Au procès de Joël Le Scouarnec, l'inceste au cœur du deuxième jour d'audience
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L'après-midi de mardi a été largement consacrée à l'audition de deux des trois fils de l'ancien chirurgien. Le cadet est revenu sur les viols qu'il a subis de la part de son grand-père paternel.
Quentin* l'assure : il a eu "une enfance tout à fait heureuse". Malgré "la colère" et "les émotions négatives" qu'il éprouve envers son père, cet électricien de 38 ans dit vouloir garder l'image qu'il avait de lui avant son arrestation en mai 2017. Soit la dernière fois qu'il l'a vu, le plus jeune des trois fils de Joël Le Scouarnec n'ayant pas voulu aller voir son père en détention. Ce dernier, décrit dans tous les médias comme le plus grand pédocriminel de l'histoire judiciaire française, l'écoute attentivement, assis dans son box, à quelques mètres seulement, mardi 25 février.
Maxime Tessier, l'un des avocats du septuagénaire, propose à Quentin de s'adresser à son client. Sa voix se tord immédiatement. "Je veux séparer l'homme qui est jugé du père qui a fait qu'on n'a manqué de rien. Je remercie mon père pour tout ce qu'il a pu faire pour moi", lâche-t-il, très ému. L'accusé de 74 ans se recroqueville, retire ses lunettes, et porte les mains à ses yeux : il semble pleurer. Joël Le Scouarnec craque pour la première fois, au deuxième jour de son procès.
Aujourd'hui, Quentin est le père d'un petit garçon de 3 ans et demi, qui n'a jamais vu son grand-père. De manière générale, cet introverti essaie "d'en savoir le moins possible" sur les faits pour lesquels son père est jugé, soit 300 viols et agressions sexuelles qui auraient été commis sur des patients, entre 1989 et 2014. A la barre, le trentenaire l'assure : avant 2017, il n'a jamais perçu quoi que ce soit d'étrange dans son comportement.
Pourtant, relève la présidente de la cour criminelle du Morbihan, il semble qu'il se soit éloigné de lui autour de 2004. "On peut se demander s'il n'y a pas des non-dits, des choses que vous ressentiez", avance la magistrate. "Pas que je sache. Si c'est le cas, c'est quelque part à l'intérieur de moi", rétorque Quentin, tout de noir vêtu.
Des questions qui ne sont pas posées
"Est-ce qu'il est possible que vous ayez été témoin de faits que vous avez enfouis ?", insiste la magistrate. "Je dirais que non, mais c'est une introspection qu'il faut faire pour avoir la vérité", reconnaît-il. Elle lui demande s'il a entamé un travail psychologique. "Non, jamais", dit le trentenaire. J'y ai pensé de nombreuses fois, mais au moment d'appeler, je n'ai jamais eu le courage d'y aller."
La présidente ne lâche pas, enchaîne les questions, parfois très précises, sur chaque pan de la vie familiale. Beaucoup de non-dits apparaissent. Comment explique-t-il que sa mère ne lui ait pas parlé de la perquisition des gendarmes au domicile familial en 2004, à laquelle elle a directement assisté ? "De la protection", avance-t-il, estimant que "ça ne devait pas être facile à dire". A l'époque, Joël Le Scouarnec était visé par une enquête consécutive à un signalement du FBI qui a abouti à sa condamnation un an après pour téléchargement d'images pédopornographiques. Tout ça, Quentin l'a su bien plus tard.
Lui a-t-il demandé si elle était au courant des faits reprochés à son mari ? "Non, je n'ai pas demandé", souffle-t-il. Cette mère, attendue ce mercredi à la barre, est accusée par une partie de la famille d'avoir couvert son mari pendant des décennies.
Des révélations de violences sexuelles du grand-père
Sur les faits pour lesquels Joël Le Scouarnec est poursuivi, on ne sait pas ce que Quentin connaît réellement. "J'essaye de m'éloigner un peu de tout : c'est égoïste, mais je me dis que moins j'en sais, mieux je me porte", tranche-t-il.
Il n'a appris qu'en 2017 que son frère Thomas*, le cadet de la fratrie, avait été violé à plusieurs reprises par leur grand-père paternel. Ce comptable de 42 ans, qui se présente d'emblée comme "le fils du milieu", s'avance à son tour à la barre. Il a parcouru 700 kilomètres pour venir témoigner, à contrecœur : c'est le jour de l'anniversaire de l'un de ses fils, le plus jeune, qui souffle ses quatre bougies. "J'ai même pensé à me faire dispenser par un psychologue, car je n'étais pas sûr de pouvoir le faire", confie le père de famille grisonnant. Il évoque "des fellations" imposées quand il avait "5 ans, 9 ans, 10 ans", dans "la chambre, chez moi, dans la cuisine, devant la télé, sur ses genoux". "Les images, je les aurai toute ma vie", articule-t-il.
Thomas assure que dans son enfance, il s'est senti "libre de parler de façon générale". Mais il n'a révélé les agissements de son grand-père que "vers 28 ans", lors d'une dispute qui aurait éclaté entre sa mère et lui. "C'est parti en live : elle me confie avoir été agressée sexuellement, plus jeune. J'ai dit : 'bah moi aussi'", se souvient-il. Lors de ses déclarations en procédure, il avait pourtant précisé qu'elle savait depuis plus longtemps. Il se contredit parfois, ses réponses ne sont pas toujours claires. Les dates sont souvent floues. Les explications aussi. On sent un climat confus, comme souvent dans les familles incestueuses. "Le silence se propage, même cinq années après l'interpellation de Joël Le Scouarnec", commente après cette longue journée d'audience Francesca Satta, l'avocate d'une dizaine de parties civiles.
*Les prénoms ont été modifiés.
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