: Cartes Pesticides dans le Nord, PFAS dans les Ardennes, nitrates dans le bassin parisien... Visualisez la pollution de l'eau potable en France

Sommes-nous tous égaux devant notre robinet ? Les résultats des analyses de l'eau potable en France tendent à démontrer le contraire. Entre les pesticides, les PFAS, les nitrates ou le perchlorate, certains territoires sont exposés de manière bien plus accrue que d'autres à une eau polluée, pouvant parfois présenter des risques pour la santé. Afin d'illustrer ce constat inquiétant, franceinfo publie, jeudi 16 octobre, des cartes réalisées par Générations futures et Data For Good à partir des données publiques sur la qualité de l'eau.

D'après les dernières analyses disponibles datant du 29 août, les eaux de certaines communes du nord, de l'est ou l'ouest de la France sont notamment concernées par d'importantes concentrations en pesticides et en nitrates. Dans la région lyonnaise, les seuils de PFAS fixés par le Haut Conseil de la santé publique sont dépassés. Les autorités se veulent pour autant rassurantes. Elles rappellent que l'eau est "l'un des aliments les plus contrôlés" en France et que sa conformité microbiologique et physico-chimique est "de l'ordre de plus de 96%".

Si l'association estime que l'eau potable est "globalement bonne en France", Générations futures alerte aussi sur "une pression toujours plus importante du fait d'activités humaines polluantes". Afin de connaître la qualité de l'eau qui alimente votre logement, franceinfo publie également un moteur de recherche, mis à jour régulièrement. Le détail des résultats, des cartes et des historiques, notamment dans les Outre-mer, est disponible sur le site Dansmoneau.fr.

Des pesticides présents surtout dans les régions agricoles du nord de la France

Qu'est-ce que les pesticides ? Dans cette carte, les pesticides regroupent à la fois les substances actives contenues dans certains produits phytosanitaires utilisés principalement dans l'agriculture, ainsi que les substances issues de leur dégradation, appelés métabolites. Leur présence dans l'eau est causée par leur ruissellement ou leur infiltration dans les sols. La majorité des apports en pesticides par l'alimentation provient cependant de la consommation de fruits et légumes.

Quels dangers présentent-ils pour la santé ? "Les effets à long terme sur la santé d'une exposition à de faibles doses de pesticides sont difficiles à évaluer", affirme le ministère de la Santé. Le dépassement de la limite réglementaire pour les pesticides dans l'eau – fixée à 0,1 microgramme par litre (µg/L) – ne signifie pas qu'il y ait un risque pour la santé. Il existe pour cela une valeur sanitaire, au-delà de laquelle l'eau est déconseillée à la consommation. Cependant, il n'y a pas assez de données pour établir une valeur sanitaire pour de nombreuses substances. Les effets "cocktails", issus de la contamination de l'eau par plusieurs pesticides, ne sont également pas pris en compte par les autorités pour le moment.

Où en trouve-t-on en France ? Les limites réglementaires des pesticides dans l'eau potable sont régulièrement dépassées dans les régions agricoles du nord de la France et dans une moindre mesure dans l'Ouest. Dans le détail, on observe notamment des concentrations élevées de chloridazone desphényl, une substance issue de la dégradation d'un herbicide utilisé principalement dans la culture des betteraves des années 1960 jusqu'en 2020. Malgré son interdiction, il reste très présent dans les réseaux d'eau du bassin agricole parisien et du nord de la France.

Des PFAS peu présents à quelques inquiétantes exceptions près

Qu'est-ce que les PFAS ? Derrière ces quatre lettres, les PFAS – ou substances per- et polyfluoroalkylées – sont une famille de produits chimiques synthétiques qui mettent énormément de temps à se décomposer. Ils sont utilisés dans de nombreux objets (textiles, emballages alimentaires, ustensiles de cuisine, cosmétiques...) pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes ou leur résistance à la chaleur.

Quels dangers présentent-ils pour la santé ? Certains PFAS peuvent avoir des effets délétères sur la santé : cholestérol, cancers, effets sur la fertilité et le développement des fœtus... La limite réglementaire fixée par l'Europe et appliquée en France est de 0,1 µg/L pour la somme de 20 PFAS. Mais le Haut Conseil pour la santé publique (HCSP) recommande d'appliquer une limite plus stricte de 0,02 µg/L pour la somme des 4 PFAS les plus préoccupants (PFOA, PFOS, PFNA et PFHxS). 

Où en trouve-t-on en France ? Difficile à dire précisément, car les PFAS n'ont été recherchés que dans moins de la moitié des réseaux d'eau de France durant ces douze derniers mois. Leur surveillance ne deviendra obligatoire qu'à partir du 12 janvier 2026. On peut tout de même noter qu'une majorité des réseaux contrôlés ne contient aucun PFAS quantifié. "Au niveau global, c'est plutôt rassurant, mais il y a des situations très localisées qui sont très problématiques et dangereuses pour la santé", analyse Pauline Cervan, toxicologue chez Générations futures. C'est le cas dans les Ardennes, où la consommation de l'eau est interdite dans une douzaine de communes, ainsi que dans la région lyonnaise, à cause des industries chimiques. Des tests sanguins vont être réalisés chez des habitants pour mesurer de potentiels impacts sur la santé.

Des nitrates localisés dans les zones agricoles du bassin parisien

Qu'est-ce que les nitrates ? Les nitrates sont des constituants naturels des végétaux, essentiels à leur développement. Ils sont donc présents naturellement dans l'eau, les sols et les végétaux en raison du cycle de l'azote. Mais ce n'est pas tout. La présence de nitrates est également liée aux activités agricoles, comme l'épandage de fertilisants azotés, ainsi qu'aux rejets des abattoirs, des laiteries et des industries chimiques et du papier, rappelle l'Anses.

Quels dangers présentent-ils pour la santé ? Après ingestion, les nitrates se transforment en nitrites dans l'organisme humain, sous l'effet de bactéries buccales. Ces derniers peuvent avoir des impacts sur la santé. Les nourrissons et les femmes enceintes sont notamment exposés au risque de méthémoglobinémie, une maladie qui empêche le transport optimal de l'oxygène dans l'organisme. Pour ces deux catégories de la population, la limite de qualité réglementaire pour l'eau potable est fixée à 50 milligramme par litre (mg/L) pour les nitrates. Au-dessus de ce seuil, il leur est déconseillé de la boire.

Où en trouve-t-on en France ? Les concentrations les plus élevées de nitrates sont presque toutes regroupées dans un large bassin agricole parisien, de Bourges jusqu'à Amiens. Au total, 167 réseaux de distribution d'eau révèlent une concentration supérieure à 50 mg/L. Ces zones sont largement consacrées à l'agriculture, notamment céréalière. Dans ces résultats, la Bretagne, pourtant très exposés aux nitrates en raison des engrais agricoles et des élevages industriels, présente peu de dépassements des limites de qualité.

Du perchlorate là où la Première Guerre mondiale a fait rage

Qu'est-ce que le perchlorate ? Les sels de perchlorate sont utilisés principalement dans les industries de l'armement et de l'aérospatial. Ils peuvent se retrouver dans l'environnement à la suite de rejets industriels, mais également dans des zones de combats de la Première Guerre mondiale. Le perchlorate reste présent dans l'eau pendant des dizaines d'années.

Quels dangers représentent-ils pour la santé ? Les perchlorates interfèrent avec le processus d'incorporation de l'iode par la thyroïde, explique le ministère de la Santé. Les personnes les plus vulnérables sont les femmes enceintes et les nourrissons. Or, il n'existe pas de limite réglementaire pour le perchlorate, ni d'obligation de les rechercher. Sur la base des avis de l'Anses, le ministère de la Santé recommande tout de même de limiter l'utilisation d'eau dont la teneur en perchlorate dépasse 4 µg/L pour la préparation des biberons des nourrissons de moins de 6 mois ainsi que la consommation d'eau à plus de 15 µg/L pour les femmes enceintes et allaitantes.

Où en trouve-t-on en France ? Les perchlorates n'ont été recherchés que dans moins de 7% des réseaux de distribution d'eau durant les douze derniers mois, principalement dans le nord de la France. Des concentrations élevées ont été relevées dans plusieurs communes du Nord-Pas-de-Calais, de Picardie et de Champagnes-Ardennes, en lien, notamment, avec les zones de combats de la Première Guerre mondiale.

Du chlorure de vinyle monomère dans certaines canalisations en PVC

Qu'est-ce que le CVM ? Le chlorure de vinyle monomère est un gaz qui provient de certaines canalisations en PVC installées avant les années 1980. Ce produit chimique peut polluer l'eau qui passe dans ces tuyaux et s'accumuler dans les eaux souterraines.

Quels dangers pour la santé ? Le chlorure de vinyle monomère est classé depuis 1987 comme étant un agent cancérogène certain pour l'homme, selon le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Ce classement se base sur des études menées en milieu professionnel, avec des expositions par voie respiratoire à de fortes doses de CVM, rappelle le ministère de la Santé. Mais selon un rapport de l'Anses (PDF), le CVM pourrait également être cancérogène "par ingestion" pour l'homme. La limite de qualité est fixée à 0,5 µg/L, seuil au-dessus duquel l'eau peut faire l'objet de restriction à la consommation.

Où en trouve-t-on en France ? Plusieurs précautions doivent être prises à la lecture de cette carte. Le ministère de la Santé ne partage en effet pas toutes les données disponibles. Seuls un quart des cas de non-conformité recensés par les ARS sont rendus publics, selon Générations futures. De plus, les contaminations de l'eau par le CVM sont très localisées, sur quelques tronçons d'un réseau de distribution seulement. Vous pouvez retrouver le détail dans notre moteur de recherche et sur le site de Générations futures. L'ONG recommande ensuite de se rapprocher de sa mairie pour savoir si votre logement est concerné par un dépassement de la limite de qualité.