Loi Macron : récit d'une journée noire pour l'exécutif
Face au risque de voir le texte rejeté à l'Assemblée, Manuel Valls a eu recours à la dernière minute à l'article 49.3, évitant un vote, au terme d'une journée éprouvante pour la majorité.
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La gauche traverse une nouvelle crise. Face au risque de voir le projet de loi Macron rejeté à l'Assemblée nationale, Manuel Valls a eu recours à la dernière minute à l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le texte, mardi 17 février. La loi pour la croissance et l'activité sera donc considérée comme adoptée en première lecture si une motion de censure ne renverse pas le gouvernement. Ce passage en force du Premier ministre, via l'engagement de la responsabilité de son gouvernement, constitue l'épilogue d'une journée d'extrême tension pour l'ensemble de la majorité. En voici le déroulé.
11 heures : réunion du groupe socialiste à huis clos
Mardi matin, les choses se sont brusquement compliquées pour Emmanuel Macron. Confiant jusqu'au week-end dernier quant à l'issue du vote des députés, le gouvernement s'inquiète des derniers décomptes de voix, qui font état d'un bon nombre d'irréductibles opposants au texte au sein des troupes de la majorité.
Le groupe socialiste se réunit à huis clos à l'Assemblée nationale. L'ambiance est tendue et solennelle. Manuel Valls prend la parole. "Je ne dramatise pas. Au moment où je parle, le texte ne passe pas. Ce serait un affaiblissement considérable", dit le Premier ministre aux députés PS. "Nous sommes dans un moment où, en conscience, on ne peut pas affaiblir le chef de l'Etat et le gouvernement", assène Manuel Valls.
"Il a tout donné, il était presque au bord des larmes", raconte un élu présent à la réunion à Libération. Un autre estime que le Premier ministre "a mis ses tripes sur la table". Mais pour Laurent Baumel, député frondeur, la mayonnaise n'a pas pris : "Il a utilisé la dramatisation à excès". "L'ambiance était entre la pression et la dramatisation des enjeux, ce qui n'était pas de nature à faire changer d'avis", confirme une élue frondeuse, Fanélie Carrey-Conte. "Moi, cela ne m'a fait ni chaud ni froid", ajoute Pascal Cherki, autre frondeur. Il poursuit : "On nous a parlé du 11 janvier et d'unité nationale, des arguments légitimes. Mais nous sommes là pour voter une loi, c'est notre responsabilité."
Alarmiste lui aussi quant aux conséquences d'un rejet de la loi Macron, le Premier secrétaire du PS et député de Paris, Jean-Christophe Cambadélis, prévient : "On ne peut pas voter contre un texte du gouvernement, ce serait faire un cadeau à la droite".
14 heures : comptages, recomptages et 49.3 dans les couloirs de l'Assemblée
Trois heures plus tard, et malgré le coup de semonce du chef du gouvernement, le compte n'y est manifestement pas. Dans la salle des quatre colonnes du palais Bourbon, les téléphones des députés frondeurs sonnent sans cesse. Les partisans de la loi Macron comptent et recomptent les voix...
Une rumeur traverse les couloirs de l'Assemblée : Manuel Valls pourrait avoir recours à l'article 49.3, qui permet l'adoption d'une loi sans vote. L'annonce d'un Conseil des ministres exceptionnel, préalable nécessaire pour utiliser cette disposition de la Constitution, la rend plus que plausible.
Déjà, les frondeurs préparent les boucliers. "Ce serait un aveu de faiblesse, le constat qu'il n'y a pas de majorité à gauche pour ce texte", prévient Pouria Amirshahi, député frondeur. Christian Paul, député PS qui lui aussi s'élève contre la loi Macron, dénonce un "vieil outil rouillé de la Ve République".
14h30 : Un Conseil des ministres extraordinaire
Le temps presse car le gouvernement doit être au complet, sur les bancs du palais Bourbon, pour affronter la traditionnelle séance de questions au gouvernement à 15 heures, puis le vote de la loi Macron, programmé après 16 heures.
Branle-bas de combat à l'Elysée : les berlines des ministres se succèdent dans la cour pour ce Conseil des ministres extraordinaire convoqué en urgence.
15 heures : Questions au gouvernement sous tension
A une heure du vote sur la loi Macron, la séance s'ouvre à l'Assemblée, en plein suspense sur l'issue de la journée. La tension est à son comble dans l'hémicycle. Dans une ambiance survoltée, sous les huées et les applaudissements, le ministre de l'Economie défend son texte. "Nous avancerons", lance Emmanuel Macron.
Manuel Valls monte au front également, appelant une dernière fois "chacun à se ressaisir". Dans les couloirs de l'Assemblée, un élu proche du Premier ministre veut continuer à y croire. "Je pense qu'il ira jusqu'au vote, il ira jusqu'au bout, il est comme ça...", explique-t-il, avant de tempérer : "Je peux être démenti dans cinq minutes..." L'élu a raison d'être prudent.
16h25 : Manuel Valls brandit in extremis le 49.3
A l'interruption de séance, Sophie Dessus, députée socialiste favorable au texte, sent venir l'inéluctable bras de fer. Elle en a gros sur le cœur : "En arriver là alors que nous sommes le groupe majoritaire, c'est désespérant."
La sonnerie de l'Assemblée retentit, la séance reprend. Mais le vote de la loi Macron, inscrit à l'ordre du jour, n'aura pas lieu. Le Premier ministre monte à la tribune et annonce sa volonté d'engager la responsabilité de son gouvernement sur le texte. "Rien ne nous fera reculer", lance Manuel Valls aux députés.
Le recours au 49.3 a été décidé in extremis, quelques minutes plus tôt, lors d'une conversation téléphonique entre le chef du gouvernement et le président de la République. Il est "apparu", indique l'entourage de François Hollande, "qu'il y avait encore un risque compte tenu des derniers décomptes" des votes probables des députés. "Il y avait une majorité, mais elle était très courte, trop courte, 6-8 voix d'avance", résume Christophe Borgel, député socialiste de Haute-Garonne, chargé de faire l'inventaire des troupes.
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