Bientôt un droit de vivre dans un environnement non pollué ?

Reconnu par la déclaration de Stockholm depuis les années 70, le droit à vivre dans un environnement sain existe dans plusieurs pays à travers monde. Mais est-il utile ? Et quelles sont les limites à son application ?

Article rédigé par Pauline Vallée
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Reconnu par la déclaration de Stockholm depuis les années 70, le droit à vivre dans un environnement sain existe dans plusieurs pays à travers monde. Mais est-il utile ? Et quelles sont les limites à son application ? (Laura Geiger et Paulin Viguier)
Reconnu par la déclaration de Stockholm depuis les années 70, le droit à vivre dans un environnement sain existe dans plusieurs pays à travers monde. Mais est-il utile ? Et quelles sont les limites à son application ? (Laura Geiger et Paulin Viguier)

Cet article a été publié une première fois en 2023 par le média Nowu, spécialisé en écologie.

Novembre 2021, État de New York, aux États-Unis : plus de 60% des participants à un référendum local approuvent l’ajout d’une section dans leur Constitution fédérale : "Toute personne a droit à un air pur et à une eau pure, ainsi qu'à un environnement sain."

Ce nouveau droit s’applique depuis le 1er janvier 2022 dans tout l’État américain. Il est le fruit d’une bataille politique de cinq ans portée (entre autres) par l’organisation Environmental Advocates NY.

"Nous avons rencontré des communautés touchées par la pollution, qui nous demandaient : n'avons-nous pas le droit de boire de l'eau propre ? De respirer un air pur ? En tant qu'êtres humains, la réponse était "oui, bien sûr”. Mais cela ne s’exprimait pas légalement", explique Peter Iwanowicz, directeur d’Environmental Advocates NY.

90% de la population mondiale respire un air pollué

New York n’est pas le premier à inclure des droits environnementaux dans sa Constitution. Six autres États américains l’ont précédé, comme Hawaï ou le Montana. C’est aussi le cas pour plus d’une centaine de pays dans le monde.

Au niveau international, la déclaration de Stockholm certifie aussi depuis 1972 le "droit fondamental à […] un environnement dont la qualité permette [à l’Homme] de vivre dans la dignité et le bien-être". Le Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies reconnaît aussi depuis octobre 2021 le droit pour l’être humain à vivre dans "un environnement sûr, propre, sain et durable".

L'idée de garantir à chacun le droit à un environnement sain fait, a priori, consensus. Surtout dans un monde où 90% de la population respire un air pollué, selon l'Organisation mondiale de la santé. Mais que change concrètement l'application d'un droit comme celui adopté à New York ? Tout dépend de comment il est écrit et comment il est interprété.

Le poids des mots et de l'interprétation

"Le choix des mots est très important en droit, rappelle Louise Tschanz, avocate spécialiste en droit de l’environnement au barreau de Lyon et fondatrice du cabinet Kaizen Avocat. Par exemple, dans le cas de l’amendement new-yorkais, “eau pure” et “air pur” sont plus précis que la seule notion d’'environnement sain'."

"Écrire 'chaque citoyen a droit à', ce n’est pas la même chose que 'l’État garantit que'. Dans le 2e cas, le verbe d’action implique juridiquement une quasi obligation de résultat."

Louise Tschanz

Ce n’est pas le cas pour le droit new-yorkais. En perd-il son utilité ? "Il n'est pas spécifiquement écrit comme une garantie, mais les autorités vont devoir le prendre en compte dans leurs futures décisions, défend Peter Iwanowicz. Et si elles ne le font pas, les citoyens peuvent décider de les poursuivre en justice."

Aux États-Unis, beaucoup ont critiqué la formule "environnement sain", la trouvant trop vague. Qui détermine si un environnement est sain ou pollué ? Sur quels critères (sachant que tout le monde n’est pas affecté de la même manière) ? Tout dépend de la façon dont le juge va l’interpréter. Ce qui peut avoir "beaucoup de conséquences, comme aucune conséquence", résume Louise Tschanz.

Quelle utilité d'un tel droit ?

Si ce genre de grand principe est difficile à appliquer de manière concrète dans les conflits du quotidien, il doit être pris en compte pendant l’élaboration et l’adoption des lois. "L’objectif est que ce nouveau droit intervienne avant la prise de décision, ajoute Peter Iwanowicz. Les autorités doivent le prendre en compte dans leurs décisions. Ça implique de changer de mentalité, en essayant de prévenir les crises plutôt que de les réparer après coup."

Ce droit envoie également un signal fort aux promoteurs de projets potentiellement polluants, qui savent qu’ils peuvent se retrouver bloqués par l’État et/ou la justice, et qui doivent donc adapter ou annuler leurs plans en conséquence.

"Lier les droits de l’Homme et l’état de l’environnement, c’est très fort, appuie Louise Tschanz. Mais il faut voir ensuite comment ce texte sera décliné par les États. Quels moyens vont-ils mettre pour l’appliquer ?"

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