: Reportage "C'est une madeleine de Proust" : le phénomène "Samuel" d'Émilie Tronche de la série à la BD en passant par le cinéma
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Série devenue film et désormais bande dessinée, "Samuel" raconte la vie d'un élève de CM2. L'œuvre d'Émilie Tronche comptabilise 45 millions de vues sur le site d'Arte. Explication d'un succès.
La projection de 18h du cinéma en plein air de la Villette s'apprête à démarrer. Pour la séance "jeune public" du vendredi 25 juillet, le festival d'été met à l'honneur le film d'animation Samuel d'Émilie Tronche.
Pourtant, sur les pelouses de la prairie du triangle, une nuée de jeunes adultes et finalement très peu d'enfants sont venus assister à cette projection ensoleillée. "J'ai regardé Samuel beaucoup de fois, beaucoup trop", s'amuse Éline, 31 ans.
Comment expliquer cet engouement autour de Samuel, l'élève de CM2 devenu star dans l'Hexagone ? Depuis 2024, le personnage d'Émilie Tronche connaît un succès immense grâce à la diffusion sur Arte de l'intégrale de la série aux 45 millions de vues.
En mai, le film Samuel et la bande dessinée Le Journal de Samuel ont aussi vu le jour en plus du site La Boutique de Samuel pour vendre du merchandising. Récemment, Arte a confirmé la sortie d'une deuxième saison de la série consacrée au collège et la créatrice a annoncé travailler sur un roman graphique dédié au personnage de Bérénice, la camarade de classe cynique de Samuel.
Derrière cet empire "samuélien" se cache la discrète Émilie Tronche, une jeune diplômée de l'école des métiers du cinéma d'animation d'Angoulême (EMCA). Projet réalisé sur son temps libre, Samuel permet à la jeune femme – âgée à l'époque de 26 ans – de connaître une célébrité aussi soudaine qu'appréciée grâce à son regard sur l'enfance, celle des années 2000.
"C'est une madeleine de Proust"
Dans le public, Grégoire, 25 ans, et Bastien, 30 ans, sont venus spécialement pour cette projection. Une manière pour le couple de revivre leurs premiers dates marqués par le visionnage de la mini-série, mais aussi de célébrer l'anniversaire de Grégoire, étudiant dans une école d'animation, et "beaucoup trop fan de la série". Ce qu'il aime chez Samuel ? "Chaque épisode est une masterclass d'écriture avec des goûts musicaux impeccables", s'extasie le jeune homme. Une bonne manière de résumer l'œuvre d'Émilie Tronche.
Alors pas question pour le couple de rater une occasion de revoir le film dont ils connaissent par cœur les dialogues, surtout dans un si beau cadre. "C'est une madeleine de Proust phénoménale s'enthousiasme Bastien, Émilie Tronche capture extrêmement bien les micro-événements de l'enfance, je revois ma cour de récréation de l'époque ou les anniversaires à la piscine".
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Les feuilles Diddle, les graines de tournesol partagées à la récréation, la folie Tokio Hotel ou encore la mode des mangas. Rien n'échappe à l'œil nostalgique d'Émilie Tronche – elle-même née en 1996 – au plus grand plaisir de ses fans heureux de revivre, à travers son œuvre, une partie de leur enfance. "Je pense que c'est plus un phénomène auprès des adultes que des enfants parce que c'est notre enfance à nous qui est racontée, observe Éline, c'est marrant de se replonger dans cette période qu'on a parfois un peu oubliée, c'est que du kif."
Une analyse partagée par Yann faisant partie des rares spectateurs venus en famille assister à la projection. "Ce n'est pas uniquement pour les enfants que nous sommes venus, c'est aussi pour nous", reconnaît le développeur d'applications en désignant ses deux enfants, un garçon et une fille respectivement âgés de 6 et 3 ans. À la fin de la séance, le résultat est probant : "Mon fils avait l'air dedans et intéressé par le film, mais la petite est trop jeune, le moment du cauchemar de Samuel l'a beaucoup marquée", estime le quarantenaire pour qui la projection était plutôt un rappel de "[son] enfance" à lui et sa femme.
La recette d'un succès
À l'origine, Émilie Tronche se lance dans la création de Samuel sur son temps libre alors qu'elle bénéficie de la location d'un studio d'animation utilisé pour un autre projet. L'animatrice signe une production 100% maison sans savoir que cette mini-série animée connaîtrait un tel retentissement. Sur son compte Instagram, elle détaille les coulisses créatives de ce projet artisanal.
Du dessin à la voix off des personnages, Émilie Tronche est sur tous les fronts. Pour capturer les gestes d'un enfant de 10 ans, la jeune femme se filme en train de jouer à l'épervier, de danser ou de souffler sur une vitre. Des activités de la vie réelle qu'elle recrée dans son dessin sobre et minimaliste. Quant à la voix off, c'est à coups d'entraînements intempestifs qu'elle parvient à trouver cette intonation mi-blasée mi-enfantine, typique de Samuel. L'animation reste peut-être le seul domaine où la jeune femme accepte l'aide d'une équipe pour donner vie à ses dessins.
Un style nature peinture qui plaît à voir. "Alors que l'animation est accusée de devenir mainstream, de reproduire les mêmes codes et carcans stylistiques, ça fait plaisir de voir que des projets en animation comme Samuel voient le jour", estime Grégoire alors que le secteur de l'animation fait face à une crise sans précédent due à la baisse massive d'investissements des plateformes. "Avec un trait simple et des décors réduits au minimum, Samuel est un vrai exemple de ce que peut faire l'animation française", ajoute l'étudiant inscrit à LISAA, école d'animation et jeu vidéo à Paris.
Enfance 2.0
Ce trait sobre permet de mettre l'emphase sur le ressenti du personnage détaillé dans son journal intime, mais aussi du public. "C'est hyper fort, car c'est minimal, mais ça capture extrêmement bien les gestes, les émotions et surtout les danses", résume Bastien, graphiste.
Autre point important, la danse et la musique occupent une place centrale dans la série où certains épisodes ont même été pensés puis dessinés à partir d'une musique, parfois sans en obtenir les droits ce qui a valu à l'animatrice de reprendre à zéro à plusieurs reprises.
Sur ABBA, La Paloma ou de la musique brésilienne, les personnages se livrent à des pas de danse endiablés comme lors d'un jeu où Samuel et ses amis piquent les vêtements de la mère de l'un d'entre eux et réalisent un véritable spectacle de danse. "La scène de drag, j'aurais adoré voir ça étant jeune", s'exclame Grégoire. "Samuel, c'est une vraie drama queen."
Car même si elle revient sur une époque révolue, Émilie Tronche donne à voir quelque chose de nouveau. "Je ne pense pas avoir vu des personnages garçons avec une telle sensibilité à l'écran", constate Yann, heureux de transmettre ces valeurs à ses enfants, surtout son petit garçon. Pour le père de famille, il est important de ne pas "genrer l'expression des sentiments" chez les enfants. D'ailleurs, c'est Émilie Tronche qui double tous les personnages, garçons et filles.
Présente avec ses amies à la projection, Anissa souligne aussi cet aspect de la série. "On est dans une société où l'on déconstruit de plus en plus de choses, il y a une justesse dans la manière qu'a Émilie Tronche de décrire les émotions à travers Samuel", estime la trentenaire qui découvrait le film pour la première fois et a déjà hâte de la suite.
Tous les épisodes de la série "Samuel" réalisée par Émilie Tronche sont disponibles sur le site d'Arte.
"Le Journal de Samuel" d'Émilie Tronche, éditions Casterman et Arte, 320 pages, 23 euros.
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