Au procès de Cédric Jubillar, deux ex-compagnes de l'accusé livrent des témoignages diamétralement opposés, mais tout aussi accablants
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"Je suis le coupable idéal, j'ai été condamné avant même le procès", a de son côté clamé l'accusé, interrogé jeudi en fin de journée par la présidente de la cour d'assises du Tarn.
L'une croit en son innocence, l'autre pas. Tour à tour, deux anciennes compagnes de Cédric Jubillar ont témoigné devant la cour d'assises du Tarn, jeudi 9 octobre. Très attendues, Séverine L. et Jennifer C. sont les dernières témoins de ce procès fleuve : toutes les deux ont été en couple avec le peintre-plaquiste de 38 ans, après la disparition de son épouse, Delphine Jubillar-Aussaguel, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020.
Les deux femmes connaissaient l'affaire quand elles ont approché Cédric Jubillar. Elles savaient qu'il était suspecté du meurtre de la mère de ses enfants, pour lequel il comparaît depuis le 22 septembre. C'est même "la curiosité" qui a poussé Séverine L. à le contacter, en avril 2021. Tout a commencé par une trouvaille, lors d'une battue organisée pour tenter de retrouver le corps de l'infirmière disparue, raconte jeudi matin à la barre cette femme de 48 ans, aux longs cheveux entièrement tressées. Elle découvre un pull dans la terre. Séverine prévient les gendarmes et contacte Cédric Jubillar. Ils décident de se rencontrer : cette mère de deux enfants habite alors près d'Albi, non loin de Cagnac-les-Mines. Le pull ne dit rien à l'artisan. Séverine L. lui propose de rester manger, puis il l'invite chez lui. Tous deux entament une relation amoureuse, qui durera deux mois.
Un portrait flatteur de l'accusé
Séverine L. affirme ne pas regretter "du tout" sa relation avec Cédric Jubillar et dit s'être rapprochée de lui "pour essayer d'en savoir un peu plus" sur l'affaire. Face à la cour, elle dresse un portrait flatteur de l'accusé. "C'est une grande gueule, un peu comme moi", dit-elle d'une voix grave. "Ce n'est pas quelqu'un de méchant, c'est pas un monstre hein". "Personne n'a dit ça", réplique la présidente, Hélène Ratinaud, du tac au tac.
A l'entendre, sa relation de deux mois fut idyllique, avec un Cédric Jubillar qui "s'occupait super bien de ses enfants", Louis et Elyah, à qui elle pu donner "deux mois d'amour". "Ça s'est super bien passé", insiste-t-elle, soucieuse de renvoyer l'image d'une relation stable et sereine. Mais, au fil de sa déposition, des contradictions émergent. La présidente lui rappelle que les gendarmes ont intercepté un échange téléphonique, au cours duquel elle confiait à un ami de Cédric Jubillar, deux jours avant son interpellation : "Il arrête pas de frapper [Louis], mais un truc de fou, il est violent !"
"Vous aviez même dit qu'il vous était arrivé de partir, parce que vous ne supportiez pas de voir cette violence", pointe la présidente. "Oui", admet Séverine L. placée face à l'incohérence de son récit.
"Je ne pense pas que c'est lui"
Séverine L. reconnaît avoir eu des doutes sur la culpabilité de Cédric Jubillar, mais, à la barre, elle précise : "Aujourd'hui, je ne pense pas que c'est lui." Pourtant, en mai 2021, l'accusé lui aurait raconté avoir caché le corps de son épouse sur un terrain où se trouvait une ferme qui avait brûlé des années auparavant. "Mais il disait ça en rigolant", ajoute la témoin. La présidente lui rappelle qu'elle avait tout de même déclaré aux enquêteurs que le peintre-plaquiste lui avait parlé d'une localisation précise, sur un chemin, près de sa maison de Cagnac-les-Mines, "où il n'y avait pas de caméras". Séverine L. dit ne pas s'en souvenir.
Fin 2021, alors qu'elle n'est plus en couple avec Cédric Jubillar, Séverine L. a été contactée par Marc-Aurèle M., surnommé "Marco", un voisin de cellule du peintre en bâtiment. Celui-ci lui rapporte avoir reçu des aveux de l'accusé, allant jusqu'à lui indiquer où était caché le corps de l'infirmière. Elle et "Marco" se verront à quatre reprises. Séverine L. reconnaît lui avoir montré des photos de l'amant de Delphine et sa femme, à sa demande.
"Je dis : 'Qu'est-ce que tu comptes en faire ?' Il me dit : 'Cédric me demande de déplacer le corps et de le mettre à Montauban, pour accuser l'amant et la compagne", rapporte-t-elle. "Mais c'était grotesque le truc, c'était n'importe quoi !", ajoute Séverine L., persuadée que "Marco" ne mettrait pas son plan à exécution. "Il me disait : 'La semaine dernière, j'ai braqué le cousin de Pablo Escobar !'", dit-elle, pour convaincre l'assemblée du manque de sérieux de "Marco". Des rires fusent dans le prétoire.
Des déclarations glaçantes rapportées
L'avocat général, Nicolas Ruff, ne rit pas. Il estime que livrer des photos à cet homme, notamment condamné pour viols avec actes de torture et de barbarie, était une manière de "créer des preuves pour disculper Cédric Jubillar". Le représentant du ministère public en profite pour lui rappeler les déclarations que l'accusé lui aurait formulées, et qu'elle a répétées aux gendarmes en audition. "C'est facile d'effacer ses empreintes, il suffit de poncer les doigts ou il faut donner un corps à des cochons : ils mangent tout, sauf les dents." Rumeur dans la salle d'audience. "Je confirme", dit-elle à la barre, penaude.
Mourad Battikh, avocat de parties civiles, lui lit une autre de ses déclarations : "Il est capable de me mentir, en me regardant droit dans les yeux : c'est un comportement qui est déstabilisant." De nouveau, la témoin confirme. "Au début où j'étais avec Cédric, il était content, car il pensait récupérer 7 000 euros d'une assurance-vie de Delphine", avait-elle également déclaré aux enquêteurs. "Oui" : Séverine L. confirme de nouveau.
Après presque trois heures de déposition, la témoin a perdu toute crédibilité. "Moi, j'ai l'impression que vous étiez convaincue qu'il était coupable, et c'est ce qui vous attirait chez lui", achève Philippe Pressecq, avocat de la cousine de Delphine Jubillar.
"Si je le trompe, je vais finir comme Delphine"
Jeudi après-midi, c'est un témoignage d'une tout autre tonalité que livre Jennifer C., en visioconférence : la jeune femme de 31 ans s'exprime depuis le commissariat d'Auch, dans le Gers. D'une petite voix, elle revient sur sa prise de contact avec Cédric Jubillar, début 2021. Tous deux correspondent uniquement par messages, s'appellent pendant des heures au téléphone. "Des échanges réguliers, quotidiens", glisse-t-elle. Elle est alors persuadée de son innocence, sans pour autant être en mesure d'expliquer pourquoi.
En juin 2021, son confident est mis en examen pour "meurtre sur conjoint" et placé en détention provisoire, au centre de détention de Toulouse-Seysses. Ils continuent de s'écrire, jusqu'en décembre de la même année, avant qu'elle coupe les ponts avec lui, ne supportant plus d'être associée à l'affaire. Elle renoue contact et décide d'aller le rencontrer pour la toute première fois physiquement, au parloir, le 9 novembre 2024. Dès lors, elle se rend à la prison "une fois par semaine à peu près, ou une fois tous les quinze jours", jusqu'en juin 2025. Peu à peu, affirme-t-elle, Cédric Jubillar s'épanche. "Une fois, il me dit que si jamais je le trompe, je vais finir à côté de Delphine. Il me dit qu'en prison, il se fait appeler 'le magicien', parce qu'il a fait ce qu'il a fait", relate Jennifer C.
"Tu peux crier toi, là ?"
Elle affirme que le peintre-plaquiste lui aurait fait des confidences sur le meurtre de Delphine au cours de "plusieurs parloirs", au printemps 2025. C'est elle qui l'aurait poussé à se livrer. "Je lui ai posé la question : 'C'est toi ?' Il m'a dit : 'Oui'. Je dis : 'Qu'est-ce que t'as fait ?' Il me dit : 'Je l'ai étranglée.'" L'homme lui aurait montré le geste sur lui-même : "Ce n'est pas avec les mains, c'est avec les bras, une clé de coude", décrit Jennifer C.
A trois reprises, il l'aurait étranglée aux parloirs, pour lui montrer que son épouse ne pouvait pas crier. "Tu peux crier toi, là ?", lui aurait-il demandé. "Il a pu être écrit dans le dossier que vous cherchiez à extorquer des informations à Cédric Jubillar, et le faire avouer", pointe l'avocat général. "Je vous dis ce que j'ai entendu, libre à vous de me croire ou pas, je ne fais que le transcrire aujourd'hui", répond-elle d'une voix molle. La jeune femme affirme n'avoir rien à gagner à le dénoncer. "J'étais plutôt stressée et angoissée de venir ici et je ne suis pas très à l'aise", souligne-t-elle. "J'ai plutôt beaucoup perdu dans cette affaire", ajoute la trentenaire, assurant vouloir "aider la famille de Delphine".
Interrogé, Cédric Jubillar minimise leur relation. Sur l'écran de la visioconférence, Jennifer C. esquisse un léger rire nerveux. Juste avant, elle déclarait qu'ils projetaient d'avoir un enfant. L'accusé dément s'être confié sur le meurtre de son épouse, avec une formule surprenante : "Je n'ai jamais reconnu l'avoir tuée."
Mourad Battikh énumère l'ensemble des personnes que Cédric Jubillar accuse de mentir depuis le début du procès. "Comment vous expliquez que tout ce monde-là mente autour de vous, sans être en contact les uns avec les autres ?", lui demande l'avocat de parties civiles. "Je suis le coupable idéal. C'est l'effet des médias. J'ai été condamné avant même le procès", considère Cédric Jubillar. Il sera questionné une dernière fois vendredi, lors d'un interrogatoire récapitulatif. Le verdict est attendu une semaine après, le 17 octobre.
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