: Reportage "Il n'y a pas de solution pour l'instant" : dans les Ardennes, depuis deux mois, des habitants sont privés d'eau potable, trop contaminée aux PFAS
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Il est interdit de boire de l'eau potable dans 12 communes des Ardennes et de la Meuse, qui sont loin d'être les seules concernées par une pollution aux PFAS dont il est très difficile de se débarrasser.
Plus de 3 000 habitants privés d’eau potable, depuis deux mois. Dans les Ardennes et dans la Meuse, il est interdit de boire de l’eau du robinet dans 12 petites communes depuis le mois de juillet dernier, à cause d’une pollution aux PFAS.. Ces polluants éternels peuvent causer des cancers et d'autres problèmes de santé.
À Malandry, l’une des communes concernées, les 80 habitants s’inquiètent et s’agacent. Marion y vit depuis 18 ans et, près deux mois sans se servir un verre au robinet, elle a dû prendre de nouvelles habitudes. "On va acheter des packs d'eau et des packs d'eau et des packs d'eau... Donc j'en suis à un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, énumère-t-elle. Et voilà, un budget qui est assez onéreux. Puis bon, franchement, c'est 'peulant', [c'est-à-dire] ça m'ennuie. Avant, vous ouvriez le robinet et vous aviez de l'eau dans votre verre d'eau. Là, il faut aller au magasin, il faut mettre dans le coffre ou le remettre... Mais bon, on doit attendre, on n’a pas le choix."
Attendre des réponses : l’épandage de boues d’une ancienne papeterie est-il bien la cause de cette pollution des eaux souterraines ? Et puis, il y a cette question dans toutes les têtes : depuis combien de temps les PFAS polluent l’eau ? Les premières alertes remontent à 2016. Aurore, mère de quatre enfants, âgés de 14 à 20 ans, et elle s'inquiète : "Depuis quand l'eau est-elle polluée ? Si ça fait dix ans et qu'eux boivent cette eau-là... Il ne faut pas que dans cinq ans, ils leur trouvent tous des cancers, puis qu'après on fasse le lien avec le PFAS. Ça travaille, ça travaille ! Après, maintenant, il est trop tard", se désole la mère de famille.
"Ça risque de s'éterniser"
La maire de Malandry, elle, cherche désespérément une solution, mais pas de miracle, prévient Annick Dufils : "Il n'y a pas pour l'instant de solution pérenne, donc ça risque de s'éterniser un petit peu, plusieurs mois, voire quelques années." Seule avancée pour l’instant : un test très localisé de filtre à charbon, efficace pour éliminer les PFAS. Sauf qu’il faut passer à une tout autre échelle et filtrer toute l’eau distribuée aux habitants et cela coûte très cher, trop cher. "Ça pourrait être, par exemple, une centrale au charbon actif qui serait assez salée entre le captage et le réservoir", avance la maire.
Quant à savoir à qui il revient de payer : "Les instances de l'État nous disent 'c'est à vous les communes de prendre en charge le coût financier', moi, je pense de plusieurs centaines de milliers d'euros. Alors la réponse quand on dit 'on n'a pas les moyens'. On nous dit 'faites des emprunts et augmentez le prix de l'eau, alors que je le crie haut et fort : Nous ne sommes pas responsables de cette pollution." L’élue envisage, avec les autres maires concernés, de saisir la justice, en espérant débusquer les responsables.
Un exemple de pollution aux PFAS parmi d’autres
Ces derniers mois, entre autres, des restrictions d’eau ont été instaurées dans 11 communes d’Alsace ainsi que dans un quartier de Cherbourg, dans la Manche. D'après une enquête de la cellule investigation de Radio France, sur 89 échantillons d'eau du robinet analysés, des PFAS ont été retrouvés dans plus de 40% d'entre eux, de la Haute-Garonne au Nord, de la Charente au Rhône.
En fait, ces polluants éternels sont partout. Ces molécules, dont il en existe des milliers, sont très prisées pour leur résistance et sont rejetées par l'industrie, l'agriculture mais aussi d'innombrables usages du quotidien.
Des améliorations nécessaires mais pas suffisantes
Il y a d’abord plus de transparence depuis cet été avec la carte mise en ligne par le gouvernement et consultable sur franceinfo.fr. Il s'agit de la première et elle rassemble plus de 2 millions d’analyses sur les rejets de PFAS sur 20 000 points différents. Il y a aussi une loi, également une première, qui entrera progressivement en vigueur à partir du 1er janvier prochain, pour bannir d’abord les PFAS des cosmétiques, des chaussures, des vêtements ou des farts de ski. Le principe du pollueur payeur est aussi instauré, le tarif s'élève à 100 euros pour 100 grammes de PFAS rejetés dans l’eau par les industriels.
Mais ce n'est pas suffisant pour nous débarrasser de ces substances. Notamment parce qu'il existe un gros lobby des industriels. Les polluants éternels se retrouvent jusque dans notre cuisine et dans les ustensiles, comme les poêles antiadhésives qui ont été retirées de la loi anti-PFAS. Et le problème des polluants éternels, c’est qu’ils sont, par définition, extrêmement persistants. Ils peuvent résister des centaines d'années dans la nature. Le chantier est immense et il n'existe à ce stade aucune solution réaliste pour dépolluer tout notre environnement.
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