Exposition événement au Louvre : Jacques-Louis David ou le portrait d'un artiste monumental et engagé
Organisée à l'occasion du bicentenaire de sa mort, en 1825, l'exposition met en valeur l'inventivité de l'artiste et la puissance d'expression de sa peinture.
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David est un monument de la peinture, souvent présenté comme "le Père de l'École française". Jusqu'au 26 janvier 2026, le plus grand musée du monde retrace de façon chronologique le fabuleux destin de cet artiste à travers une centaine de peintures et de dessins. Ils sont issus pour 30% des collections du Louvre. Des prêts très importants viennent aussi des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique.
Les images des tableaux de Jacques-Louis David, dont le prénom s'efface souvent, peuplent nos livres d'histoire. "La dernière grande exposition que nous lui avons consacrée au Louvre, c'était en 1989, à l'occasion du bicentenaire de la Révolution française", rappelle Sébastien Allard, co-commissaire de l'événement. "Son art est son moyen d'action dans ce monde nouveau qui est en train de naître et auquel il participe, analyse cet historien d'art. C'est l'un des premiers artistes engagés, pour employer un terme anachronique." Dans l'art de David réside un véritable projet artistique, mais aussi politique, moral et social.
Une tentative de suicide à 24 ans
Né le 30 août 1748 à Paris, dans une famille aisée, David peine à trouver sa voie artistique. Au début de sa carrière, dans les années 1770, il hésite entre une peinture claire et animée, inspirée par Fragonard, et le classicisme plus austère à la Nicolas Poussin impulsé par les instances académiques. Il se présente et échoue quatre fois au Grand Prix de Rome, ce qui l'amène à faire une tentative de suicide. "Il cesse brièvement de s'alimenter, explicite Sébastien Allard. C'est quelqu'un qui monte très haut et qui tombe plusieurs fois au cours de sa carrière."
Quand il remporte enfin le prix tant espéré en 1794, David part pour Rome en disant à son maître Vien : "L'Antique ne me séduira pas ; il manque d'entrain, il ne remue pas." Son séjour à la Villa Médicis sera pénible, marqué par la concurrence entre les pensionnaires. Quand éclate une nouvelle crise, en 1779, il comprend qu'il doit tout recommencer et se plonge dans l'œuvre du Caravage et de ses héritiers, qui aura une grande influence sur son travail.
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Nommé académicien à 35 ans, le peintre frappe un grand coup en 1784 avec le tableau intitulé Le Serment des Horaces, premier chef-d'œuvre de sa carrière. Cette grande toile surprend ses contemporains par son audace et l'austérité de sa composition. David l'expose à Rome, dans son atelier, puis à Paris, au Salon. Elle est considérée dans l'Europe entière comme "l'an I de la peinture moderne". "On a employé au sujet de l'artiste le terme de néo-classique que nous n'utilisons pas dans l'exposition, car il renvoie plutôt au XVIIe siècle, explique Sébastien Allard, directeur du département Peintures du Louvre. L'un des enjeux de David est de trouver le langage approprié à son temps, cette époque troublée qui voit émerger un monde nouveau (...) Il entend être un acteur de cette fondation." Ce tableau le propulse "régénérateur de la peinture" et son atelier attire de plus en plus d'élèves et de riches clients. Ce triomphe inquiète l'Académie dont il commence à contester le système.
David est avant tout un peintre d'histoire. S'il réalise des portraits, c'est pour remercier ses proches et gagner de l'argent en se constituant une clientèle, non à la cour de Versailles comme sa consœur Élisabeth Vigée-Lebrun, mais dans les milieux éclairés, favorables aux idées nouvelles. Éliminant les accessoires et refusant toute mise en scène, il veut traduire la singularité de ses modèles qu'il peint sur un fond neutre. L'exposition réunit certains de ses plus beaux portraits, notamment celui de Madame Thélusson, venu de Munich, et ceux de Madame d'Orvilliers et de Juliette Récamier allongée sur sa chaise longue, tous deux issus des collections du Louvre et restaurés pour l'occasion.
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David a rejoint la franc-maçonnerie en 1787. Avec la Révolution, il franchit les limites jusqu'alors assignées aux artistes. Il ne lui suffit plus de peindre l'héroïsme, il veut le vivre. Il sera l'un des premiers peintres citoyens engagés dans les affaires de la cité, comme artiste et comme député. David est élu à la Convention nationale en 1792 et vote l'abolition de la Monarchie. L'année suivante, il fait partie des 387 députés qui choisissent d'exécuter le roi Louis XVI.
La pièce la plus étonnante de l'exposition est le très monumental Serment du Jeu de Paume, prêté par le château de Versailles, un tableau à peine ébauché. David a été chargé dès 1791 d'immortaliser l'événement fondateur de la Révolution française survenu le 20 juin 1789. Il abandonne ce tableau quand l'unité se fracture entre les premiers artisans de la Révolution. Cet immense fragment de 6 mètres sur 10 dévoile les coulisses de la création de ses œuvres et leur complexité. Un quadrillage a été tracé sur l'ensemble du tableau sur lequel il a dessiné à la craie et au crayon graphite les silhouettes de ses personnages. On aperçoit des repentirs. À l'huile, il a aussi commencé à peindre quatre visages et trois mains.
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En 1793, le député David, proche de Robespierre et de Marat, est nommé au Comité de sûreté générale, chargé de la police intérieure. Il préside la section des interrogatoires et questionne même le jeune roi Louis XVII. Au nom de l'abolition des privilèges, il obtient la suppression des académies. David organise des funérailles publiques pour les martyrs de la Révolution qu'il immortalise sur des tableaux devenus cultes, en particulier son Marat assassiné. L'exposition présente trois magnifiques versions de cette œuvre. Celle signée par David vient de Bruxelles.
"Ce peintre était l'un des premiers et des plus grands communicants politiques ou propagandistes de la période", analyse le directeur du département des Peintures du Louvre. "Il a vécu sous six régimes politiques", rappelle Sébastien Allard. "Un certain nombre de ses grands tableaux comme Bonaparte franchissant les Alpes ou Le Sacre de Napoléon, qui est en réalité le couronnement de Joséphine, sont des images qu'on n'oublie plus quand on les voit. Elles sont réduites à l'essentiel. Si vous regardez Marat assassiné, la moitié du tableau, c'est du vide avec cette vibration de la touche." Une Étude d'après nature de la tête de Jean-Paul Marat à la plume est aussi présentée.
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La proximité de David avec Robespierre va provoquer sa chute. Arrêté à deux reprises, il sera l'un des rares amis de "L'Incorruptible" à échapper à la guillotine. L'artiste passera sept mois en prison avant d'être amnistié en octobre 1795. "En raison de son rôle politique pendant cette période dite de La Terreur, l'historiographie du XIXe siècle et d'une partie du XXe siècle a eu tendance à séparer l'homme de l'œuvre pour essayer de sauver le Père de l'École française", analyse Sébastien Allard.
David travaille à revenir, coûte que coûte, sur le devant de la scène. Il bénéficie du soutien et de la fortune de Charlotte Pécoul dont il a divorcé en 1794, mais qu'il ré-épouse en 1796. Il n'occupera plus de rôle politique de premier plan, mais restera attaché aux idéaux de la Révolution. David renoue avec la peinture d'histoire dans Les Sabines, donnant pour la première fois un rôle de premier plan aux femmes, agentes de l'istoire.
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Dès leur rencontre en 1797, David est fasciné par Bonaparte. Sur ce tableau devenu, lui aussi, iconique, il fusionne la peinture d'histoire, le sujet contemporain et l'art du portrait. Cette image héroïque est entrée dans l'imaginaire collectif, bien qu'elle torde violemment le bras à la réalité historique, le brillant général ayant traversé les Alpes de façon nettement moins flamboyante, à dos de mulet. L'artiste entretiendra par la suite des rapports plus ambivalents avec l'Empire.
En 1807, il réalise sa composition la plus ambitieuse avec Le Sacre, tableau qui ne figure pas dans l'exposition. En 1812, dans un nouvel exercice de communication politique, il peint Napoléon dans son cabinet de travail et veille à donner une image moderne de l'empereur en homme d'État. Ce portrait en pied, dans un bureau, inspirera par la suite les photos de nombreux présidents de la République française.
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Après la chute de l'Empire en 1815, le peintre est condamné à l'exil. Il refusera les propositions d'amnistie du gouvernement qui souhaite malgré tout ménager "le Père de l'École française". À 68 ans, David s'installe à Bruxelles où de nombreux artistes, notamment les jeunes romantiques, viennent de toute l'Europe lui rendre visite. Il s'éteint dans la capitale belge durant l'hiver 1825, à l'âge de 77 ans.
"Tout au long du XIXe siècle et d'une partie du XXe, il est devenu une sorte de monument inapprochable", constate Sébastien Allard. "Il était monumental dans l'ampleur de sa production, monumental dans son rôle politique à une période fondatrice de notre modernité et monumental aussi par les œuvres qu'il a produites." Généralement accrochés assez haut, ses tableaux ont été volontairement fixés plus bas, pour permettre aux visiteurs d'apprécier plus directement sa qualité de peintre. "C'est un artiste qui a vécu et travaillé au Louvre. Il fait partie de l'ADN du musée", conclut le commissaire. Le "cas David" reste véritablement unique dans l'histoire de l'art.
"Jacques-Louis David", du 15 octobre 2025 au 26 janvier 2026, au musée du Louvre à Paris
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