: Vrai ou faux Les éoliennes en mer "ne servent-elles à rien", comme l'affirme un député du Rassemblement national ?
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Grâce aux vents plus forts et plus stables au large des côtes, l'efficacité des éoliennes offshore est supérieure à celle des éoliennes terrestres. D'après les estimations du gestionnaire du réseau de transport, elles sont même nécessaires pour répondre aux besoins énergétiques de demain.
La troisième Conférence des Nations unies sur l'océan (Unoc-3) a pris fin à Nice vendredi 13 juin. Pendant une semaine, plus de 100 délégations nationales, parmi lesquelles au moins 51 chefs d'Etat ou de gouvernement, ont discuté d'un "plan d'action de Nice pour l'océan". La pêche au chalut a été vivement critiquée, notamment pour les dégâts qu'elle peut causer dans les fonds océaniques. Questionné à ce sujet sur franceinfo, le 9 juin, Philippe Ballard, député Rassemblement national de l'Oise, a préféré accuser les éoliennes en mer. "Vous saccagez le fond des océans avec les éoliennes offshore, qui en plus ne servent à rien", a-t-il lancé. Ces éoliennes implantées au large des côtes françaises font souvent l'objet d'attaques, mais sont-elles réellement inutiles, comme le prétend l'élu ?
Elles sont plus efficaces que les éoliennes terrestres
Contacté par franceinfo, Phillipe Ballard ne remet pas en cause leur efficacité. En effet, au large des côtes, le vent est plus fort et plus stable qu'à terre, explique Cédric Philibert, spécialiste indépendant des énergies renouvelables et ancien analyste à l'Agence internationale de l'énergie : "En mer, il est possible d'implanter des éoliennes de plus grande taille car elles sont moins gênantes visuellement et plus faciles à transporter que sur terre. Elles créent donc plus d'énergie que les éoliennes terrestres." Le facteur de charge (le ratio entre l'énergie produite par une éolienne sur une période donnée et l'énergie qu'elle aurait produite durant cette période si elle avait constamment fonctionné à pleine capacité et en continu) des éoliennes en mer était d'environ 30% contre 21,8% pour les éoliennes terrestres en 2024, selon un bilan du gestionnaire du réseau de transport électrique (RTE). C'est pourquoi elles se sont multipliées sur le littoral français ces dernières années. A l'horizon 2050, la France prévoit d'exploiter 50 parcs éoliens en mer.
Toutefois, pour Philippe Ballard, elles n'ont pas d'intérêt économique et environnemental. "Lorsqu'il n'y a pas de vent, elles ne produisent pas d'énergie. Et lorsqu'il y a beaucoup de vent, cela surcharge le réseau électrique, ce qui crée des prix négatifs sur le marché de l'électricité", détaille le député RN. Les prix négatifs surviennent lorsque la production d'électricité est supérieure à la demande et que les producteurs paient pour injecter leur électricité sur les marchés. Pour Philippe Ballard, l'énergie éolienne favorise ce phénomène puisque leur production dépend des aléas météorologiques.
"Ces situations de surplus d'énergie sont causées autant par l'éolien que par le solaire ou le nucléaire, nuance Cédric Philibert. Tous les secteurs producteurs d'énergie s'adaptent pour ne pas créer trop d'énergie sur des périodes où la consommation baisse." Ainsi, le 2 juin, le ministère de l'Economie a enjoint aux parcs éoliens situés au large de Fécamp, Saint-Brieuc et Saint-Nazaire d'arrêter leur production en période de prix négatifs.
L'énergie excédentaire peut être stockée
D'après Cédric Philibert, en cas de trop-plein d'énergie, l'électricité créée par l'éolien peut être stockée. "On a des barrages de 5 000 mégawatts qui disposent de stations de transfert d'énergie, des batteries, mais qui sont encore peu développées, car coûteuses", explique-t-il.
Par ailleurs, supprimer cette énergie intermittente, comme le souhaite Philippe Ballard, équivaut à miser encore plus sur le nucléaire, ce qui peut être risqué, estime le chercheur. "L'âge moyen du parc nucléaire en France est de 40 ans, et si la durée de vie de ces réacteurs est en train d'être prolongée, cela ne pourra pas être le cas indéfiniment." Dans tous ses scénarios, RTE prévoit une baisse de la proportion du nucléaire dans le mix électrique français dans le futur, tandis que la part de l'éolien offshore et des autres énergies intermittentes va augmenter. Pour autant, l'activité nucléaire ne va pas ralentir puisque davantage d'électricité sera nécessaire dans les prochaines années.
L'effet sur la biodiversité marine est encore à l'étude
D'après Philippe Ballard, l'installation des éoliennes offshore est aussi problématique pour la biodiversité. "On fait couler des tonnes de béton, ce qui saccage les océans et on a même des tracteurs qui viennent labourer ces océans", déplore-t-il auprès de franceinfo. En effet, les travaux d'installation des éoliennes détruisent temporairement l'habitat et éloignent les espèces à cause du bruit, comme le relevait le Conseil national de la protection de la nature en septembre 2021.
Néanmoins, à plus long terme, un "effet récif" peut être observé. "En implantant une éolienne dans la mer, cela va modifier l'écosystème et en créer un nouveau", explique à franceinfo Jean-Claude Dauvin, écologue marin à l'université de Caen. "A la manière des récifs artificiels, les espèces sous-marines viennent se greffer autour de l'éolienne et créent une nouvelle zone d'habitat." Le Conseil national de la protection de la nature reste toutefois prudent sur l'ampleur de cet effet et met en garde contre la prolifération d'espèces invasives qui n'existaient pas dans ce milieu auparavant.
Une étude du pôle Mer Bretagne Atlantique, spécialisé en recherche et développement dans le domaine maritime, montre que l'ampleur de l'effet récif reste très dépendante du milieu dans lequel l'éolienne est implantée. Par exemple, dans une zone rocheuse, la pose d'une éolienne marine "induira peu de changement dans la diversité des espèces". Mais les conséquences sur la biodiversité marine varient aussi en fonction "de la profondeur des structures artificielles dans le milieu".
En définitive, cette étude conclut que "les connaissances sur l'effet récif sont insuffisantes" et "ne permettent pas d'appréhender de façon robuste l'évolution de la structure et du fonctionnement de l'écosystème". De son côté, RTE recommande de poursuivre les recherches sur le sujet pour observer "l'évolution de la faune et de la flore sous-marines à long terme".
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