: Témoignages Procès de Joël Le Scouarnec : pour les victimes qui n’ont pas pu assister au procès, l’impression de "ne pas faire partie de l’histoire"
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Alors que le procès de Joël Le Scouarnec se termine mercredi après trois mois d’audience, les victimes qui n’ont pas pu faire le déplacement gardent, pour certaines, un sentiment amer.
Elles n'ont pas pu voir le visage de Joël Le Scouarnec, pas pu s'asseoir aux côtés des autres parties civiles, pas pu vivre collectivement les larmes, la colère, les mains qui se posent sur une épaule après une audition difficile. Sur les 299 victimes recensées de cet ancien chirurgien, jugé depuis le 24 février 2025 devant la cour criminelle du Morbihan pour 300 faits de viols et d'agressions sexuelles commis sur des patients (quasi tous mineurs) des hôpitaux où il a exercé, la plupart n'ont pas pu se déplacer à Vannes pour suivre les trois mois de débat.
Certaines ont refusé de venir mais pour d'autres cette absence n'était pas un choix. À cause de la distance géographique, du travail, des enfants, ou de problèmes de santé, ces victimes ont été éloignées malgré elles du procès de leur vie.
Procès "au rabais"
Comme beaucoup, Sandrine n'a pu faire le déplacement que pour témoigner à la barre. Vingt-quatre heures à Vannes : trop court pour avoir le sentiment d'être reconnue comme "une victime à part entière". "J'ai l'impression que finalement je ne fais pas partie de l'affaire. Oui, j'ai déposé plainte, oui, je suis venue à l'audience le jour où j'ai été convoquée, mais c'est compliqué de dire oui, j'ai fait partie de cette histoire...", regrette la quadragénaire. Après plus de 30 ans à attendre ce procès, qu'elle voyait comme une occasion de se reconstruire, Sandrine garde plutôt de la colère à l'issue des trois mois d'audience. L'impression demeure d'un procès organisé "à la va-vite", sans prendre en compte tout le monde, et notamment ceux qui ne peuvent pas faire le déplacement, comme elle, à cause d'un travail très prenant.
Envisagée un temps, l'idée d'une webradio dédiée aux parties civiles comme pour les procès des attentats du 13 novembre 2015 ou de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice, a été abandonnée, pour ne pas alourdir encore la facture déjà lourde de 3 millions d'euros déboursés pour organiser cette audience. "On peut comprendre que ça coûte cher, mais nous, on n'y est pour rien, on n'a pas demandé à être victimes. Ça a été fait un peu au rabais. Alors que bizarrement pour d'autres procès on peut trouver des moyens plus importants", s'interroge Sandrine.
"J'étais effondrée"
Comme elle, Orianne regrette d'avoir dû se débrouiller avec les moyens du bord pour suivre les débats. Bloquée chez elle à cause de lourds problèmes de santé, elle a tenté de garder le lien grâce aux comptes rendus en direct réalisés par certains médias. Mais quand est venue l'heure de son témoignage, en visioconférence, cette mère de famille s'est sentie très seule.
"Quand l'écran s'est éteint, c'était terminé et je n'ai pas eu le droit à un psychologue pour m'aider. J'étais effondrée, je n'arrivais même plus à trouver ma voiture", raconte Orianne, qui reconnaît avoir très mal vécu les semaines d'après. Difficile aussi la perspective du verdict, qu'elle ne pourra pas suivre en direct. "J'ai toujours dit que le bout du tunnel ce serait le procès. Et qui dit procès, dit verdict. Mais le fait de ne pas entendre de la bouche de la présidente la peine prononcée c'est comme si le procès ne se terminait pas", regrette Orianne.
"Ça ne va pas clôturer mon histoire, alors que pour moi c'est un besoin vital."
Orianneà franceinfo
Elle aurait aimé une visioconférence avec les victimes "absentes" pour que tout le monde puisse entendre la lecture du délibéré. Elle a même demandé à ses avocats de mettre le haut-parleur sur leur téléphone pour pouvoir entendre ces mots, mais la loi interdit toute captation pendant une audience. Alors, comme pour la plaidoirie de ses avocates, Orianne comptera sur les médias et sur les messages des autres parties civiles sur le groupe WhatsApp qui les regroupent depuis le début du procès.
Un fil rouge entre Vannes et le reste du monde, qui a beaucoup aidé Crystel. Elle, est carrément séparée par une frontière du procès. Installée en Suisse, elle n'a pas pu venir un seul jour au procès, mais ne le regrette finalement pas tant que cela. Passé "la frustration du début", Crystel est presque reconnaissante d'avoir été maintenue à distance. "Avec le recul je me dis que ce n'est pas plus mal de ne pas avoir eu les détails des dépositions, des échanges, parce qu'il y a du contenu violent, atroce. Finalement cette distance m'a préservée de beaucoup de choses", analyse-t-elle. Des kilomètres qui ne l'ont pas empêchée de tisser des liens avec les autres victimes via les réseaux sociaux. Au final, dit Crystel, "j'ai quand même l'impression d'avoir rencontré une nouvelle famille".
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