"J'ai subi une mise au pilori médiatique" : au procès de Frédéric Péchier, son ex-collègue et ami contre-attaque après avoir été accusé d'être l'empoisonneur
Sylvain Serri, aujourd'hui retraité, a longtemps été proche de l'anesthésiste de 53 ans. Face aux enquêteurs, ce dernier l'a pourtant désigné comme l'auteur des empoisonnements en série pour lesquels il est jugé devant la cour d'assises du Doubs.
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Sylvain Serri est partie civile, mais Frédéric Péchier aurait voulu en faire l'accusé, et l'avait désigné comme le véritable empoisonneur. Lui aussi médecin anesthésiste, désormais à la retraite, cet homme de 67 ans a fait face à la cour d'assises du Doubs, jeudi 18 septembre. "J'ai subi un véritable pilori médiatique, pendant fort longtemps, et ma famille en a souffert", déclare-t-il en préambule, "très ému". Veste de costume bleu nuit, chemise blanche, lunettes relevées sur le crâne, il exprime une pensée pour "les victimes et leurs familles", dont une partie occupe les bancs de la salle d'audience.
Son ex-confrère, assis à sa droite, ne le lâche pas du regard : Frédéric Péchier est poursuivi pour avoir empoisonné trente patients de 2008 à 2017, dont douze n'ont pas survécu. Aujourd'hui, les deux hommes se détestent. Ils ont longtemps été de très bons amis, qui partageaient une vision commune de leur profession et une même volonté d'"optimiser" le fonctionnement de la clinique, rapporte le retraité à la barre. Ils s'invitaient à peu près "tous les deux mois", ajoute-t-il.
C'est lors d'un dîner de février 2016 entre le couple Serri et le couple Péchier que leur relation s'est envenimée. "Madame Péchier commence à nous expliquer que son mari travaille trop, qu'il faut arrêter de toujours le mettre sous pression", relate le docteur Serri. "Je pense qu'il assez grand et que s'il a quelque chose à dire, il le dira lui-même", aurait-il répondu. Avant d'ajouter que si son confrère passait beaucoup de temps à la clinique, "c'est qu'il le voulait bien". L'échange s'arrête là, la soirée se poursuit.
Frédéric Péchier ne digère pas la conversation. "Tu m'as pourri mon week-end, Nathalie veut divorcer !", lui lance-t-il le surlendemain. "Il était furax", décrit Sylvain Serri, encore médusé de la proportion prise par ses propos, même s'il reconnaît n'avoir pas été "très diplomate". Dès lors, Frédéric Péchier ne lui adresse plus la parole.
Trois morts parmi ses patients
Deux mois plus tard, "le 14 avril 2016, j'ai eu un EIG [événement indésirable grave] mortel", relate le docteur Serri. Une patiente qu'il a anesthésiée, Laurence Nicod, meurt lors d'une intervention pour une fracture de l'épaule droite après une chute de ski, à 50 ans. Une autopsie révèle un surdosage de Tramadol, un puissant antidouleur, à un taux vingt fois supérieur au seuil de toxicité, alors que cette molécule n'a pas été utilisée pendant l'acte opératoire, comme le rapporte France 3 Bourgogne-Franche-Comté. Un taux de Mépivacaïne (un anesthésique local) trois fois supérieur à la normale est également décelé.
En 2014, un autre patient de Sylvain Serri, Arnaud Dos Santos, est mort dans les mêmes circonstances : une dose très élevée de potassium a été retrouvée dans une des trois poches ayant servi à l'anesthésie. Avant un troisième "EIG", le 31 octobre 2016 : Bertrand Collette, 66 ans, meurt lors d'une pose de prothèse de hanche, victime d'un arrêt cardiaque vingt minutes après avoir été anesthésié.
Ces morts en série traumatisent le médecin, au point qu'il pense alors, comme un autre de ses confrères, à arrêter. "Quand un anesthésiste se prend un accident, il est déjà très abîmé dans la tête. On se dit : 'Pas de chance, il devait être fatigué'", explique-t-il pour illustrer le poids du "regard des autres". Au troisième, "il y a des regards de compassion, mais en même temps des doutes. C'est difficile à vivre. Il faut avoir de bons amis ou un bon mental pour avancer".
"Mais qu'est-ce qu'il se passe dans la clinique ?"
En janvier 2017, le cas de Sandra Simard, patiente miraculée d'un énième "EIG" dans la clinique, fait tout basculer : des soignants commencent à mener l'enquête. Frédéric Péchier, qui cherchait à fausser les pistes selon les enquêteurs, clame à qui veut l'entendre : "J'ai des poches [de perfusion] percées, j'ai un problème à mon bloc !" "Tout le monde se dit : 'mais qu'est-ce qu'il se passe dans la clinique ?'", se souvient le docteur Serri.
L'enquête de la police judiciaire de Besançon progresse vite : Frédéric Péchier est placé en garde à vue en mars 2017. La nouvelle se répand. Au sein de la clinique Saint-Vincent, "il y a les pro-Péchier, qui font des banderoles, une cagnotte... Et dès qu'on dit qu'on n'est pas forcément pro-Péchier, on se fait agonir", relate celui qui commençait à avoir de sérieux doutes. D'autant que Sylvain Serri est lui-même convoqué par la police, qui lui tend les résultats d'analyses toxicologiques de Laurence Nicod, sa patiente décédée l'année d'avant. "Je me dis : c'est un assassinat", lâche-t-il à la barre.
Il affirme qu'il n'a pas eu tout de suite de "franche conviction" sur la culpabilité de Frédéric Péchier. Mais qu'il a "perdu toute illusion" le jour d'une confrontation, le 28 septembre 2017, quand son ex-collègue le met nommément en cause. "Là, j'ai eu la conviction que c'était lui", souffle-t-il face à la cour d'assises du Doubs.
Toujours un accusé bis aux yeux la défense
Tout au long de sa déposition, Sylvain Serri tente de cacher son émotion. Mais l'avocate générale, Thérèse Brunisso, vient fissurer sa contenance. "Ça fait quoi d'être accusé pendant huit ans sur la place publique d'être l'empoisonneur de la clinique Saint-Vincent ?", lui lance la représentante de l'accusation avec solennité. La salle se fige. "C'est très désagréable, pas tellement pour moi, parce que... C'est lourd, pour la famille aussi", articule-t-il, la voix tremblante.
"Plusieurs éléments dédouanent totalement" Sylvain Serri, insiste l'avocate générale, alors que la défense de Frédéric Péchier l'a toujours présenté comme un coupable potentiel.
"En 43 ans d'exercice professionnel, c'est la première fois que je vois un accusé désigner publiquement une autre personne comme étant le criminel réel, ce n'est pas une pratique courante dans le monde judiciaire !"
Thérèse Brunisso, avocate généraleau procès
La défense, mise en cause par la procureure, prend le relais en début de soirée. Randall Schwerdorffer cite des auditions effectuées lors de l'enquête qui dépeignent un portrait plutôt négatif de Sylvain Serri. Il fait notamment référence à une altercation que le docteur aurait eu avec un autre médecin, avec qui le différend est allé jusqu'au Conseil de l'ordre. Ce que l'intéressé ne nie pas.
Surtout, Randall Schwerdorffer tente de faire passer l'ex-ami de Frédéric Péchier pour un accusé bis, en rappelant qu'il était présent à la clinique Saint-Vincent lors de 26 des 27 "EIG" suspects survenus dans l'établissement. Omettant de préciser que Sylvain Serri n'est pas toujours intervenu lors de la réanimation de ces patients.
"Vous avez pu mesurer comme c'est désagréable quand on est accusé publiquement. Si Frédéric Péchier est innocent, vous pouvez comprendre que c'est une souffrance ?"
Randall Schwerdorffer, avocat de la défenseau procès
"Je peux comprendre... S'il est innocent", réplique calmement Sylvain Serri. Le premier interrogatoire de Frédéric Péchier aura lieu lundi après-midi. Il "va devoir répondre à une multitude de questions qui auraient pu être posées de façon ponctuelle" lors de l'audience, "au moment où les sujets se posaient", a regretté son avocat jeudi matin. "A partir de lundi, il sera entendu toutes les semaines", a fait savoir la présidente en réponse. L'accusé de 53 ans, qui comparaît libre, a jusqu'à mi-décembre pour tenter de convaincre les jurés de son innocence, qu'il clame sans relâche depuis le début de cette affaire.
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