Troubles du sommeil, maladies, stress... Plus de 110 millions de personnes subissent la pollution sonore en Europe

Plus d'un Européen sur cinq est exposé à des niveaux de bruits nocifs pour sa santé, d'après le dernier rapport de l'Agence européenne pour l'environnement. Un chiffre qui grimpe à près d'une personne sur trois selon les seuils plus stricts de l'Organisation mondiale de la santé.

Article rédigé par Juliette Fekkar
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Le trafic routier constitue la principale source de bruit lié aux transports, selon un rapport rendu public le 24 juin 2025. (MARTIAL COLOMB / PHOTODISC)
Le trafic routier constitue la principale source de bruit lié aux transports, selon un rapport rendu public le 24 juin 2025. (MARTIAL COLOMB / PHOTODISC)

"Le bruit tue en silence." Tels sont les mots d'Eulalia Peris, experte en pollution sonore et auteure de la dernière étude de l'Agence européenne pour l'environnement (AEE), parue mardi 24 juin. Selon la spécialiste du bruit et de la santé espagnole, les risques liés à la pollution sonore restent largement sous-estimés. L'étude qu'elle a menée révèle qu'en Europe, plus de 110 millions de personnes subissent des niveaux de bruit dangereux pour leur santé. Le stress physiologique et les troubles du sommeil qui en résultent causent chaque année 66 000 décès prématurés, ainsi que 50 000 nouveaux cas de maladies cardiovasculaires et 22 000 cas de diabète de type 2.

Les enfants très vulnérables face à cette pollution

"La pollution sonore maintient notre corps dans un état constant d'alerte et détériore la qualité de notre sommeil sans qu'on s'en rende compte", explique Eulalia Peris. Cela peut provoquer des réponses physiologiques néfastes dans le corps, comme l'inflammation ou le stress oxydatif. Sur le long terme, ces réactions augmentent les risques de maladies cardiovasculaires, de diabète, d'AVC, d'obésité, de troubles cognitifs chez l'enfant et de problèmes de santé mentale.

"Des seuils de bruits très bas suffisent pour que ce soit dangereux pour la santé."

Eulalia Peris, experte en pollution sonore

à franceinfo

Les enfants sont extrêmement vulnérables face à cette pollution. Le rapport estime qu'environ 63 000 enfants présentent des troubles du comportement en raison du bruit lié aux transports. Et plus de 272 000 cas d'enfants en surpoids seraient liés à des niveaux sonores élevés.

Des risques méconnus du public

"Quand on pense à des niveaux de bruit dangereux, on pense souvent à la musique d'un concert ou aux bruits des travaux. Mais nous sommes exposés à des niveaux de bruit dangereux pour notre santé dans les villes, et très peu de personnes en ont conscience parce qu'on y est habitués", alerte Eulalia Peris.

La pollution sonore liée aux transports figure parmi les trois premières menaces environnementales pour la santé, juste après la pollution de l'air et les températures extrêmes. Mais les dangers de la pollution sonore sont loin d'être aussi connus. "Le bruit lié aux transports est chronique, contrairement à la pollution de l'air qui connaît des pics ponctuels et dont les alertes sanitaires peuvent attirer l'attention du public", constate Ian Marnane, directeur de l'unité pollution et santé de l'AEE.

Le rapport, qui repose sur les données transmises par les pays de l'Espace économique européen, mesure uniquement l'impact des bruits liés aux transports, considérés par les chercheurs comme "les plus préoccupants et les répandus". "D'autres sources de bruits, comme le fait d'avoir des voisins bruyants, sont également néfastes mais beaucoup plus individuelles", détaille Eulalia Peris. Selon son analyse, le trafic routier constitue la première source de bruit liée aux transports, exposant environ 92 millions de personnes à des niveaux supérieurs au seuil recommandé de 55 décibels (dB), contre 18 millions pour le trafic ferroviaire et 2,6 millions pour l'aérien.

Des solutions encore peu appliquées

Pour faire face à ce risque sanitaire, l'Union européenne a mis en place une directive dès 2002, qui oblige les pays à surveiller les niveaux de bruit et à produire des cartes de bruit et des plans d'action tous les cinq ans. Mais celle-ci ne fixe aucune limite contraignante. Résultat : "entre 2017 et 2022, le nombre de personnes fortement gênées par le bruit des transports dans l'UE n'a diminué que d'environ 3%" déclare le rapport. Un chiffre bien loin de l'objectif d'une baisse de 30% d'ici 2030. 

"Les progrès réalisés ne sont pas suffisants. Nous avons besoin de plus d'actions si on veut vraiment s'attaquer à ce problème", affirme Ian Marnane, qui appelle à une accélération dans la mise en place des solutions. Parmi les mesures recommandées : promouvoir les transports en commun, la marche et le vélo, créer des espaces verts et des zones tampons entre les axes de transport et les quartiers résidentiels, ou encore réduire la vitesse en ville.

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