Gaz à effet de serre, pollution, évolutions techniques… Quatre questions sur l'impact environnemental de la climatisation

Les défenseurs de la climatisation affirment qu'elle n'est pas très polluante. Ses opposants dénoncent au contraire son impact sur l'environnement. Le Vrai ou Faux fait le point sur la question.

Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Une climatisation réversible dans un appartement, le 14 mars 2022. (ROMAIN LONGIERAS / HANS LUCAS VIA AFP)
Une climatisation réversible dans un appartement, le 14 mars 2022. (ROMAIN LONGIERAS / HANS LUCAS VIA AFP)

C'est un débat qui revient à chaque épisode de canicule : faut-il équiper la France entière de climatiseurs ? Et est-ce que la climatisation ne pollue pas trop ? Ainsi la leader du Rassemblement national Marine Le Pen veut doter la France d'un "grand plan d'équipement pour la climatisation", tandis que la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher estime que la clim est une "mal-adaptation" au réchauffement climatique.

Ainsi, la journaliste de L'Opinion Emmanuelle Ducros se retrouve à débattre sur le réseau social X avec le député La France insoumise Rodrigo Arenas. Lui assure que la climatisation pollue plus que l'aviation, tandis qu'elle répond que c'est faux. "On a l'électricité la plus décarbonnée d'Europe, mais dans un dogmatisme irrationnel, il ne faut surtout par l'utiliser pour se refroidir", déplore le macroniste Matthieu Gariel. "La clim, c'est 5% de l'empreinte carbone du secteur bâtiment en France alors qu'on en a peu mais allons-y", assène une internaute de l'avis contraire. Qu'en est-il vraiment ?

1 La climatisation pollue-t-elle ?

Oui, la climatisation pollue. Selon le rapport de l'Agence sur la transition écologique (Ademe) "La climatisation dans le bâtiment" rédigé en 2021, la climatisation a généré l'équivalent de 4,4 millions de tonnes de CO2 en 2020 en France métropolitaine. Cela monte à 4,8 millions de tonnes de CO2 en incluant les départements et collectivités d'Outre-mer. 

La même année, les émissions de gaz à effet de serre françaises se sont élevées à un peu moins de 400 millions de tonnes équivalent CO2, selon les chiffres du ministère de l'Aménagement du territoire et de la Transition écologique. Par conséquent, la climatisation représente environ 1% des émissions de gaz à effet de serre totales de la France, alors que seuls 25% des logements et 40% des entreprises étaient équipées de climatiseurs en 2020.

2 L'impact de la climatisation est-il comparable à celui du transport aérien ?

L'Agence internationale de l'énergie (AIE), citée par Les Échos, affirme que la climatisation génère environ un milliard de tonnes de CO2 par an, ce qui représente près de 3% du total de 37 milliards de tonnes émises mondialement. Cette proportion est comparable à celui du trafic aérien, et même aux émissions du Japon, note le journal économique.

Néanmoins, cette affirmation a deux limites qui sont intimement liées. D'abord, il s'agit d'un constat mondial, mais qui ne représente pas du tout la situation en France. Dans l'Hexagone, le trafic aérien a généré 24,3 millions de tonnes de CO2 en 2019, selon l'éco-calculateur du ministère chargé des Transports. Le trafic aérien pollue donc cinq fois plus que la climatisation en France.

Ce constat mondial de l'AIE s'applique difficilement au cas français, car l'AIE ne s'intéresse qu'aux émissions de gaz à effet de serre provoquées par la consommation énergétique de la climatisation et de l'aviation. Or, l'électricité est majoritairement décarbonée en France. Ce n'est donc pas le facteur polluant principal de la climatisation dans l'hexagone.

3 Qu'est-ce qui pose problème ?

En fait, ce qui pollue le plus dans la climatisation, ce n'est pas sa consommation d'électricité - qui produit moins d'un million de tonnes d'équivalent CO2 selon l'Ademe - mais ce sont les gaz réfrigérants qu'elle utilise. Certains sont jusqu'à 2 038 fois plus polluants que du CO2.

"Les émissions de gaz frigorigènes se produisent au moment de la production et de la mise en service des équipements, en cours de vie à l'occasion des opérations de maintenance et lorsque surviennent des fuites accidentelles, et enfin à la fin de vie de l'équipement pour la proportion de gaz non récupérée", explique l'agence.

Pour mesurer leur impact environnement, l'Ademe a converti l'impact de ces gaz en équivalent CO2. Les émissions liées à ces gaz réfrigérants ont atteint 3,5 millions de tonnes équivalent CO2 en 2020, principalement à cause des fuites en cours et en fin de vie des climatiseurs. Autrement dit, les gaz réfrigérants sont responsables des deux tiers des émissions de la climatisation en France.

4 Les évolutions techniques vont-elles tout régler ?

À l'avenir, l'impact environnemental de ces gaz est amené à baisser. Une réglementation européenne ("F-GAS" 517/2014/UE) adoptée en 2014 et retranscrite dans le droit des États membres a déjà permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre liées aux fluides frigorigènes "et cette évolution devrait encore s'accélérer au cours des prochaines années", prévoit l'Ademe, en raison de nouveaux paliers réglementaires qui entreront en vigueur.

L'agence a examiné plusieurs scénarios pour voir comment les choses vont évoluer dans un futur proche, alors que les températures vont continuer à monter et que les Français vont de plus en plus s'équiper de climatiseurs. Elle estime qu'avec les évolutions techniques et les nouveaux paliers, la pollution liée aux gaz réfrigérants pourrait devenir quasi nulle en 2050, avec 0,4 million de tonnes équivalent CO2 annuelles dans le pire des cas. Ce gain environnemental pourrait être en partie contrebalancé par la hausse de la consommation énergétique, liée à l'augmentation du nombre de climatiseurs - sans pour autant atteindre le niveau de pollution actuel. L'électricité deviendrait alors le facteur de pollution le plus important de la climatisation. 

L'Ademe recommande de se diriger vers une "utilisation raisonnée" de la climatisation pour limiter son impact sur l'environnement. Elle préconise, par exemple, de lancer la climatisation uniquement quand il fait 30°C à l'extérieur, et non 27°C, ce qui divise par trois la consommation d'énergie. De la même façon, l'agence recommande de moins refroidir son logement. Inutile de régler la température à 20°C à l'intérieur quand il fait 35°C dehors. Ainsi, 26°C ou 27°C suffisent à rendre une habitation vivable, et cela réduit la consommation d'électricité par deux.

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