Incendie meurtrier dans l'Aude : comment l'enquête sur le feu "le plus important depuis 1949" en France va-t-elle se dérouler ?

Quatre gendarmes spécialisés ont été dépêchés dans la commune de Ribaute pour éclaircir les circonstances du départ de feu, qui a parcouru au moins 16 000 hectares.

Article rédigé par franceinfo
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Des véhicules carbonisés par l'incendie qui a frappé Fontjoncouse (Aude), le 6 août 2025. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)
Des véhicules carbonisés par l'incendie qui a frappé Fontjoncouse (Aude), le 6 août 2025. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Origine naturelle ou humaine ? Un accident ou un acte volontaire ? Voilà les questions qui se posent alors que le parquet de Carcassonne (Aude) a ouvert une enquête pour déterminer les causes du feu de forêt qui fait rage dans l'Aude depuis mardi 5 août. A ce stade, les autorités ont encore peu de certitudes concernant cet incendie qui a parcouru plus de 16 000 hectares sur 15 communes, faisant un mort, une dizaine de blessés, et qui était "stabilisé" jeudi après-midi, selon les pompiers.

Le plus gros feu de l'été, "le plus important que la France ait connu depuis 1949", selon la ministre de la Transition écologique, a démarré dans la commune de Ribaute, à 16h15 environ, "du bord d'une route a priori"a affirmé mercredi sur franceinfo Erwan Coiffard. Sur les réseaux sociaux, un appel à témoins relayé par la municipalité interroge sur la présence d'"un véhicule ou [d']une personne suspecte". Pour remonter le fil de la catastrophe, quatre gendarmes spécialisés sont arrivés sur place mercredi. Voici comment leurs investigations doivent se dérouler.

Les enquêteurs forment une cellule dédiée

Comme l'explique le site de la gendarmerie nationale, ces experts sont déployés pour "prendre en compte le volet judiciaire" au sein d'une cellule spécialisée dans la RCCI, soit la recherche des causes et des circonstances des incendies. En plus des gendarmes, on retrouve dans ce groupe d'enquête des agents de l'Office national des forêts (ONF) ainsi que des sapeurs-pompiers de l'Aude, afin de "rassembler les compétences" de chacun. 

Selon France 3 Occitanie, des gendarmes de Montpellier sont venus prêter main-forte à leurs collègues de Narbonne. Les enquêteurs s'intéressent plus particulièrement à un secteur situé entre les communes de Ribaute et de Lagrasse, en "bord de route" sur la D212. 

Le sol et la végétation sont scrutés

Comme l'a expliqué début juillet à franceinfo l'ingénieur forestier Luis de Sousa, la mission d'une telle cellule est de retracer, grâce aux éléments du paysage, la trajectoire d'un incendie. "Le feu part à 95% de la végétation au niveau du sol", souligne l'expert. La zone initiale se reconnaît ainsi à la façon dont la végétation environnante a été atteinte. Les arbres brûlent généralement jusqu'à la cime lorsque l'incendie est déjà avancé. S'ils ne le sont que "partiellement en bas du tronc (...), on est près du départ du feu", détaille l'ingénieur, comparant ces recherches à la remontée d'"un cours d'eau vers la source".

Une fois le secteur de départ de feu délimité, il faut affiner les recherches, en observant notamment le sol. Cette enquête se fait "par élimination", sur la base d'une "liste de causes" les plus probables, et selon l'expérience accumulée "depuis plus de 50 ans dans le sud de la France", explique Luis de Sousa. Ainsi, "quand on retrouve des végétaux qui ont été brûlés en tas, on sait que c'est un brûlage de végétaux qui a dégénéré en incendie". "On peut identifier que c'est un jet de mégot qui est à l'origine du feu. Et malheureusement, il y en a encore beaucoup", ajoute l'ingénieur.

Les chiffres de la gendarmerie montrent que 95% des incendies sont d'origine humaine, qu'ils soient accidentels ou criminels. Il semble en aller de même dans le cas de l'Aude : "Il y a peu d'interrogations à ce sujet", assure Erwan Coiffard.

Des chiens peuvent être utilisés

Pour faire toute la lumière sur l'origine d'un feu, les enquêteurs peuvent aussi avoir recours à une brigade cynophile spécialisée. La gendarmerie nationale compte une poignée de chiens (sept en 2023) capables de détecter les "produits accélérateurs d'incendie", comme l'essence, peut-on encore lire sur le site de la gendarmerie nationale. S'il sent un tel produit, le chien doit être capable de marquer le point exact de départ de feu afin que les techniciens puissent procéder à des prélèvements puis des analyses.

"Les recherches peuvent durer plusieurs jours", explique la gendarmerie. Mais la présence de matière incendiaire ne suffit pas à démontrer une origine criminelle. "C'est la localisation anormale de cette matière qui constituera un indice probant dans le cadre de l'enquête", souligne l'un des responsables de ces brigades cynophiles. Afin de repérer ces matières, les chiens sont formés à reconnaître six substances seulement, que l'on retrouve toutefois "dans 98% des produits inflammables", explique la gendarmerie.

Ces investigations font partie d'une enquête plus large

Le travail de la cellule spécialisée permettra "d'orienter les enquêteurs de la brigade de recherches de Carcassonne, qui prend la direction d'enquête", précise la gendarmerie nationale. Des appels à témoins ont également été lancés et des enquêtes de voisinage sont menées.

Depuis le début de la période estivale, la multiplication des "incendies dévastateurs" a donné lieu à une "très forte mobilisation" des militaires, rappelle la gendarmerie, "en particulier sur le plan judiciaire au regard de l'existence de victimes et des préjudices importants".

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