"Renvoyer la chaleur dans le sol" plutôt que d'utiliser la climatisation : trois questions sur la géothermie défendue par François Bayrou et Agnès Pannier-Runacher

Article rédigé par Camille Laurent
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
François Bayrou, Premier ministre, et Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, au centre opérationnel de gestion des crises du ministère de l'Intérieur, en pleine canicule, le 1er juillet 2025. (THIBAUD MORITZ / AFP)
François Bayrou, Premier ministre, et Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, au centre opérationnel de gestion des crises du ministère de l'Intérieur, en pleine canicule, le 1er juillet 2025. (THIBAUD MORITZ / AFP)

Alors que la France suffoque, le Premier ministre et sa ministre de la Transition écologique présentent la géothermie comme une alternative écologique à la climatisation.

Réussir à se rafraîchir sans réchauffer l'atmosphère, telle est l'équation en cette période de grosses chaleurs et de dérèglement climatique. Alors que Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur et président de LR, appelle à sortir des énergies renouvelables, François Bayrou et sa ministre de la Transition écologique avancent la géothermie, qui consiste à utiliser la chaleur ou la fraîcheur naturelle du sol, comme une solution. Pour le Premier ministre, cette énergie renouvelable représente une alternative à la climatisation, comme il l'a répété mardi 1er juillet, lors de sa visite au centre opérationnel de gestion des crises du ministère de l'Intérieur.

De même, Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique, estime que la clim' est une "mal-adaptation" au réchauffement climatique et déclare qu'il faut "privilégier les méthodes renvoyant la chaleur dans le sol, c'est tout l'objet de la géothermie".

La géothermie, source de froid ? Franceinfo fait le point en compagnie de David Coutelle, président de la commission Géothermie au sein du syndicat des énergies renouvelables (SER), pour qui "la géothermie, c'est la solution de froid renouvelable".

1"Renvoyer la chaleur dans le sol", c'est possible grâce à la géothermie ?

La géothermie, le fait d'utiliser la chaleur du sol, se décline en trois grandes familles. La géothermie électrogène utilise la chaleur du cœur de la Terre ou celle des volcans et n'est présente, en France, qu'en Guadeloupe. "Elle sert à faire de l'électricité mais ne permet pas de faire du froid", souligne le spécialiste de la géothermie. La géothermie profonde permet d'aller chercher de l'eau chaude entre 110 et 200 degrés à une profondeur située entre 1 000 et 2 000 mètres. "Avec ça, on fait fonctionner des réseaux de chaleur qui permettent de faire du chauffage dans les villes", explique David Coutelle.

La troisième technique, à même de répondre à l'enjeu de refroidissement, est la géothermie de surface. "Passé le premier mètre et jusqu'à 200 mètres en sous-sol, la température est toujours la même, entre 12 et 15 degrés, précise-t-il. Cette source tempérée peut soit être utilisée directement : c'est ce qu'on appelle le 'géocooling', le rafraîchissement direct. Soit on peut passer par une pompe à chaleur, un équipement qui, à partir d'une source de température stable, va être capable de produire soit du chaud, soit du froid."

"Le principe de la géothermie, c'est que cette solution peut fonctionner alternativement l'été et l'hiver pour faire du froid et du chaud."

David Coutelle, président de la commision géothermie du SER

à franceinfo

"Quand vous êtes en train de refroidir un bâtiment, de l'autre côté, votre pompe à chaleur réchauffe quelque chose. Avec la géothermie, ce chaud va être transféré à l'eau et va retourner dans le sol, démontre David Coutelle. Et le sol va stocker cette chaleur ou la disperser." À l'inverse, c'est aussi possible, l'hiver, de renvoyer du froid dans le sol. "Si je me sers de la géothermie toute l'année, pendant l'été, je prends l'eau à 12°C et je la remets à 20°C et l'hiver je prends l'eau à 12°C et je le remets à 7°C, donc l'un dans l'autre, c'est équilibré."

Avoir recours à la géothermie pour refroidir les bâtiments, "c'est parfaitement pertinent, assure le président de la commission géothermie au SER, afin de ne pas renvoyer du chaud à l'extérieur." Pour lui, cela a un effet favorable sur les problèmes d'îlots de chaleur urbains et d'accélération du réchauffement. Et contrairement à l'aérothermie, c'est-à-dire les climatiseurs, la géothermie est une source stable en température, ce qui fait que les rendements sont bien plus performants. Avec une pompe à chaleur, "1 kilowattheure (KWh) d'électricité permet de faire 4 à 5 KWh de chaud ou de froid, c'est bien plus que la climatisation, dont le rendement baisse quand il fait très chaud", détaille David Coutelle. Ainsi, avec la géothermie, la facture énergétique est plus faible et plus stable.

2 Pourquoi la géothermie est-elle peu déployée en France ?

Cette solution est peu développée en France, où elle représente 1% des sources de chaleur alors que 95% du territoire est éligible. "Des bâtiments municipaux, des écoles et surtout des logements en bénéficient, énumère le spécialiste. 3 000 à 4 000 pompes à chaleur sont installées par an en France, dont 80% chez des particuliers. Les endroits où on ne peut pas le faire, c'est parce qu'il y a des restrictions, sur des terrains qui ont historiquement été pollués ou à proximité de captages d'eau potable", ajoute David Coutelle.

Le principal frein au développement de la géothermie réside dans le coût initial d'installation du système et d'une pompe à chaleur qui est élevé. "Pour une maison individuelle de 150 m2, le prix est compris entre 10 000 et 20 000 euros", explique le président de la commission géothermie au SER. Maintenant que le froid devient un besoin, les rentabilités s'améliorent. "Avec du froid, on peut être sur des rentabilités de 5 à 10 ans contre 10 à 15 ans auparavant", souligne-t-il tout en regrettant qu'"il n'y ait pas beaucoup d'aide", à part le C2E, une aide financière versée pour des travaux de rénovation thermique.

3 Est-il souhaitable de développer la géothermie ?

Le principal risque que représente la géothermie de surface est de réchauffer très fortement le sol. Mais c'est très encadré par la réglementation qui définit une variation de température d'une dizaine de degrés maximum. "C'est très réduit pour être sûr qu'on n'affecte pas les nappes phréatiques. Il ne s'agit pas d'aller refroidir un bâtiment et de rejeter de l'eau à 70°C dans le sol", affirme David Coutelle.

Selon lui, l'usage de la géothermie peut se massifier, même s'il estime qu'il n'y a pas de solution unique et qu'il faut faire un mix énergétique : "Aujourd'hui, la géothermie représente 4 TWh, mais on estime que le potentiel du sous-sol français est de 100 TWh, c'est 25 fois plus. Et on aimerait que la géothermie se développe à hauteur de 20 TWh, soit quatre fois plus à l'horizon 2030."

"Si on atteint l'objectif en 2030, la géothermie participerait à 20% de la production de chaleur et du froid renouvelables. Et, tout ça, ce serait du fioul et du gaz en moins."

David Coutelle, président de la commission géothermie au SER

à franceinfo

Il reste à lever les freins réglementaires et financiers. Le Premier ministre s'y est engagé lors des journées de la géothermie à Biarritz, fin juin. François Bayrou a vanté une "source inépuisable d'énergie éternelle", une "mine d'or" encore trop peu exploitée selon lui. "Il faut maintenant que cette solution entre dans les habitudes", complète David Coutelle.

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