"Le Grand Déplacement" : la comédie de Jean-Pascal Zadi propulse le rêve panafricain dans l'espace

La proposition du cinéaste français d'origine ivoirienne est un film léger et efficace aux accents afrofuturistes.

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Une scène du film "Le Grand Déplacement" de Jean-Pascal Zadi. (GAUMONT)
Une scène du film "Le Grand Déplacement" de Jean-Pascal Zadi. (GAUMONT)

Pour son dernier long-métrage, Le Grand Déplacement qui sort le 25 juin, Jean-Pascal Zadi imagine un monde où les Africains se lancent résolument dans la conquête spatiale. Avec la maîtrise dont il avait déjà fait preuve dans Tout simplement noir, son film coréalisé avec John Wax, il se joue des préjugés qui entourent les ressortissants du continent africain.

Avec le réchauffement climatique qui a rendu la Terre invivable, les Africains, qui ne sont déjà pas libres de circuler comme ils le souhaitent, ont une certitude : ils n'auront pas accès aux planètes B découvertes par les puissances occidentales. Mais, "cette fois-ci", ils semblent être en mesure de régler le problème grâce à leur centre spatial panafricain. Ce dernier a repéré la planète Nardal qui serait vivable et fait construire, dans le plus grand secret, un vaisseau spatial baptisé Zion. Afin d'atteindre cette planète, l'agence réunit la crème de l'expertise spatiale sur le continent pour la mission Black Star Line. Pierre Blé, incarné par Jean-Pascal Zadi est l'une de ces têtes bien faites du continent. Mais son caractère pose question dans le cadre d'une mission où "la cohésion" de l'équipage est primordiale.

Blé est franc, mais surtout très indélicat pour ne pas dire très c...* et ce sans limite temporelle et spatiale ! Le personnage de Zadi a d'ailleurs de nombreux traits communs avec celui incarné dans Tout simplement noir. Avec Pierre Blé, l'acteur français réinvente presque le concept du anti-héros dans une expédition où le facteur humain s'avère déterminant. On rit de l'attitude impossible de Blé, (et aussi) des running gags autour du personnage d'Abdel Souya (Reda Kateb), un éminent et pieux scientifique algérien, toujours en quête de l'Est, y compris dans l'espace, pour ses "cinq prières".

La Côte d'Ivoire, pays d'origine des parents de Jean-Pascal Zadi, sert en partie de décor à ce film et permet de voir de célèbres comédiens ivoiriens. Parmi eux, la légendaire Akissi Delta devenue notamment célèbre avec la série à succès Ma famille ou encore l'humoriste et comédien Adama Dahico qui interprète un chauffeur de taxi.

Un regard inédit

Devant et derrière la caméra, Jean-Pascal Zadi verse dans l'afrofuturisme, ce concept né aux États-Unis auquel renvoie aujourd'hui toute démarche qui permet aux Afrodescendants de s'imaginer un avenir, grâce à la science-fiction, dans des environnements où ils ne sont plus des êtres dominés.

La dernière fois que l'on a envoyé des Noirs dans l'espace dans un film, du moins si l'on s'en tient à une référence commune, c'était dans Space is the Place (1974) de John Coney. Le jazzman afro-américain Sun Ra y récupérait tous les Afro-Américains dans son vaisseau. Dans Le Grand Déplacement, ce sont des Africains et la diaspora antillaise qui sont concernés. Ce regard africain est inédit d'autant que la véritable clé de lecture de la fiction est le panafricanisme. À savoir comment l'union de toutes les forces du continent peut positivement conduire à son développement économique et à la souveraineté de ses États.

Néanmoins, si le film prend bien en compte l'Afrique géographique et fait appel à sa diaspora, il omet de convoquer l'ensemble du continent où plus d'une quarantaine de pays ont des agences spatiales nationales. Parmi elles, l'Afrique du Sud et le Nigeria, pays anglophones et grandes puissances régionales. Le Grand Déplacement se fait, par exemple, sans les locuteurs de langue anglaise, faisant de cette grande première spatiale une aventure africaine très francophone. Par ailleurs, si la thématique du film peut être qualifiée d'afrofuturiste, les costumes le sont légèrement moins. Par exemple, dans Black Panther de Ryan Coogler devenue depuis une référence du genre, les tenues traditionnelles des Masaï ont inspiré des vêtements qui se transformaient en boucliers pour les guerriers de la superproduction Marvel.

Mais tout cela n'empêche pas Le Grand Déplacement d'être une comédie légère et efficace, un film rythmé avec un message pertinent. Le titre fait évidemment allusion à la nouvelle obsession de l'extrême droite en France, le "grand remplacement", théorie complotiste selon laquelle la population immigrée africaine pourrait se substituer "aux Français de souche". Comme dirait l'autre, mieux vaut en rire, de préférence dans une salle de cinéma devant le dernier film de Jean-Pascal Zadi.

Affiche du film de Jean-Pascal Zadi, "Le Grand Déplacement". (GAUMONT)
Affiche du film de Jean-Pascal Zadi, "Le Grand Déplacement". (GAUMONT)

La fiche

Genre : Comédie
Cinéaste : Jean-Pascal Zadi
Avec : Jean-Pascal Zadi, Reda Kateb, Lous and the Yakuza, Fadily Camara, Fary Lopes B, Claudia Tagbo
Pays : France
Durée : 1h23
Sortie : 25 juin 2025
Distributeur : Gaumont Distribution


Synopsis : Dans le plus grand des secrets, se prépare à décoller la première mission spatiale africaine ! L'équipage, issu du continent et de sa diaspora, doit explorer la planète Nardal afin d'évaluer la possibilité d'y ramener tous les Africains si jamais la Terre devenait inhabitable. Le problème, c'est que le voyage sera long. Très long. Et que la plus grande inconnue des missions interstellaires demeure l'entente entre les astronautes…

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