COP16 biodiversité : on vous explique pourquoi la conférence sur la sauvegarde de la nature rouvre à Rome, quatre mois après s'être achevée sur une impasse

Les participants à ce sommet des Nations unies ont trois jours pour dénouer un blocage sur le financement de la protection de la biodiversité, dans un contexte international encore moins favorable qu'en novembre.

Article rédigé par franceinfo
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Les participants à la COP16 biodiversité réunis au siège de l'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, à Rome (Italie), le 25 février 2025. (ALBERTO PIZZOLI / AFP)
Les participants à la COP16 biodiversité réunis au siège de l'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, à Rome (Italie), le 25 février 2025. (ALBERTO PIZZOLI / AFP)

Trois jours pour s'entendre. La COP16 biodiversité, plus récente édition de cette grande conférence environnementale des Nations unies organisée tous les deux ans, entame trois jours de prolongations à Rome (Italie), mardi 25 février, pour reprendre les négociations inachevées à Cali (Colombie), fin 2024. Après deux semaines de pourparlers, la présidente colombienne du sommet, Susana Muhamad, avait dû constater que le nombre de participants requis n'était plus atteint après le départ de certaines délégations, malgré une prolongation d'une nuit.

Ces négociations reprennent donc jusqu'à jeudi, dans un contexte géopolitique qui s'est encore dégradé depuis novembre, et en présence des délégations de seulement 154 pays sur les 196 signataires de la Convention sur la diversité biologique (CDB), dont à peine 25 ont envoyé des membres de leur gouvernement. 

Des désaccords financiers majeurs

Début novembre, la 16e conférence des Etats parties de la CDB avait pris fin sans régler une vive dispute entre pays riches et en développement sur une collaboration financière pour stopper la destruction de la nature d'ici à 2030. Cet objectif, fixé en 2022 dans l'accord de Kunming-Montréal à l'issue de la COP15 biodiversité, s'accompagne d'une feuille de route destinée à protéger la planète et ses êtres vivants contre la déforestation, la surexploitation des ressources, le changement climatique, la pollution et les espèces invasives. L'objectif phare prévoit de placer 30% des terres et des mers dans des aires protégées d'ici à 2030 – environ 17% des terres et 8% des mers le sont aujourd'hui, selon l'ONU.

Le dernier projet de texte sur la table en Colombie fixait l'objectif, réclamé avec force par les pays africains, de créer un nouveau fonds placé sous l'autorité de la CDB, chargé de collecter et redistribuer aux pays protégeant la biodiversité les contributions financières des grandes puissances. Mais ces dernières, menées par l'UE, le Japon et le Canada (en l'absence des Etats-Unis, non-signataires de la convention), y sont radicalement hostiles. 

Elles s'inquiètent d'une fragmentation de l'aide au développement, déjà fragilisée par les crises budgétaires et l'effacement des Américains. A l'instar de la France, dont la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, assurera la représentation à Rome. Elle aimerait "éviter" la création d'un nouveau fonds, "dont on ne comprendrait pas l'utilité", et qui engendrerait "plus de bureaucratie et moins de financements pour ceux qui en ont le plus besoin", justifie son entourage.

Pour sortir de l'impasse, la présidence de la COP16 a publié vendredi une note de réflexion (fichier PDF) qui propose une réforme d'ici à 2030 des différents flux financiers destinés à la sauvegarde de la nature. Le document prévoit ainsi d'"améliorer les performances" d'instruments déjà existants : le Fonds mondial pour l'environnement et le Fonds-cadre mondial pour la biodiversité, censé être temporaire et modestement doté (400 millions de dollars). Mais il prévoit aussi de "désigner ou établir un instrument mondial, ou une série d'instruments" pérennes et spécifiquement dédiés au financement de la protection de la nature, et promet qu'"au moins un instrument" soit placé sous l'autorité de la CDB.

Un nouveau contexte géopolitique incertain

"C'est une proposition intéressante, qui permettrait de continuer à discuter du financement de la biodiversité, avec des réunions régulières sur le sujet", estime Juliette Landry, chercheuse à l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), après des Echos. "On a besoin d'avancer" dans les négociations "pour le financement de la biodiversité", plaide sur franceinfo Jean Burkard, chargé de plaidoyer au WWF.

"On souhaite [que les pays] aillent au-delà du cadre de financement" prévu par l'accord Kunming-Montréal, explique-t-il, craignant que les montants puissent "diminuer vu le contexte international" chamboulé depuis la fin de la réunion de novembre. "Entre Cali et Rome, beaucoup de choses se sont produites ; la question est de savoir à quel point elles vont peser dans la balance", souligne Agnès Hallosserie, directrice du programme biodiversité de l'Iddri auprès du Monde.

Quelques jours après la clôture du sommet en Colombie, Donald Trump a en effet été réélu à la tête des Etats-Unis. Climatosceptique assumé, il a déjà entrepris le démantèlement des régulations environnementales, mais aussi des coupes drastiques dans l'aide au développement distribuée par Washington au reste du monde. D'autres pays importants participant à la COP16 (ce qui n'est pas le cas des Etats-Unis) ont aussi basculé dans l'incertitude politique, comme l'Allemagne, qui doit se trouver un gouvernement à l'issue de législatives qui ont fait basculer le pays à droite, ou encore le Canada, dont le Premier ministre, Justin Trudeau, a annoncé sa démission. "Les pays développés doivent composer avec des contextes politiques internes difficiles et des contraintes budgétaires serrées", rappelle ainsi l'Iddri dans un billet de blog.

Les négociations à Rome s'annoncent donc au moins aussi tendues qu'en Colombie. D'autant que dès les premières prises de paroles, mardi, le Brésil, au nom de plusieurs pays émergents riches en biodiversité, et le Zimbabwe, pour le groupe Afrique, ont rejeté le compromis proposé par la présidence, censé éviter que l'échec se répète.

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