Rapport de la Cour des comptes sur les subventions accordées aux chasseurs : "La chasse est un peu un Etat dans l'Etat", déplore France nature environnement
"La Cour des comptes dit que les fédérations de chasseurs ne respectent pas leurs obligations légales de rendre compte", affirme sur franceinfo Jean-David Abel, pilote du réseau biodiversité à France Nature Environnement, et ce malgré "des moyens financiers en très forte augmentation".
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"D'un côté, l'Etat donne plus de missions aux fédérations de chasse et à la fédération nationale, et d'autre part ne se donne pas les moyens de pouvoir les contrôler", dénonce ce jeudi sur franceinfo Jean-David Abel, pilote du réseau biodiversité à France Nature Environnement. Ce jeudi, la Cour des comptes a dévoilé son rapport sur la gestion des ressources publiques attribuées aux fédérations de chasseurs, pointant du doigt un manque de transparence dans la gestion des fédérations. "La chasse est un peu un Etat dans l'Etat", fustige Jean-David Abel.
Pourquoi ce rapport était-il nécessaire ?
Jean-David Abel : Il fallait le faire, et c'est vraiment heureux que la Cour des comptes ait pu le faire sur une saisine citoyenne. On peut quand même se demander pourquoi l'Etat n'a pas de lui-même souligné, relevé et corrigé un certain nombre d'observations très importantes dans ce rapport. Comme on peut le dire d'autres secteurs, la chasse est un peu un Etat dans l'Etat. Ca fait très longtemps qu'il y a des collusions au niveau politique entre la Fédération nationale de la chasse et l'Etat, mais ça s'est accru depuis quelques années et notamment sous la présidence d'Emmanuel Macron. La Cour relève des moyens financiers en très forte augmentation, avec plus de 40 millions de dépenses annuelles supplémentaires pour l'Etat, et au passage une augmentation de 11,5 millions de recettes pour la Fédération nationale.
Et tout ça de façon insuffisamment contrôlée, suivie et étayée, avec des moyens insuffisants dans les services de l'Etat pour pouvoir le faire. On a toute une opacité, avec par exemple des contributions exceptionnelles pour le paiement des dégâts de gibiers, débloqués l'année dernière pour 3 ans, ce qui représente 60 millions d'euros en tout, dont la Cour des comptes nous dit qu'ils ont été débloqués sans information suffisante, ce que nous savions et disions depuis longtemps. Il y a de nombreux exemples comme ça : tout est en ligne.
Qui est chargé de ces contrôles ?
L'Office français de la biodiversité effectue ces contrôles pour un certain nombre de missions. Après c'est aussi la direction ministérielle, au sein du ministère de la Transition écologique, qui effectue ces contrôles : chacun a sa part sur le suivi des plans de chasse. Les fédérations ont des missions
qui concernent la régulation de la faune sauvage mais aussi sa protection : la Cour des comptes dit que les fédérations de chasseurs ne respectent pas leurs obligations légales de rendre compte, notamment concernant les tableaux de chasse. Elle dit aussi que l'insuffisance des données transmises et l'absence de mesure d'efficacité de ces dispositifs ne sont pas suivies par l'Etat. Elle dit aussi en filigrane, si on lit bien, que l'Office, au niveau de ses postes, dans les départements, n'a pas forcément les moyens de bien faire ça. D'un côté l'Etat donne plus de missions aux fédérations de chasse, et à la fédération nationale, et d'autre part ne se donne pas les moyens de pouvoir les contrôler.
La Cour des comptes évoque aussi la répartition du Fonds biodiversité, alimenté en partie par les chasseurs : certains des projets financés manquent selon elle de qualité et de pertinence. A quoi sert l'argent de ce fonds ?
C'est un fonds qui a été créé très précisément au titre de la loi pour des actions directes de préservation et de restauration de la biodiversité. On constate que beaucoup de ces projets ne sont pas du tout en lien avec la préservation et la restauration de la biodiversité. Beaucoup de fédérations - départementales, régionales et nationales - touchent des millions d'euros, on parle de 10 millions par an - pour des actions qui ne sont pas en lien direct avec ce qui est défini dans la loi. Au-delà de ça, il y a quand même des fédérations qui effectuent des actions réelles de restauration, de maintien de milieux etc. Mais là aussi, le contrôle de l'Etat et l'évaluation critique des projets sont insuffisants. La Cour des comptes estime que leur pertinence, leurs qualités scientifiques et techniques, ne sont pas suffisamment contrôlées, et que les rapports entre les moyens mis en oeuvre et les résultats peuvent parfois poser quelques questions. La Cour des comptes dit surtout que ça a permis la création de plus de 200 emplois directs dans les fédérations, du local au national. A l'OFB, vous avez 3 personnes ou 2 personnes et demie qui gèrent ces projets, et dans les fédérations, ça sert à créer beaucoup de postes, dont encore une fois le lien direct avec la préservation et la restauration de la biodiversité n'est absolument pas contrôlé.
Les Fédérations de chasseurs reçoivent de plus en plus d'argent ces dernières années, les sommes allouées aux associations environnementales suivent-elles la même courbe ?
Non, et c'est d'ailleurs la même chose pour les collectivités. Depuis quatre ans, on en est à plus de 35 millions d'euros de versés aux fédérations de chasseurs par l'Etat, mais d'autres acteurs comme des intercommunalités, des parcs naturels régionaux, des associations de protection agréées, n'ont absolument pas accès à ces fonds, et ne sont pas du tout financés de la même manière par l'Etat. Il y a une distorsion très très forte. L'Etat, sous l'impulsion du président de la République, a privilégié certains interlocuteurs et certaines parties prenantes en matière de protection de la diversité.
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