette un tel acte. Mais aujourd'hui, il en est sûr, il s'agit bien d'une attaque raciste : "Pourquoi il cible directement des étrangers ? Il m'avait déjà demandé auparavant de quelle origine j'étais. J'avais dit que j'étais un militant kurde et que j'avais fui mon pays à cause des discriminations et des persécutions. Aujourd'hui, je suis en France et j'ai été victime de racisme et de discrimination. Sinon, pourquoi cette personne aurait directement ciblé les étrangers ?"

Cette haine des étrangers transparaît à travers les posts de l'assaillant sur les réseaux sociaux. Pour l'avocat des deux victimes, David Andic, cet acte était prémédité et les deux cousins faisaient partie des cibles du tueur. Il demande que l'attaque soit qualifiée de terroriste : "Le droit permet et oblige à ce qu'on qualifie cette affaire de terroriste avant toute chose."

"On fait enfin une juste application du droit."

David Andic

à franceinfo

"Peut-être que le parquet national antiterroriste, conscient de ses carences et de ses défaillances par le passé, refusant de qualifier de terroriste plusieurs attentats d'extrême droite, prend enfin la mesure des phénomènes sociaux actuels et de la montée de cet extrémisme de droite", conclut l'avocat. Le parquet national antiterroriste s'est saisi des faits et a ouvert une enquête pour assassinat et tentative d'assassinat terroriste.

Témoignages recueillis à Puget-sur-Argens par Clémentine Sabrié

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